Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du 27 février 2020 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération du Pays de Gex a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l'habitat (PLUiH), ainsi que la décision du 28 août 2020 rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2007655 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 27 février 2020 du conseil de la communauté d'agglomération du Pays de Gex en tant qu'elle institue un emplacement réservé pe 4, sur la parcelle cadastrée section B n° 152, située sur le territoire de la commune de Péron, et au profit de cette dernière, pour la mise en place d'un conteneur d'ordures ménagères, pour une superficie de 84,86 mètres carrés, ensemble la décision du 28 août 2020 rejetant le recours gracieux de Mme B... et M. D..., dans la même mesure.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 septembre 2021 et le 1er avril 2022, la communauté d'agglomération du Pays de Gex, représentée par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2021 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... et de M. D... présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... et de M. D... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la seule intention de réaliser un aménagement est suffisante pour justifier la création d'un emplacement réservé et il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de sa localisation ;
- au demeurant, en l'espèce, tant le besoin de réaliser l'équipement projeté que sa localisation sont justifiés, notamment par le rapport de présentation ;
- la circonstance que la communauté d'agglomération exerce la compétence en matière de collecte et de traitement des déchets ne fait pas obstacle à ce que l'emplacement réservé soit institué au profit de la commune, cela n'ayant pas pour effet de lui transférer la compétence en la matière ;
- la modification de l'emplacement réservé pe 4 postérieurement à l'enquête publique procède de celle-ci.
Par des mémoires enregistrés le 11 mars 2022 et le 29 avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B... et M. D..., représentés par Me Combaret, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Pays de Gex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la délibération en litige est également illégale en ce que la création de l'emplacement réservé pe 4 a été décidée postérieurement à l'enquête publique, sans que cela ne résulte de celle-ci.
Par ordonnance du 6 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Masson, représentant la communauté d'agglomération du Pays de Gex, et de Me Combaret, représentant Mme B... et M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération en date du 27 février 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du pays de Gex a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal valant plan local de l'habitat (PLUiH). Mme B... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette délibération. Ce dernier, dans son jugement du 6 juillet 2021, a considéré qu'au regard de la teneur de leurs écritures, ils devaient être regardés comme contestant ce document d'urbanisme uniquement en tant qu'il institue un emplacement réservé pe4, sur la parcelle cadastrée section B n° 152 située sur le territoire de la commune de Péron, et au profit de cette dernière, pour la mise en place d'un conteneur d'ordures ménagères, pour une superficie de 84,86 mètres carrés. Il a fait droit à ces conclusions en annulation par un jugement dont la communauté d'agglomération du Pays de Gex relève appel.
Sur la légalité de la délibération du 27 février 2020 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques (...) En outre, dans les zones urbaines et à urbaniser, le règlement peut instituer des servitudes consistant à indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements. ". L'article R. 151-34 du même code dispose : " Dans les zones U, AU, A et N les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : 4° Les emplacements réservés aux équipements et installations d'intérêt général en précisant leur destination et les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires ". L'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé en application de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Toutefois, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur le caractère réel de l'intention de la commune.
3. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs du PLUiH ont entendu créer un emplacement réservé sur la parcelle cadastrée section B n° 152 située à Péron, dans le hameau de Feigères, en vue de la mise en place d'un conteneur d'ordures ménagères. Si Mme B... et M. D... font valoir qu'il existe déjà deux conteneurs d'ordures ménagères sur ce hameau, l'un au nord, l'autre au sud, les conteneurs situés au sud ne concernent que le tri sélectif et non les ordures ménagères résiduelles. Par ailleurs, l'emplacement dédié à l'entreposage des déchets ménagers, situé au nord, ne comprend que deux bacs roulants de faibles dimensions, alors que la communauté d'agglomération soutient sans être contredite qu'il existe actuellement cent-trente logements sur le hameau et que le règlement intercommunal de collecte des déchets ménagers et assimilés du Pays de Gex, auquel renvoie le règlement du PLUiH, prévoit qu'il convient de prévoir un conteneur pour trente logements et qu'il ressort enfin des pièces du dossier qu'il existe un projet de lotissement sur le territoire de la commune. Il suit de là, et alors même que le hameau des Feigères est classé en zone UGp2, dans un secteur pavillonnaire, que la création d'un emplacement réservé pe4 sur la parcelle cadastrée section B n° 152, situé entre les deux points de collecte existants, se justifie par la nécessité d'améliorer la gestion des déchets et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, étant précisé qu'il n'appartient pas au juge administratif de comparer les mérites respectifs de plusieurs emplacements et d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation de cet emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles. Ainsi, la circonstance que d'autres emplacements existeraient et seraient plus adaptés ou judicieux, est sans incidence sur la légalité de la délibération en litige. Les intimés ne peuvent enfin utilement se prévaloir des stipulations de la convention type de mise à disposition du domaine communal à la communauté d'agglomération du Pays de Gex, qui prévoient que l'implantation des conteneurs est programmée selon un zonage élaboré par la communauté d'agglomération avec la commune et le SIDEFAGE pour le tri sélectif et que ce zonage a vocation à rattacher un maximum d'habitations à des points d'apports volontaires de proximité. Par suite, la communauté d'agglomération du Pays de Gex est fondée à soutenir que, c'est à tort que, pour annuler sa délibération du 27 février 2020 en tant qu'elle instituait un emplacement réservé pe4, le tribunal administratif a retenu un premier motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales : " I. La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) 7° Collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés ; (...). La communauté d'agglomération peut déléguer, par convention, tout ou partie des compétences mentionnées aux 8° à 10° du présent I à l'une de ses communes membres ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la communauté d'agglomération du Pays de Gex est chargée du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés, et qu'il appartient aux collectivités concernées de mettre à sa disposition les immeubles nécessaires à l'exercice de cette compétence. La communauté d'agglomération du Pays de Gex relève à cet égard qu'elle conclut avec ses communes membres des conventions de mise à disposition des parcelles nécessaires à l'exercice de cette compétence, afin de définir les conditions dans lesquelles elle est autorisée à implanter ses équipements sur les territoires des différentes membres, que les parcelles destinées à les recevoir soient la propriété de la commune ou de tiers.
6. Les emplacements réservés doivent indiquer les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires, et, quel que soit le bénéficiaire de la réserve, les seuls ouvrages ou installations dont la réalisation peut être autorisée sur ces terrains sont ceux conformes à cette destination prévue par le plan local d'urbanisme. Le propriétaire concerné bénéficie en contrepartie de cette servitude d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. Dans ces conditions, et alors que l'emplacement en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, le moyen tiré de ce que le bénéficiaire de la réserve aurait dû être la communauté d'agglomération du Pays de Gex est inopérant. Ainsi, la communauté d'agglomération est fondée à soutenir que c'est à tort, que, pour annuler sa délibération du 27 février 2020 en tant qu'elle instituait un emplacement réservé pe4, le tribunal administratif a retenu un second motif tiré de ce que, compte tenu de la compétence de la communauté d'agglomération en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers, la commune de Péron ne pouvait légalement être instituée bénéficiaire de l'emplacement réservé litigieux.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B... et M. D... tant en première instance qu'en appel.
8. Il résulte de l'article L. 153-43 du code de l'urbanisme que le projet de plan local d'urbanisme ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.
9. Dans le dossier soumis à enquête publique, un emplacement réservé pe4 était prévu sur le territoire de la commune de Péron, concernant " l'aménagement d'espaces publics ", pour une superficie de 162,96 m² et, à l'issue de l'enquête publique, il a été décidé de consacrer l'emplacement réservé pe4 à la " mise en place de conteneur d'ordures ménagères ", pour une superficie de 84,86 m². Il ressort des pièces du dossier que cette modification, qui ne remet pas en cause l'économie générale du projet, fait suite en particulier à une demande de la commune de Péron, émise au cours de l'enquête publique, tendant à ce que six emplacements réservés dédiés à la mise en place de conteneurs d'ordures ménagères soient créés sur son territoire. Ainsi, cette modification procède de l'enquête et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-43 du code de l'urbanisme doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération du Pays de Gex est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de Mme B... et de M. D....
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération du Pays de Gex présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération du Pays de Gex, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à Mme B... et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Articles 2 : Les conclusions de Mme B... et M. D..., présentées tant en première instance qu'en appel, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la communauté d'agglomération du Pays de Gex tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Pays de Gex, à Mme C... B... et M. A... D....
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
M. E...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02987