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26/01/2023 | FRANCE | N°21LY02558

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 26 janvier 2023, 21LY02558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, dans un premier temps, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, afin d'être éclairé sur l'étendue du préjudice lié à sa contamination par le virus de l'hépatite C puis, dans un second temps, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 207 976,20 euros, assortie des intérêts au taux légal, et de condamner ce dernie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, dans un premier temps, d'ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale, afin d'être éclairé sur l'étendue du préjudice lié à sa contamination par le virus de l'hépatite C puis, dans un second temps, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 207 976,20 euros, assortie des intérêts au taux légal, et de condamner ce dernier aux dépens de l'instance ainsi qu'à une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un premier jugement n° 1908401 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a ordonné, avant de statuer sur la requête de M. B... dirigée contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), une expertise médicale, afin d'être éclairé sur l'étendue du préjudice du requérant en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un second jugement n° 1908401 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à M. B... la somme de 39 132 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018, a mis à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise et condamné ce dernier à verser à M. B... une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2021, M. B..., représenté par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1908401 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 207 976,20 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination d'origine transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les préjudices sollicités au titre de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice spécifique de contamination ont été insuffisamment évalués.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2022, l'ONIAM, représenté par la SELARLU RRM, conclut, à ce que le jugement avant-dire-droit du 17 septembre 2020 et le jugement du 1er juin 2021 soient rectifiés en ce qu'ils mentionnent, à tort, une contamination par le virus de l'hépatite B. Il conclut également, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n°1908401 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon en ce qui concerne l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et le préjudice spécifique de contamination subis par M. B....

Il soutient que :

- le déficit fonctionnel temporaire subi par M. B... doit être indemnisé par l'octroi d'une somme de 167 euros ;

- le requérant n'a subi aucun préjudice spécifique de contamination en l'absence de risque évolutif de son état de santé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président de chambre,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonnat, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... a demandé à être indemnisé au titre de la solidarité nationale en se prévalant de sa contamination par le virus de l'hépatite C après avoir reçu un apport transfusionnel dans les suites de sa naissance le 18 janvier 1978. L'enquête transfusionnelle n'ayant pu aboutir, l'innocuité des produits sanguins reçus n'a pu être établie. Par un jugement avant-dire-droit du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a reconnu le droit à indemnisation de M. B... au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et a ordonné un complément d'expertise dont le rapport a été remis le 11 janvier 2021, complété le 14 janvier 2021. Par un jugement du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'ONIAM à verser à M. B... la somme de 39 132 euros et a mis les dépens à la charge de l'ONIAM ainsi qu'une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... demande la réformation partielle de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas accordé l'intégralité des sommes demandées. L'ONIAM, par la voie de l'appel incident, sollicite également la réformation de ce jugement en tant qu'il mentionne une contamination de M. E... le virus de l'hépatite B, au lieu du virus de l'hépatite C, et en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, qui doit être limitée à la somme de 167 euros, et le préjudice spécifique de contamination, aucune indemnisation ne devant être versée au requérant à ce titre.

Sur les conclusions tendant à la rectification d'une erreur matérielle :

2. Si l'ONIAM fait valoir que, dans son jugement du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a, à tort, mentionné que M. B... " bénéficiait de la présomption d'origine transfusionnelle de sa contamination par le virus de l'hépatite B " alors que le virus concerné est celui de l'hépatite C, il s'agit d'une erreur matérielle, exclusive de toute appréciation juridique, qui ne saurait toutefois donner lieu à correction par la voie d'une requête en rectification d'erreur matérielle devant la cour qui n'a pas rendu ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, M. B... et l'ONIAM ne contestent les condamnations prononcées par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juin 2021 qu'en ce qui concerne l'indemnisation des chefs de préjudices relatifs à l'incidence professionnelle, au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice spécifique de contamination.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. B..., qui a débuté un traitement par Epclusa à partir du 8 janvier 2018, doit être considéré comme consolidé le 3 janvier 2019, date à laquelle il est constaté la guérison de son hépatite C qui est au stade F1.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lyon, que M. B... a subi un déficit fonctionnel total durant deux jours, correspondant à la ponction hépatique réalisée le 8 juin 2000, ainsi qu'une période de déficit fonctionnel temporaire de 11 % du 8 janvier 2018 au 1er avril 2018, correspondant au traitement antiviral par Epclusa qui lui a été administré. Si celui-ci n'a reçu aucun autre traitement au cours de la période du mois de mai 2000, date de révélation de sa contamination, au mois de janvier 2019, date de la consolidation de son état de santé, il ressort du rapport de l'expert nommé par l'ONIAM ainsi que de celui nommé par le tribunal que M. B... a toutefois subi une asthénie traînante avec des épisodes d'endormissements justifiant des consultations à l'occasion desquelles sa contamination par le virus de l'hépatite C a été découverte. Il a ainsi subi une période de déficit fonctionnel partiel de 10 % durant cette période en dehors des périodes de déficit fonctionnel total et partiel mentionnées plus haut. Si le requérant demande l'application d'un taux journalier de 30 euros, il n'apporte aucun justificatif de nature à contester l'application par le tribunal administratif de Lyon d'un taux journalier de 17 euros, non contesté par l'ONIAM. Par suite, en évaluant à la somme de 11 632 euros, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les souffrances endurées :

6. En troisième lieu, il résulte des rapports d'expertise que l'intensité des souffrances, physiques et morales, endurées par M. B... entre la date de la révélation de sa contamination par le virus de l'hépatite C et sa consolidation a été évaluée par l'expert à 3 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant au requérant une somme de 4 000 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

7. M. B... demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, évalué par l'expert à 4 %, acquis à l'âge de 40 ans compte-tenu de la persistance d'une fibrose de stade F1. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'ONIAM à verser à M. B... une somme de 5 500 euros.

En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

8. M. B... établit qu'il a dû renoncer, du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, à l'exercice des fonctions de sous-officier de gendarmerie et qu'il a été atteint d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % pendant une période de près de 19 ans au cours de laquelle il a souffert d'une asthénie importante rendant plus pénible l'exercice de sa profession d'enseignant. En accordant à ce titre la somme de 10 000 euros, le tribunal administratif de Lyon a procédé à une évaluation de ce chef de préjudice qui ne parait ni excessive, ni insuffisante.

En ce qui concerne le préjudice spécifique de contamination :

9. En quatrième lieu, de la date de la révélation de sa contamination en mai 2000, alors qu'il était âgé de vingt-deux ans, jusqu'à la date du constat de sa guérison le 3 janvier 2019, M. B... a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences graves qui pouvaient en résulter, inquiétudes qui persistent compte-tenu de ce qu'il reste atteint, malgré la consolidation de son état de santé, d'une fibrose résiduelle laissant suspecter un risque résiduel de récidive ou d'évolution des lésions du foie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une somme de 8 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a limité à un montant de 39 132 euros le montant de la somme mise à la charge de l'ONIAM, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018, date de réception de sa demande par l'ONIAM, et que l'ONIAM n'est pas davantage fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que les sommes qu'il est condamné à verser à M. B... doivent être réduites.

Sur les frais liés au litige :

11. Les frais de l'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du 1er février 2021 de la présidente du tribunal administratif de Lyon à 1 200 euros sont laissés à la charge définitive de l'ONIAM.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'ONIAM présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de l'ONIAM est rejeté.

Article 3 : Les dépens de l'instance sont laissés à la charge de l'ONIAM.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie pour information en sera adressée au professeur D... A..., expert désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le président-rapporteur,

F. Pourny

Le président-assesseur,

H. Stillmunkes

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY02558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02558
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité sans faute. - Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET COUBRIS - COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-26;21ly02558 ?
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