Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2102937 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022, Mme C... épouse A..., représentée par Me Busic, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 14 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui accordant un rendez-vous pour le dépôt de son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet et effectif de la situation médicale et familiale ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2022, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens présentés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les observations de Me Augoyard, substituant Me Cano, pour le préfet de l'Yonne.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse A..., née le 22 septembre 1979 à Rakaj (Kosovo), de nationalité kosovare, déclare être entrée en France le 10 février 2015. La demande d'asile déposée par l'intéressée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 mai 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 octobre 2017. Mme A... a obtenu un titre de séjour en qualité de conjointe d'un étranger malade valable du 16 août 2018 au 26 juin 2019, dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 14 octobre 2021, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 avril 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, Mme A... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, Mme A... se prévaut de la qualité d'étranger malade de son époux et soutient que son mari souffre de troubles psychiatriques graves à raison desquels il risque de subir des persécutions dans son pays d'origine. Elle produit, pour en justifier, différents certificats médicaux établissant que son mari est atteint de troubles schizophréniques depuis l'âge de vingt-cinq ans, pour lesquels il bénéficie d'un traitement médicamenteux. Toutefois, le préfet de l'Yonne, après un avis défavorable rendu le 1er mars 2021 du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), a rejeté, par un arrêté du 14 octobre 2021 dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la Cour de ce jour, la demande de son époux présentée sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet fonde son arrêté sur le fait que M. A... peut bénéficier d'un traitement effectif dans son pays d'origine et y voyager sans risques. Mme A... n'établit pas plus, dans les pièces produites et alors que le préfet se prévaut, sans être utilement contredit par des allégations générales sur l'état du système de santé dans son pays d'origine, de l'existence de structures hospitalières, de médicaments et centres médicaux susceptibles de prendre en charge de manière effective l'intéressé, que son époux ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement médical pour cette pathologie psychiatrique courante.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Comme il a été dit précédemment, Mme A... n'établit pas que son époux ne pourrait bénéficier d'un traitement médical pour les troubles schizophréniques dont il est atteint, ni au demeurant les spoliations et persécutions alléguées. Par ailleurs, l'intéressée, qui ne conteste pas avoir conservé des attaches personnelles et familiales au Kosovo, ne fait état d'aucun lien privé ou familial sur le territoire français à l'exception de son époux, également en situation irrégulière, et de leurs trois enfants mineurs. Les circonstances, d'une part, qu'elle relève avoir travaillé 3,5 mois entre septembre et décembre 2019, 3,5 mois entre septembre et décembre 2020 ou encore deux mois pendant l'été 2021 et avoir obtenu le niveau A1 en langue française, et, d'autre part, que M. A... bénéficie de la qualité de travailleur handicapé, ne permettent pas de retenir que le couple justifierait d'une intégration stable et particulière, étant relevé que rien ne fait obstacle à ce qu'elle subvienne aux besoins de sa famille dans son pays d'origine et que les enfants y poursuivent leur scolarité. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, pour les mêmes motifs, de l'erreur manifeste d'appréciation et, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 311-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Mme A... se prévaut de la présence de ses trois enfants nés en 2006, 2009 et 2010 qui sont scolarisés sur le territoire national. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces enfants, qui ne sont entrés qu'en 2015 en France, ne pourraient suivre leurs parents au Kosovo, pays dont les parents ont la nationalité, pour y poursuivre leur scolarité. Par suite, et alors que les décisions en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants mineurs de leur mère ou de leur père, également en situation irrégulière, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Yonne aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants. Elle ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, étant au demeurant également relevé qu'elle n'a pas présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, qui est visée dans l'arrêté litigieux, doit, dès lors, être écarté.
8. En dernier lieu, Mme A... soutient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme A... fait valoir qu'elle encourt des risques d'agressions et de persécutions en raison de l'état de santé de son époux en cas de retour au Kosovo et qu'elle serait victime de représailles dans le cadre d'un conflit foncier opposant son époux à ses voisins. Toutefois le conflit foncier allégué n'est pas suffisamment établi par les pièces produites, étant relevé qu'il n'a pas été retenu par la Cour nationale du droit d'asile le 20 octobre 2017, et la seule pathologie de son époux ne traduit pas, à elle seule, des craintes de persécutions ou de traitements inhumains ou dégradants propres à l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision fixant le Kosovo comme pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
Le rapporteur,
F. Bodin-Hullin
La présidente,
M. D...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01423