Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Alpine Descents a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 9 avril 2019 par laquelle le maire de Châtel a accordé à M. A... un permis de construire trois chalets comprenant six logements, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1906610 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 septembre 2021, 13 mai 2022 et 3 octobre 2022, la SARL Alpine Descents, représentées par Me Moine Picard, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 portant permis de construire et la décision du 8 août 2019 rejetant son recours gracieux du 30 janvier 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 portant permis de construire modificatif ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Châtel le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la voie de desserte du projet en litige ne répond pas aux besoins de l'opération projetée en méconnaissance des dispositions de l'article UA3 du plan local d'urbanisme ; la création de la voie d'accès au Nord ne respecte pas les dispositions du règlement du PPRN ; les deux parcelles du projet se situent entre deux ruisseaux et sont entourées de deux zones rouges du PPRN et l'accès au projet par le côté sud est en zone rouge du PPRN qui ne permet aucun aménagement et emporte un risque pour les habitants ; le projet ne comporte pas de mesures pour prévenir et lutter contre le risque d'inondation ; l'accès prévu par le permis modificatif au sud de la remise se situe toujours en zone rouge du PPRN ;
- le plan de masse ne mentionne pas le chemin piétons/vélos qui déboucherait sur le domaine public tel que préconisé par l'article UA3 ;
- le plan de masse ne comporte aucun bassin de rétention et le projet ne comporte pas de dispositif individuel d'évacuation dimensionné pour les besoins de l'opération ;
- le projet en litige ne respecte pas les dispositions de l'article UA 7-3 qui prévoit un recul par rapport à l'axe des cours d'eau ;
- le projet en litige s'inscrit à l'encontre des objectifs de révision du plan local d'urbanisme et notamment de celui du projet d'aménagement et de développement durable qui prévoit une densification de la construction rendue nécessaire par les excès de la construction enregistrés au cours des années précédentes.
Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Devevey, conclut au rejet de la requête de la société Alpine Descents et demande à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- il a déposé une demande de permis de construire modificatif ayant pour objet de modifier une partie de l'accès au projet, permis délivré par arrêté du 9 mars 2022 ; la société Alpine Descents n'a pas intérêt à agir à l'encontre de ce permis modificatif et les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2022, la commune de Châtel, représentée par Me Bergeras, conclut au rejet de la requête de la société Alpine Descents et demande à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Angot substituant Me Bergeras pour la commune de Chatel et de Me Devevey, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a présenté le 24 janvier 2019 une demande de permis de construire trois chalets mitoyens comprenant six logements sur des parcelles cadastrées section ... situées ..., au lieu-dit ..., sur le territoire de la commune de Châtel. Par un arrêté du 9 avril 2019 le maire de Châtel a délivré le permis de construire sollicité. La SARL Alpine Descents relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux. M. A... a déposé le 16 septembre 2021, en cours d'instance d'appel, une demande de permis modificatif portant sur la modification d'une partie de l'accès sur la propriété. Par un arrêté du 9 mars 2022, le maire de Châtel a accordé le permis sollicité. La SARL Alpine Descents demande à la cour d'annuler également ce permis de construire modificatif.
Sur la légalité du permis de construire du 9 avril 2019 tel que modifié par l'arrêté du 9 mars 2022 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Châtel -Accès et voirie : " Caractéristiques des voies : Les terrains d'assiette de construction et installations doivent être desservis par des voies dont les caractéristiques répondent aux besoins de l'opération, notamment en ce qui concerne les conditions de circulation, de croisement, la lutte contre l'incendie, le ramassage des ordures ménagères, le déneigement. / Les voies en impasses seront aménagées pour permettre à leurs usagers et aux services précités, notamment de lutte contre l'incendie de faire aisément demi-tour. En tout état de cause, la plate-forme des voies nouvelles ne sera pas inférieure à 5m. / La pente des voies de desserte privées ne sera pas supérieure à 12,5%. / Limitations des accès : Les opérations d'aménagement devront ne comporter qu'un seul accès sur la voie publique. L'utilisation des accès existants sera privilégiée. /(...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et particulièrement des plans de masse joints aux demandes de permis de construire que le permis de construire initial prévoyait que l'accès au terrain d'assiette du projet a lieu depuis la route ... par un chemin existant puis par un autre qui longe l'ancienne parcelle ... (devenue, après division, les parcelles ... appartenant à la société Alpine Descents, et les parcelles ...) et une servitude de passage sur les parcelles ..., et, enfin par la parcelle ... faisant partie du terrain d'assiette du projet. La demande de permis de construire modificatif portant sur cette desserte, si elle garde l'accès initialement prévu, en prévoit la continuité par une servitude de passage sur les mêmes parcelles mais entre deux constructions situées respectivement sur les parcelles ... par le chemin existant et qui dessert la villa existante sur la parcelle ..., et conserve la servitude de passage sur cette dernière parcelle.
4. D'une part, en application des dispositions précitées de l'article UA3, seule la plate-forme des voies nouvelles doit être égale ou supérieure à cinq mètres, excluant ainsi de l'application de ces dispositions la voie d'accès existante entre les parcelles nos 1062 et 4777, desservant une construction implantée la parcelle contigüe n° 4778. Par ailleurs, la voie d'accès à créer et grevée d'une servitude de passage sur la parcelle n° 4778, qui longera la parcelle ... de la société requérante, a une largeur de 5 mètres selon le plan de masse produit à l'appui de la demande de permis modificatif, dont le caractère frauduleux n'est pas démontré.
5. D'autre part, si une partie de la desserte existante, au regard des photographies produites dans le constat d'huissier fait à la demande de la société requérante et le rapport d'un géomètre, est inférieure à 5 mètres, cette voie, compte tenu du trafic engendré par l'opération en litige, qui consiste dans la création de six logements, répond aux besoins de la circulation, étant au surplus relevé que, hormis le virage présent sur la parcelle ..., elle est rectiligne avec une pente faible, de 7 % puis de 2% en arrivant au carrefour de la route départementale ..., avec une visibilité dégagée sur cette dernière. Enfin, le plan de masse mentionne l'existence d'une aire de retournement sur le terrain d'assiette du projet, permettant notamment l'intervention et la manœuvre des services de secours. Par ailleurs, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du constat d'huissier produit en première instance qui mesure la distance entre la terrasse du chalet lui appartenant et la limite de la propriété avec les parcelles du terrain d'assiette du projet en litige, ni même soutenir que le mur de la maison et la limite séparative de la parcelle ... est inférieur à 5 mètres, dès lors que, selon le dossier de permis de construire modificatif, la voie est existante.
6. Enfin, si la société Alpine Descents soutient que l'accès prévu par le permis modificatif au sud de la remise, situé sur la parcelle ..., se situe toujours en zone rouge du PPRN, et que sa réalisation nécessite d'importants travaux d'excavations et d'affouillements qui sont interdits en zone rouge du PPRN, il ressort toutefois de la carte des risques PPRN et de l'extrait du plan de zonage de ce dernier, produits par la commune en défense, ainsi que des photographies du constat d'huissier produit par la société Alpine Descents, que seule une petite partie de l'accès existant est incluse dans la zone rouge du PPRN et que la création des accès nécessaires ne sont pas dans une telle zone. L'accès au terrain à créer sur la parcelle ..., comme d'ailleurs le terrain d'assiette du projet, est situé en zone blanche, " réputée sans risque naturel prévisible significatif ", étant relevé, s'agissant du terrain d'assiette du projet, qu'une partie limitée des aires de stationnement est prévue en zone bleue du PPRN, réputée " à risques moyens ou faibles et constructibles ". Aucune pièce du dossier ne vient ainsi démontrer, compte tenu de cette configuration, que la réalisation du projet aggraverait le risque d'inondation relevé sur l'accès existant.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UA 3 du règlement du PLU précité : " /(...)/ Raccordement aux cheminements piétons/vélos existants : Les opérations d'aménagement devront assurer la continuité des cheminements piétons/ vélos existants ou à créer. Ces raccordements devront être ouverts au public et déboucher sur le domaine public. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un raccordement aux cheminement piétons/ vélos existants serait présent ou à créer dans le secteur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être utilement invoqué à l'encontre des permis en litige.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châtel : " (...) Les aménagements réalisés sur le terrain d'assiette de l'opération doivent être raccordés au réseau public collecteur d'eaux pluviales s'il existe ou à un exutoire naturel. / En aucun cas il ne pourra être effectué de rejet dans les dispositifs d'assainissement des chaussées des RD, de même pour la neige. / Lorsque les eaux pluviales collectées par les aménagements réalisés sur l'assiette foncière (eaux de toiture, surfaces imperméabilisées, voiries privées...) ne peuvent pas être rejetées dans le réseau public d'assainissement dimensionné à cet effet (réseau EP) elles devront être traitées par un dispositif individuel d'évacuation dimensionné pour les besoins de l'opération, sans être canalisées et rejetées dans le réseau d'assainissement propre de la voirie départementale, conformément aux prescriptions du PPRN et de l'annexe eaux pluviales. / Il pourra être imposé de différencier eaux de toiture et eaux de ruissellement. / Aucun obstacle (murs, digue, dispositif étanche, ...) ne devra faire obstacle à l'écoulement naturel des eaux pluviales. ". La notice explicative du dossier de demande du permis de construire initial et le plan de masse prévoient que " les eaux pluviales seront rejetées dans le ruisseau (exutoire naturel) situé au nord-est de la propriété et longeant la parcelle ... alors que selon les côtes altimétriques reproduites sur ce plan et contrairement à ce que soutient la société requérante, les constructions ne situent pas en contrebas de ce ruisseau. La société Alpine Descents n'est dès lors pas fondée à soutenir que le plan de masse joint à la demande de permis de construire serait inexact ni que le projet méconnaît les dispositions précitées de l'article UA 4 du plan local d'urbanisme.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites de propriétés voisines : " 7-3 recul par rapport à l'axe des cours d'eau : Les reculs doivent être conformes au Plan de Prévention des Risques naturels prévisibles de Châtel, selon la zone concernée. ". S'il ressort des pièces du dossier que les deux parcelles assiette du projet se situent entre deux ruisseaux et sont entourées de deux zones rouges du PPRN applicable, elles sont toutefois localisées, ainsi que dit précédemment, en zone blanche pour l'implantation des constructions et en zone bleue " zone à prescriptions faibles à moyennes, constructible sous conditions " pour la partie est accueillant des aires de stationnement sur la parcelle ... et sud-est sur la parcelle .... Ce règlement renvoie au PPRi de Châtel, qui n'impose pas de recul des constructions. Enfin, il n'est pas contesté que les constructions autorisées sont implantées à plus de 20 mètres de la limite de la zone rouge du PPRN et aucune pièce du dossier ne vient démontrer le risque allégué d'inondation des parcelles en cause. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet en litige méconnaît les dispositions précitées de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme précité.
10. En dernier lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que le projet en litige méconnaîtrait les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable dès lors que de tels objectifs ne sont pas directement opposables aux autorisations de construire.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Alpine Descents n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le maire de Châtel a accordé à M. A... un permis de construire trois chalets comprenant six logements, ensemble le rejet de leur recours gracieux, ni à demander devant la cour l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2022 accordant un permis de construire modificatif à M. A....
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Alpine Descents, qui est la partie perdante, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Alpine Descents, le versement, d'une part d'une somme de 1500 euros à la commune de Châtel au titre des dispositions précitées et, d'autre part, la somme de 1 500 euros à M. B... A... sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Alpine Descents est rejetée.
Article 2 : La SARL Alpine Descents versera à la commune de Châtel la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La SARL Alpine Descents versera à M. A... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alpine Descents, à M. B... A... et à la commune de Châtel.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.
La rapporteure,
C. Burnichon La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY03031 2