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15/12/2022 | FRANCE | N°21LY00961

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY00961


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1803929 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2021, M. A..., représenté par Me Pila, demande à la cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et majorations ;

3°) de condamner l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1803929 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2021, M. A..., représenté par Me Pila, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et majorations ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas statué sur l'année 2011 sur laquelle portait la demande en décharge ;

- la proposition de rectification du 22 décembre 2017 et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;

- il exerçait bien une activité économique taxable concurrençant le secteur hôtelier, en procédant à la location meublée de son chalet à la société Ski-France et en délivrant aux sous-locataires des prestations de service para-hôtelières, de telle sorte qu'il entrait dans les prévisions des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, interprété à la lumière de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commune de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la rectification est fondée sur la doctrine administrative référencée BOI TVA-CHAMP-10-10-50-20 § 50, qui utilise la notion d'exploitants distincts, et qui ajoute, de ce fait, à la loi fiscale.

Par un mémoire, enregistré le 21 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est propriétaire d'un chalet à Saint-Martin-de-Belleville (Savoie), qu'il donne en location meublée par l'intermédiaire de la société allemande Ski-France.com GmbH, avec laquelle il a conclu, le 30 novembre 2010, un contrat de location saisonnière pour une durée de cinq ans portant sur la période du 15 novembre au 15 mai. A l'issue d'une vérification de comptabilité, qui a porté sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, l'administration, considérant que cette activité de location était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée sans possibilité d'option, a procédé, selon la procédure contradictoire, à la régularisation de la taxe déduite en 2011 au titre de l'acquisition d'immobilisations, et principalement de la livraison à soi-même du chalet, ainsi qu'à la remise en cause de la taxe sur autres biens et services déduite par M. A... sur ses déclarations afférentes aux années 2011 à 2013. Ce dernier relève appel du jugement du 29 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont, en conséquence, été réclamés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures de première instance que la demande de M. A... devant le tribunal administratif tendait à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 37 676 euros en droits et de 4 955 euros en pénalités, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 par un avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2017. Si le tribunal administratif a, tant dans le visa des conclusions qu'au point 1 des motifs du jugement, mentionné la seule période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 comme étant en litige, il a, dans ce même point 1, fait état de l'exact montant, tant en droits qu'en pénalités, dont la décharge était sollicitée par M. A.... Il s'est, par ailleurs, nécessairement prononcé sur le litige dont il était saisi par l'intéressé, dès lors que la période 2012-2013, couverte par le contrôle, n'a donné lieu à aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Grenoble doit être regardé comme ayant commis une simple erreur matérielle dans l'énoncé de la période d'imposition en litige, sans incidence sur la régularité du jugement contesté.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. La proposition de rectification du 22 décembre 2014, mentionne l'imposition et la période concernées, la base d'imposition retenue ainsi que les dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, qui constituent le fondement légal des rectifications. Elle indique également les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est appuyée, à savoir que l'activité de location meublée de M. A..., au regard des conditions dans lesquelles elle est exercée, au moyen de la mise en location du chalet à une société prestataire d'hébergement, est exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, circonstance qui fait obstacle à toute déduction de ladite taxe. Elle est ainsi suffisamment motivée au sens des dispositions précitées. Si M. A... remet en cause la pertinence des motifs retenus par le service vérificateur, une telle critique relève de l'appréciation du bien-fondé de l'imposition, et est sans incidence sur la motivation de la proposition de rectification.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. "

6. La réponse aux observations du contribuable du 15 avril 2015, qui fait droit partiellement aux observations présentées par M. A..., vise les textes applicables et répond, de façon circonstanciée, aux différents arguments soulevés par l'intéressé. Elle est, par suite, suffisamment motivée au sens des dispositions précitées.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

7. En premier lieu, d'une part, l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Par un arrêt du 12 février 1998, Elisabeth Blasi c/ Finanzamt München, C-346/95, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Elle en a déduit que le membre de phrase " à l'exception des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ", figurant à l'article 13 B, sous b), point 1, de la sixième directive, introduit une exception à l'exonération prévue par ces dispositions pour la location de biens immeubles et qu'il place donc les opérations qu'il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la taxe toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues et, qu'ainsi, cette clause ne saurait recevoir une interprétation stricte.

8. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, d'autre part : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) / b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b (...) ". Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par les dispositions de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises.

9. M. A... loue un chalet meublé à la société Ski-France.com GmbH en vertu d'un contrat de location saisonnière signé le 30 novembre 2010, conclu pour cinq saisons, pour la période hivernale, du 15 novembre au 15 mai. Cette société procède, ensuite, à la sous-location du chalet. En vertu de ce contrat, M. A... assure, pour le compte de cette société, l'accueil et la réception des clients le samedi et le nettoyage des locaux en fin de séjour, ces prestations étant incluses dans le prix de l'hébergement. Il propose également, pour son propre compte, et moyennant un supplément de prix, le ménage du chalet en cours de séjour sur demande et la fourniture de linge de lit et de matériel pour bébé. L'exploitation des locaux est ainsi assurée par un intermédiaire, la société Ski-France.com GmbH, alors que M. A..., qui perçoit le loyer afférent à la location de son chalet quel que soit le taux de remplissage pendant la période hivernale, propose, pour son propre compte, uniquement des prestations annexes. Dans ces conditions, l'intéressé, qui n'effectue lui-même aucune prestation de mise à disposition, à titre onéreux, d'un logement meublé à usage d'habitation ne remplit pas les conditions prévues au b. du 4° de l'article 261 D lui ouvrant droit à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Il n'entre pas davantage dans les prévisions du c. du même article, dès lors que l'établissement d'hébergement avec lequel il a contracté ne délivre pas lui-même, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, sous sa propre responsabilité, au moins trois des quatre prestations para-hôtelières énumérées au b., seul l'accueil des clients étant, à cet égard, assurée pour son compte par M. A.... Par suite, M. A..., qui exerce une activité de loueur en meublé exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a procédé à la régularisation de la taxe déduite au titre de la livraison à soi-même du chalet et des autres biens immobilisés prévue à l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts et a remis en cause la taxe sur autres biens et services déduite sur les déclarations qu'il a souscrites au titre des années 2011 à 2013.

10. En deuxième lieu, l'absence de remise en cause des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par l'intéressé ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dont M. A... pourrait se prévaloir.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que l'administration a fondé les rectifications en litige non sur la doctrine administrative, mais sur les dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Au surplus, en prévoyant que " lorsque des professionnels distincts assurent, chacun sous leur responsabilité, la fourniture de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, d'une part, et tout ou partie des prestations annexes d'autre part, la fourniture de logement meublé est exonérée de la TVA ", le paragraphe n° 50 la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 du 12 septembre 2012 n'a pas ajouté à la loi fiscale. Par suite, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge seraient fondés sur une doctrine administrative illégale.

12. En quatrième lieu, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 1 de cette même instruction selon lesquelles : " Toutes les locations de locaux dont la destination finale est le logement meublé sont soumises au même régime de TVA que la prestation d'hébergement (taxation ou exonération) ", dès lors qu'elles ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui résulte du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00961
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL FANGET - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly00961 ?
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