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02/02/2023 | FRANCE | N°21LY02950

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 21LY02950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Mont-Blanc Dépannage a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 août 2012, 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n

° 1802151 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Mont-Blanc Dépannage a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 août 2012, 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2011 au 31 mai 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802151 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2021, la SARL Mont-Blanc Dépannage, représentée par la SELARL RTA Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- tant les pièces comptables saisies consultées par le service que l'essentiel des procès-verbaux annexés à la proposition de rectification n'ont pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité ; le contrôle s'est borné à deux interventions ;

- l'article L. 60 du livre des procédures fiscales et les droits de la défense ont été méconnus dès lors que l'administration a fait état devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de documents saisis par l'autorité judiciaire auxquels la société n'a pas eu accès ;

- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que les rappels ont été mis en recouvrement en l'absence de communication des pièces dont la communication a été demandée ;

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, les factures non présentées étaient saisies par l'autorité judiciaire ;

- s'agissant des prestations non comptabilisées, aucun lien ne peut être établi entre les investigations de l'autorité judiciaire et les redressements opérés dès lors que les procès-verbaux ne permettent pas de comprendre comment est constituée l'annexe 1 qui sert à fonder les redressements ; il n'est fait état que des charges de personnel alors que des investigations supplémentaires auraient pu permettre de mettre en évidence d'autres charges ; les frères Le Bail étant eux-mêmes salariés de l'entreprise, l'administration devait déduire cette charge ;

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

- les rappels en matière de profit sur le Trésor sont contestés selon les moyens développés en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- s'agissant des charges non déductibles, les factures manquantes ont été saisies par l'autorité judiciaire ;

- s'agissant des prestations non comptabilisées, les redressements sont contestés selon des moyens identiques à ceux développés en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; les constats de l'autorité judiciaire sont arbitraires et ne peuvent fonder un redressement ;

Sur la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises :

- les rappels sont assis sur des bases imposables contestées ;

Sur les revenus distribués :

- ces rappels sont contestés sur le fondement des moyens développés précédemment ;

-

Sur les pénalités :

- les constats opérés par l'administration pour caractériser l'élément intentionnel sont arbitraires.

Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Le mémoire, enregistré le 2 novembre 2022, présenté pour la SARL Mont-Blanc Dépannage n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Thouvenot, représentant la SARL Mont-Blanc Dépannage ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 mai 2015, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a informé l'administration fiscale en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales de ce que MM. Jean-Luc et Thierry Le Bail, cogérants et associés de la SARL Mont-Blanc Dépannage, qui a pour activité le dépannage automobile, faisaient l'objet d'une enquête préliminaire pour des chefs d'abus de biens sociaux, de travail dissimulé, de blanchiment d'abus de biens sociaux, de travail dissimilé et de fraude fiscale. La SARL Mont-Blanc Dépannage a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2014, dont elle a été avisée par un avis reçu le 3 juin 2015, période étendue au 31 mai 2015, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, pour laquelle elle a reçu un avis complémentaire le 26 octobre 2015, à l'issue de laquelle le service a, en premier lieu, taxé les discordances constatées entre les chiffres d'affaires déclarés dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et les encaissements enregistrés en comptabilité, en deuxième lieu, refusé d'admettre en déduction la taxe grevant des dépenses pour lesquelles les factures n'ont pas été présentées, en troisième lieu, réintégré dans les chiffres d'affaires les sommes détournées correspondant à l'encaissement de dépannages non pris en charge par l'assistance des automobilistes non comptabilisées par la société et, en quatrième lieu, remis en cause la déduction de charges devant figurer à l'actif immobilisé et la déduction de charges non justifiées. En conséquence de ce contrôle, la SARL Mont-Blanc Dépannage a été assujettie, selon la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 août 2012, 2013 et 2014, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée ainsi qu'à des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant aux opérations comptabilisées non déclarées et les compléments d'impôt sur les sociétés résultant de l'imposition du profit sur le Trésor ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts tandis que les impositions résultant de la réintégration dans les chiffres d'affaires taxables à la taxe sur la valeur ajoutée et dans les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des factures dissimulées ont été assorties de la majoration pour manœuvres frauduleuses de 80 % prévue au c. du même article 1729. La SARL Mont-Blanc Dépannage relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalité correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. La SARL Mont-Blanc Dépannage soutient, en premier lieu, que tant les pièces comptables saisies que l'essentiel des procès-verbaux annexés à la proposition de rectification n'ont pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire au cours des opérations de contrôle.

3. D'une part, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en œuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification de comptabilité des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. A défaut, les impositions découlant de l'examen de ces pièces sont entachées d'irrégularité. Il n'en va pas de même, cependant, lorsque l'administration consulte des pièces détenues par l'autorité judiciaire qui ne présentent pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée, ou qu'elle n'utilise pas ces pièces pour fonder les rectifications contestées.

4. D'autre part, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir informé l'administration, le 6 mai 2015, de l'engagement d'une enquête préliminaire à l'encontre de MM. Jean-Luc et Thierry Le Bail, le procureur de la République a, le 22 octobre 2015, autorisé l'administration fiscale à consulter les pièces de ce dossier, à prendre au besoin copie des pièces utiles à la procédure fiscale, à opposer les pièces de procédure prises en copie au contribuable et à les lui communiquer si celui-ci en faisait la demande.

6. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL Mont-Blanc Dépannage s'est déroulée au siège de l'entreprise du 24 juin au 4 décembre 2015 en présence notamment de MM. Jean-Luc et Thierry Le Bail, gérants et associés de la SARL Mont-Blanc Dépannage, et que la vérificatrice les a rencontrés les 24 juin, 16 novembre 2015 et le 4 décembre 2015, pour la réunion de synthèse. Parallèlement à la vérification de comptabilité, selon les termes de la réponse aux observations du contribuable, la vérificatrice s'est rendue dans les locaux du service de la gendarmerie nationale d'Annecy pour prendre connaissance des pièces de procédure pénale ouverte à la suite de la perquisition du 5 mai 2015. S'il n'est pas contesté qu'elle a eu accès aux factures de la société et notamment aux factures saisies par l'autorité judiciaire qu'elle a pu consulter, il résulte des énonciations de la proposition de rectification que, pour fonder les rectifications de chiffre d'affaires, elle a utilisé, non pas ces pièces comptables, mais les procès-verbaux d'investigations et la base de données établis par le service enquêteur de la gendarmerie nationale. Ces procès-verbaux, qui contiennent des tableaux des factures repris de la base de données retraçant les factures retrouvées qualifiées de " dissimulées " non prises en compte dans la comptabilité de la SARL Mont-Blanc Dépannage, qui ont été annexés à la proposition de rectification adressé à la société, ne présentent pas le caractère de pièces comptables. Par suite, et alors qu'il est constant que la vérificatrice n'a pas pris de copies des documents comptables placés sous scellés, celle-ci n'était pas tenue de soumettre ces procès-verbaux d'investigations au débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité.

7. Si la SARL Mont-Blanc Dépannage fait valoir que le contrôle s'est limité à deux interventions sur place, il ressort des énonciations de la proposition de vérification que la vérificatrice a rencontré les gérants de la société à trois reprises. Il ressort des réponses aux observations de la société que les pièces saisies par l'autorité judiciaire ont été évoquées par la vérificatrice lors de l'intervention du 16 novembre 2015 ainsi que lors d'une réunion de travail du 30 novembre 2015 et, enfin, lors de la réunion de synthèse du 4 décembre 2015. Selon le courrier rejetant la réclamation de la société, MM. Jean-Luc et Thierry Le Bail ont, au cours de l'intervention du 16 novembre 2015, reconnu les faits révélés lors de la perquisition mais ont contesté le quantum retenu par le service. Il en résulte que les renseignements recueillis dans l'exercice du droit de communication ont pu être discutés au cours de la vérification de comptabilité et que le contrôle a donné lieu à des échanges de vue entre la vérificatrice et le représentant de la société.

8. Il s'ensuit que la SARL Mont-Blanc Dépannage n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

10. La SARL Mont-Blanc Dépannage fait valoir que l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que les rappels ont été mis en recouvrement en l'absence de communication des pièces saisies.

11. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

12. L'administration a informé la SARL Mont-Blanc Dépannage dans la proposition de rectification du 14 décembre 2015 de l'origine et de la teneur des procès-verbaux et de la base de donnée dont elle s'est servie pour fonder les rectifications en litige et a joint à la proposition de rectification un CD-Rom sur lequel étaient enregistrés trois annexes comprenant des tableaux des factures dissimulées, des tableaux relatifs aux compléments de rémunération et les dix-sept procès-verbaux de perquisition et d'investigation. Il ne résulte pas de l'instruction que la société a formulé une demande de communication à laquelle l'administration fiscale aurait été tenue de répondre en la renvoyant vers l'autorité compétente. Si la société se prévaut d'un courrier du 18 novembre 2015, cette lettre, au demeurant antérieure à la proposition de rectification, qui se borne à informer l'administration de la demande faite au parquet de mainlevée de la mise sous scellés des pièces saisies, ne peut être regardée comme une demande de communication au sens et pour l'application de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. /Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".

14. A l'issue de la séance du 5 décembre 2016 au cours de laquelle elle devait examiner le différend entre l'administration et la SARL Mont-Blanc Dépannage, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a renvoyé l'examen du dossier à une séance ultérieure en indiquant que la vérificatrice avait été autorisée à consulter les factures saisies sans les prendre en copie en raison de leur nombre et de leur mise sous scellés, qu'elle s'estimait insuffisamment informée par les parties au regard des explications et des documents produits et a invité la société à se rapprocher du procureur de la République et à justifier des démarches accomplies pour avoir accès aux documents placés sous scellés. Par un avis du 31 mars 2017, la commission a émis un avis favorable au maintien des rectifications après s'être déclarée incompétente pour se prononcer sur le caractère contradictoire de la procédure en faisant état des difficultés rencontrées par le contribuable pour accéder aux documents saisis par l'autorité judiciaire et placés sous scellés l'empêchant de se défendre utilement.

15. Si la société requérante entend mettre en cause la régularité de la procédure suivie devant cette instance, il résulte de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition. L'absence d'avis de la commission ou l'irrégularité de l'avis a pour seule conséquence de laisser le litige en l'état où il serait resté sans l'intervention de la commission, c'est-à-dire de faire supporter, en cas de recours contentieux, la charge de la preuve du bien-fondé des impositions correspondantes à l'administration. Ainsi, la SARL Mont-Blanc Dépannage ne peut utilement soutenir qu'elle n'a pas été mise à même de discuter les rectifications devant la commission pour obtenir la décharge des impositions en litige.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

16. En l'espèce, il est constant que, si l'administration a relevé que la comptabilité de la SARL Mont-Blanc Dépannage n'était pas " conforme en la forme " en ce que les références des pièces justificatives n'étaient pas reportées dans les fichiers des écritures comptables, elle ne soutient pas que la comptabilité serait entachée de graves irrégularités. Dans ces conditions, et quand bien même les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve pèse sur l'administration en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dès lors que les rectifications envisagées ont été contestées par la société.

En ce qui concerne les recettes non comptabilisées :

17. Le service a réintégré dans les chiffres d'affaires et produits de la SARL Mont-Blanc Dépannage les sommes détournées correspondant à l'encaissement de prestations dont les factures n'ont pas été comptabilisées. Pour effectuer ces rehaussements, l'administration s'est appuyée sur les procès-verbaux d'investigation de la gendarmerie révélant l'existence de recettes dissimulées auxquels elle a eu accès dans le cadre du droit de communication qu'elle a joints aux propositions de rectification et qui comprenaient des listes des factures en cause, présentées sous forme de tableaux, avec le nom de la société prestataire, la date de la facture, le montant TTC et le mode de paiement. Ces éléments suffisaient à fonder les rehaussements litigieux. Ainsi qu'il a été dit, les gérants ont reconnu les faits révélés par la perquisition au cours de la vérification de comptabilité. Si la société conteste les éléments retenus, elle n'apporte au juge de l'impôt aucun élément de nature à étayer son moyen.

En ce qui concerne les charges :

18. S'appuyant sur le procès-verbal d'investigations du 6 août 2015, l'administration, constatant que la SARL Mont-Blanc Dépannage avait réparti entre ses salariés une partie des produits dissimulés pour un montant de 320 393 euros, a admis que ces sommes correspondaient à des rémunérations en espèces non déclarées déductibles des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés. La SARL Mont-Blanc Dépannage demande que les sommes que MM. Le Bail se sont eux-mêmes attribuées et réparties entre eux, soient également considérées comme des charges déductibles pour le même motif. Toutefois, le ministre relève sans être contesté sur ce point que MM. Jean-Luc et Thierry Le Bail, cogérants et associés de la société, n'ont pas été déclarés comme salariés. Les sommes qu'ils ont appréhendées qui constituent des revenus imposables entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ne peuvent donc, en tout état de cause, être regardés comme des charges de rémunération déductibles.

19. Si la SARL Mont-Blanc Dépannage conteste la qualification de revenus distribués, son argumentation sur ce point est en soi sans incidence sur les impositions mises à sa charge.

20. Si la SARL Mont-Blanc Dépannage fait enfin valoir qu'elle n'est pas en mesure de présenter les factures justifiant la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée, elle se borne à soutenir qu'elle " s'inscrit dans la contestation, présumant de ce que les factures (...) étaient saisies par l'autorité judiciaire ". Or, il ne résulte pas de l'instruction ni ne ressort des procès-verbaux de perquisition de la gendarmerie nationale que les saisies ont porté sur les factures d'achat de la société.

Sur les majorations :

21. L'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose que : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

En ce qui concerne la majoration du a. de l'article 1729 du code général des impôts :

22. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

23. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré de 40 % aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant à des prestations officiellement comptabilisées mais non déclarées et aux cotisations d'impôt sur les sociétés afférentes au profit sur le Trésor, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la SARL Mont-Blanc Dépannage n'avait pas porté sur les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée l'intégralité de la taxe collectée exigible au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et de la période du 1er septembre 2014 au 31 mai 2015 et sur le caractère répétitif et l'importance de ces omissions. L'administration justifie par ces éléments tant de la matérialité que du caractère intentionnel du manquement de la SARL Mont-Blanc Dépannage sur ce point. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration de 40 % qui lui a été infligée.

En ce qui concerne la majoration du c. de l'article 1729 du code général des impôts :

24. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

25. Pour justifier l'application des majorations pour manœuvres frauduleuses aux impositions à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée procédant des factures dissimulées non enregistrées en comptabilité, l'administration a retenu que MM. Jean-Luc et Thierry Le Bail, gérants et associés de la SARL Mont-Blanc Dépannage, avaient mis en place un système de facturation comportant une comptabilité annexe pour détourner une partie importante des recettes sur les exercices vérifiées, que les recettes en espèces étaient en partie utilisées pour rémunérer les heures supplémentaires des employés déclarés et non déclarés et que les chèques étaient, pour partie, falsifiés pour être encaissés sur des comptes de tiers en relation proche des associés. Ces éléments caractérisent l'usage par la SARL Mont-Blanc Dépannage d'un procédé destiné à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle justifiant l'application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts encourue en cas de manœuvres frauduleuses du contribuable.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Mont-Blanc Dépannage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Mont-Blanc Dépannage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mont-Blanc Dépannage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02950
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;21ly02950 ?
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