La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2023 | FRANCE | N°22LY00843

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 21 février 2023, 22LY00843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2108387 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, M. B..., représenté par Me Joie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 2022 ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2108387 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, M. B..., représenté par Me Joie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 9 novembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas visé la directive 2004/38/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 et en ce qu'il est, de ce fait, insuffisamment motivé ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit au séjour en sa qualité de ressortissant de l'Union européenne et procède d'une mauvaise appréciation des conditions prévues par l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux.

Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2023, le préfet de la Haute Savoie a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 29 juillet 1976 à Melbourne, de nationalités irlandaise et australienne, est entré en France en 2017 selon ses déclarations. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Le tribunal administratif n'ayant, dans son jugement, pas fait application de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, il n'avait pas à la viser. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de justice administrative doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, le tribunal administratif, saisi de la légalité de l'arrêté du 9 novembre 2021, fondé sur les dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas fait application des dispositions de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, dès lors qu'elles sont entièrement transposées, s'agissant du point en litige, par les dispositions de cet article L. 251-1. Il suit de là qu'une telle circonstance ne saurait, en tout état de cause, caractériser une insuffisance de motivation du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 novembre 2021 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine.". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

7. Pour prendre la décision d'obligation de quitter le territoire français en litige, fondée sur le fait que le comportement de M. B... constituait, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, le préfet de la Haute-Savoie a retenu que l'intéressé avait été interpellé et placé en garde à vue le 9 novembre 2021 pour des faits de violences sur sa concubine et, qu'en outre, il était défavorablement connu des services de police pour conduite d'un véhicule sous l'emprise de stupéfiants à deux reprises au cours de l'année 2021, en janvier et en mai.

8. Il est constant que M. B..., qui indique avoir été présent en France depuis quatre ans à la date de la décision ne bénéficie pas d'un droit au séjour permanent en vertu de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel fait obstacle, aux termes de l'article L. 251-2 du même code, à ce qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français soit prise en application de l'article L. 251-1.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une convocation en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui lui a été notifié le 2 mai 2022, s'agissant des faits suivants : " avoir, à les Houches 74310, le 09/11/2021, exercé volontairement des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours, en l'espèce 8 jours, sur [sa concubine], en l'espèce, l'avoir poussée en arrière sur le canapé, lui avoir tiré les cheveux, lui avoir saisi le cou, lui avoir fait taper la tête contre un mur, l'avoir jetée en arrière sur le lit de la chambre à coucher, l'avoir poussée en arrière à l'extérieur de la rue afin de la faire tomber dans des buissons, ces violences ayant entraîné un hématome au front, un visage oedematié avec nez sensible, une épaule gauche sensible à la palpation, une ecchymose au niveau sous claviculaire, une dermabrasation au niveau lombaire droit. ". Il a par ailleurs été reconnu coupable de conduite d'un véhicule ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants commis le 26 janvier 2021, pour laquelle il a été condamné le 26 septembre 2021 au paiement d'une amende de 600 euros, et d'une interdiction de conduire un véhicule pour une durée de quatre mois. Il a, enfin, été prévenu en août 2021 " d'avoir à les Houches, en tous cas sur le territoire national (...) conduit un véhicule en ayant fait usage (...) de cocaïne, substance ou plante classée comme stupéfiant (...) " en mai 2021. S'il n'est pas contesté que M. B... n'avait pas, au jour de la décision en litige, été condamné pour deux des trois infractions constatées, il résulte de ce qui précède qu'il a été impliqué à plusieurs reprises dans des affaires délictuelles au cours d'une seule année et il n'allègue pas que ces infractions, dont il ne conteste pas la matérialité des faits, ont fait l'objet d'un classement sans suite. Par ailleurs, s'il soutient être entré en France en décembre 2017 et avoir créé une entreprise de conseils en gestion de chalets le 8 novembre 2018, et se prévaut d'un bail à son nom à partir du mois de novembre 2020, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition du requérant lors de sa garde à vue en date du 9 novembre 2021, qu'il a déclaré se verser un salaire mensuel à peine supérieur au montant déclaré du loyer de son habitation. Par ailleurs, séparé de sa compagne, il ne justifie d'aucune attache sur le territoire où il séjourne depuis moins de quatre ans à la date de la décision, alors qu'il résulte du même procès-verbal d'audition qu'il a déclaré avoir une fille mineure résidant en Angleterre. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaîtrait les dispositions citées au point 6 ou serait disproportionnée. Pour les mêmes raisons, l'arrêté litigieux ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni n'est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. C...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00843
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : JOIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-21;22ly00843 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award