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16/03/2023 | FRANCE | N°22LY03624

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 mars 2023, 22LY03624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Savoie lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202766 du 29 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, Mme B

..., représentée par Me Mathis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Savoie lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202766 du 29 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Mathis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

Sur la décision fixant le pays de destination ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 20 avril 1983, est entrée en France le 6 avril 2013 selon ses déclarations, afin d'y solliciter le bénéfice du statut de réfugié, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 janvier 2014, confirmée le 26 juin 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Le réexamen de sa demande d'asile a été rejeté par les mêmes instances. Le 26 août 2020, elle a été admise au séjour en raison de son état de santé. Le 6 mai 2021, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 20 décembre 2021, le préfet de la Savoie a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 29 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraîneraient un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une hypertension artérielle qui nécessite la prise d'un traitement médicamenteux ainsi qu'un suivi médical régulier. Pour rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressée, le préfet de la Savoie s'est notamment fondé sur l'avis du 3 août 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précise que, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Mme B..., qui ne conteste pas la disponibilité du traitement qui lui est administré dans son pays d'origine, n'établit pas, en se bornant à se référer à des articles de presse portant sur des considérations d'ordre général, qu'elle ne pourrait pas avoir accès, dans son pays d'origine, à un suivi médical par un médecin généraliste et un cardiologue. Si l'intéressée se prévaut du coût du traitement qui lui est administré au regard du salaire médian observé dans son pays d'origine, elle n'établit pas, ni même ne soutient, que des médicaments génériques à un coût moindre ne pourraient pas lui être prescrits alors, au surplus, qu'elle n'apporte aucun élément justifiant des ressources dont elle pourrait disposer. Au demeurant, le préfet a produit, en première instance, un courrier du médecin référent auprès de l'ambassade de France en République démocratique du Congo, non contredit par les allégations de la requérante, relevant que les médicaments génériques usuels sont " extrêmement répandus et disponibles à des prix abordables par la population ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis 2013 et qu'elle justifie d'un projet professionnel. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, Mme B..., célibataire et sans charge de famille, n'établit pas avoir noué des liens particuliers sur le territoire français. Elle ne justifie pas davantage d'une intégration sociale et professionnelle spécifique par la seule circonstance qu'elle a exercé, à compter du 25 mai 2021, une activité professionnelle en qualité d'agent d'entretien. L'intéressée ne peut utilement se prévaloir d'un projet d'insertion en vue de devenir aide-soignante postérieur à la décision attaquée. Enfin, Mme B... a fait l'objet le 21 août 2017 d'une précédente mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée et elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment sa mère et où elle a, elle-même, vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Par suite, compte tenu notamment des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, le préfet de la Savoie n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de titre de séjour en litige a été pris et n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Savoie refusant de lui renouveler un titre de séjour étant écartés, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03624
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : MATHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-16;22ly03624 ?
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