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21/02/2023 | FRANCE | N°22LY01315

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 21 février 2023, 22LY01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2110247 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29

avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Paras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2110247 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Paras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 19 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente du réexamen, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et la préfète de la Loire n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle ne prend pas en compte les risques sanitaires existants dans son pays d'origine.

La requête a été communiquée à la préfète de la Loire, qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 31 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les observations de Me Paras pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 20 avril 1981 à Matadi (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, déclare être entré sur le territoire français le 24 décembre 2011. Après avoir bénéficié en 2017 d'une autorisation provisoire de séjour d'une année pour raisons de santé, M. A... a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Loire du 27 février 2019 portant refus de séjour pour soins et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à l'encontre duquel il a formé un référé suspension, qui a été rejeté, et un recours pour excès de pouvoir, pour lequel le tribunal a donné acte de son désistement d'office le 19 novembre 2019. Le 30 janvier 2020, il a sollicité la régularisation de sa situation administrative et son admission exceptionnelle au séjour mais sa demande a été rejetée par la préfète de la Loire le 9 mai 2020 et la légalité de cet arrêté, qui l'oblige à nouveau à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a été confirmée par le tribunal administratif le 17 mai 2020. Le 2 novembre 2021, M. A... a de nouveau sollicité son admission au séjour, sur le fondement des articles L. 423-23, L.421-1 et L. 421-3 et L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 novembre 2021, la préfète de la Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2022 qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 novembre 2021 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

3. M. A... est présent en France depuis dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Il justifie, par les pièces produites, vivre en concubinage depuis au moins janvier 2019 avec Mme D..., une ressortissante congolaise qui bénéficie d'une protection internationale au titre de l'asile. Ils sont parents d'un enfant né le 11 octobre 2019, dont il contribue à l'entretien et l'éducation, étant au demeurant relevé que si leur deuxième enfant est né sans vie en octobre 2020, la naissance de leur troisième enfant était annoncée pour le mois d'avril 2022. M. A..., qui produit de nombreuses fiches de paie, établit enfin avoir occupé plusieurs emplois depuis son entrée en France, avec un faible nombre d'employeurs, et produit de nombreuses fiches de paie établissant occuper dans la période plus récente des emplois stables au sein d'une même structure, avec une rémunération conséquente. Dans ces conditions, M. A... apporte la preuve que le centre de ses intérêts privés et familiaux est désormais situé en France et la préfète de la Loire a, par suite, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Enfin, la protection au titre de l'asile dont bénéficie sa conjointe, également de nationalité congolaise, fait obstacle à ce qu'elle puisse le rejoindre dans son pays d'origine, et la séparation en résultant méconnaît l'intérêt supérieur de leurs enfants. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision de refus de séjour, ainsi que des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le préfet de la Loire délivre à M. A... un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Paras, avocat de M. A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Paras renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 19 novembre 2021 de la préfète de la Loire sont annulés.

Article 2 : Il est fait injonction au préfet de la Loire de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Paras au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Paras renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01315
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PARAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-21;22ly01315 ?
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