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16/02/2023 | FRANCE | N°21LY03310

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 février 2023, 21LY03310


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105346 du 20 septembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Gerin, deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 22 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105346 du 20 septembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Gerin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 22 juillet 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- en méconnaissance de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'a pas été informé de la possibilité de recevoir communication des éléments de l'arrêté dans une langue qu'il comprend ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Caraës, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1994, est entré en France le 26 janvier 2019. Le 13 février 2020, il a sollicité le bénéfice de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 6 août 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 avril 2021. Par un arrêté du 22 juillet 2021, le préfet de l'Isère, après avoir constaté que M. A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort de l'arrêté en litige que celui-ci vise les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et comporte également l'énoncé des éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. A..., lesquels ne sont pas stéréotypés. Par suite, le préfet n'a pas entaché l'arrêté d'un défaut de motivation au regard des exigences de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

4. M. A... soutient qu'il a été privé de son droit d'être entendu avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 13 février 2020, aurait été informé, notamment par la délivrance du guide du demandeur d'asile, de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mise à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. S'il a ainsi été privé de la possibilité de pouvoir bénéficier des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en cas d'audition de l'intéressé, qui présente des troubles du sommeil et psychologiques ainsi que des douleurs abdominales sans étiologie connue et n'ayant pas nécessité de traitement médical, le préfet aurait été conduit à prendre une décision aboutissant à un résultat différent en l'absence de démonstration de la gravité de son état de santé et de l'indisponibilité du traitement médical approprié à son état de santé au Mali.

6. Aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ".

7. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français. Au demeurant, la notice portant mention des voies et délais de recours relative à l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours pris à l'encontre de M. A... précise, contrairement à ce que soutient le requérant, qu'il est informé qu'il peut demander que " les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiés lui soient communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 613-4 du code précité doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier des certificats médicaux et attestations produits en appel que si M. A... a présenté des troubles du sommeil et psychologiques ainsi que des douleurs abdominales, il n'établit ni que le défaut d'une prise en charge médicale de ces troubles et douleurs aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que le traitement approprié à son état de santé ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Par suite, et alors que M. A..., célibataire et sans enfant, est entré récemment en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. A....

10. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. L'arrêté du préfet de l'Isère, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité malienne de M. A... et constate que ce dernier n'établit pas être exposé à des risques personnels et réels de tortures ou de traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivé s'agissant de la fixation du pays de destination.

13. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que M. A... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Alors que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision du 6 août 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, laquelle a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 avril 2021, le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité des risques personnels qu'il allègue en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03310
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : GERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-16;21ly03310 ?
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