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13/12/2022 | FRANCE | N°21LY01633

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 décembre 2022, 21LY01633


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Lac d'Annecy environnement a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ....

Par un jugement n° 1908101 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Gre

noble a annulé la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Lac d'Annecy environnement a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ....

Par un jugement n° 1908101 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21LY01633 le 23 mai 2021 et un mémoire enregistré le 13 avril 2022 et non communiqué, la Société Free mobile, représentée par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2021 ;

2°) de rejeter la requête de l'association Lac d'Annecy environnement tendant à l'annulation de la décision tacite de non opposition aux travaux déclarés en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ... ;

3°) de mettre à la charge de l'association Lac d'Annecy environnement une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité de la requête de l'association Lac d'Annecy Environnement en ce que son président ne pouvait agir que sur habilitation du conseil d'administration ;

- la décision tacite de non-opposition ne méconnaît pas les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme ni celles des articles 1 et 2 du règlement X du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Talloires ;

- la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ni celles de l'article A11 du plan local d'urbanisme, seules applicables ;

- la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- aucun des autres moyens invoqués en première instance n'était fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 septembre 2021 et le 18 mars 2022, l'association " Lac d'Annecy environnement ", représentée par Me Chesney, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Free Mobile le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande était recevable et les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- ses moyens de première instance sont fondés, et les premiers juges auraient dû en outre considérer que le secteur d'implantation du projet en litige n'est pas situé en continuité du secteur Ramponnet mais est contigu avec une zone qui est très faiblement urbanisée et qui ne peut être considérée comme une agglomération ou un village existant au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le projet en litige méconnaît, en outre, les dispositions de l'article 10 A du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tallloires-Montmin et les dispositions de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ; il méconnaît également les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme, si elles étaient regardées comme plus contraignantes que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et étaient ainsi opposables au projet litigieux.

Par un mémoire enregistré le 21 février 2022, la commune de Talloires-Montmin, représentée par Me Duraz, conclut au rejet de la requête de la société Free Mobile et à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- que l'implantation de l'antenne en litige ne se situe manifestement pas en continuité avec les agglomérations ou village existant ; que le projet méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement de la zone A ; il méconnaît également les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme, si elles étaient regardées comme plus contraignantes que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et étaient ainsi opposables au projet litigieux.

Par ordonnance du 29 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2022.

II) Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D..., M. H... E..., Mme G... F... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ....

Par un jugement n° 2000129 du 22 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2021 sous le n° 21LY01634 et un mémoire enregistré le 31 mars 2022 non communiqué, la Société Free Mobile, représentée par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2021 ;

2°) de rejeter la requête de M. D... et autres tendant à l'annulation de la décision tacite de non opposition aux travaux déclarés en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. D... et autres une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité de la requête de M. D... et autres en ce qu'ils ne disposent pas d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- la décision tacite de non-opposition ne méconnaît pas les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme ni celles de l'article A10 du plan local d'urbanisme ou des articles 1 et 2 du règlement X du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Talloires ;

- la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ni celles de l'article A11 du plan local d'urbanisme, seules applicables ;

- aucun des autres moyens invoqués en première instance n'était fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés le 5 octobre 2021 et le 27 mars 2022, M. A... D..., M. H... E..., Mme G... F... et M. B... C..., représentés par Me Olivier, concluent au rejet de la requête de la société Free Mobile et à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête était recevable et que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la décision de non opposition tacite en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et celles des articles L. 34-9-1 et D. 98-6-1 du code des postes et des communications électroniques ; l'illégalité de l'avis de l'architecte des bâtiments de France emporte l'illégalité de la décision tacite de non opposition à déclaration préalable en litige.

Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2022, la commune de Talloires-Montmin, représentée par Me Duraz, conclut au rejet de la requête de la société Free Mobile et à ce que soit mis à la charge de cette dernière le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- que l'implantation de l'antenne en litige ne se situe manifestement pas en continuité avec les agglomérations ou village existant ; que le projet méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement de la zone et le plan de prévention des risques naturels.

Par ordonnance du 17 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 1er avril 2022.

Par une lettre du 4 novembre 2022 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête n° 21LY01634 dans l'hypothèse où elle confirmerait l'annulation, prononcée par le tribunal administratif de Grenoble par jugement n° 1908101 du 22 mars 2021 sur la requête de l'association Lac d'Annecy environnement, de la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ....

M. D... et autres ont présenté des observations à ce moyen d'ordre public qui ont été enregistrées le 4 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Chesney, représentant l'association " Lac d'Annecy environnement " et de Me Olivier représentant M. D... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La société Free Mobile relève appel des jugements du 22 mars 2021 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, à la demande de l'association Lac d'Annecy environnement, et d'autre part, à la demande de M. D... et autres, la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique sur un terrain sis ..., au lieu-dit ..., sur le territoire de cette commune.

2. Les deux requêtes susvisées concernent le même projet et ont fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 21LY01633 :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Une requête d'une association est régulièrement introduite par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. L'article 5.11 des statuts de l'association Lac d'Annecy environnement précise qu'elle est représentée par son président dans tous les actes de la vie civile, ainsi que pour les actions en justice, et que la décision d'ester en justice doit être prise par la moitié au moins des membres présents du conseil d'administration.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'association Lac d'Annecy environnement a produit devant le tribunal administratif le procès-verbal du 12 décembre 2019 de la réunion au cours de laquelle son conseil d'administration a autorisé une action en justice au nom de l'association. Conformément aux stipulations de l'article 5.11 de ses statuts son président pouvait donc la représenter devant le tribunal à cette fin. L'approbation ultérieure de ce procès-verbal lors de la réunion du conseil d'administration de l'association du 23 janvier 2020 ne remet pas en cause la réalité de la décision d'introduire le recours et, par suite, de l'habilitation de son président à la représenter. Par suite, la société Free Mobile n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée en première instance par cette association n'était pas recevable.

En ce qui concerne la légalité de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1.A du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Talloires-Montmin relatif aux occupations et utilisations du sol interdites : " Les occupations et utilisations du sol ne figurant pas à l'article 2 ci-après sont interdites. ". Aux termes de l'article 2.A relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières : " 2.1 Dans les secteurs A*, Aef et pour les constructions d'intérêt patrimonial ou architectural : / Les travaux, constructions et installations diverses à condition : / - qu'ils soient nécessaires à la prévention contre les risques naturels et au fonctionnement des services publics ou d'intérêt collectif, ainsi que les infrastructures routières d'intérêt public, /- de prendre toutes les dispositions pour limiter au strict minimum la gêne qui pourrait en découler au regard de l'activité agricole et pour assurer une bonne intégration dans le site (ex ; les installations d'intérêt collectif : réseaux, station de transformation EDF, station de pompage, réservoir d'eau..., dont l'implantation dans la zone se justifie par des critères techniques). ".

6. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'implantation en zone Aef d'un relai de radiotéléphonie, qui est une installation d'intérêt collectif, est soumise à la mise en œuvre d'un dispositif permettant de réduire au minimum la gêne qui pourrait en découler pour l'activité agricole et d'assurer une bonne intégration dans le site. Les dispositions précitées ne peuvent être regardées comme imposant au déclarant, dans son dossier de déclaration dont la composition est limitativement encadrée par le code de l'urbanisme, de justifier des critères techniques retenus pour l'implantation dans cette zone.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige dont l'emprise au sol de l'ordre de 7, 5 m² est faible, est situé en lisière de forêt, et il emporte ainsi une gêne minime pour l'activité agricole, étant relevé que le terrain ne comporte aucune culture nécessitant l'usage d'engins agricoles. Par ailleurs, les caractéristiques du projet, réalisé sous forme d'un pylône treillis métallique, et sa situation, en contrebas immédiat d'une colline supportant des arbres, permettent de l'intégrer dans le site environnant. Il suit de là que la société Free Mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la méconnaissance des dispositions précitées du plan local d'urbanisme pour annuler la décision tacite de non-opposition à sa déclaration préalable.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1.1 du règlement X du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Talloires : " Toute nouvelle occupation et utilisation du sol, de quelque nature qu'elle soit, y compris les terrassements de tout volume et autres dépôts de matériaux (notamment les produits dangereux ou flottants) est interdite. ". Aux termes de l'article 2 de ce même règlement : " Les utilisations du sol suivantes sont, par dérogation, tolérées, à condition qu'elles n'aggravent pas les risques et n'en provoque pas de nouveaux, et qu'elles présentent une vulnérabilité restreinte : (...) 2.3 Les travaux et ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics, y compris la pose de lignes et de câbles. (...) ".

9. Compte tenu de la nature du projet en litige, portant sur l'implantation d'un relai de radiotéléphonie d'une hauteur de 25 mètres comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique de faible emprise au sol, de sa situation relativement éloignée de toute construction et de sa desserte par un chemin n'emportant pas d'imperméabilisation du sol, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que ce projet emporterait une création ou une aggravation du risque torrentiel qui serait lié à la proximité du ruisseau des Bottières. La société Free Mobile est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont également retenu le moyen tiré de la méconnaissance des articles 1er et 2 du règlement X du plan de prévision des risques naturels prévisibles de la commune de Talloires-Montmin pour annuler la décision tacite de non opposition en litige.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 11.A du règlement du plan local d'urbanisme de Talloires-Montmin relatif à l'aspect extérieur : " 11.2- Implantation et volume : l'implantation, le volume et les proportions des constructions dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant compte de l'environnement et en s'y intégrant le mieux possible, en particulier par leur adaptation au terrain naturel et par leurs aménagements extérieurs, et notamment du point de vue des perceptions lointaines et dominantes de ladite constructions. (...) ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme: " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

11. D'une part, dès lors que les dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme invoquées par les requérants ont le même objet que celles, également invoquées, d'un article du code de l'urbanisme posant les règles nationales d'urbanisme et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée. En conséquence, le juge exerce un contrôle normal sur la conformité à ces dispositions de la décision attaquée.

12. Les dispositions précitées du plan local d'urbanisme de la commune de Talloires-Montmin ont le même objet que les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme mais énoncent des exigences moindres. C'est donc au regard des seules dispositions de l'article R. 111-27 que la légalité de la décision attaquée doit être examinée. Par suite, la société Free Mobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont examiné l'insertion dans l'environnement et l'atteinte au paysage de son projet au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

13. D'autre part, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder un refus de permis de construire ou une opposition à une déclaration de travaux ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis ou la non-opposition, il appartient à l'autorité compétente d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

14. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'implantation du relais de radiotéléphonie en litige, situé dans une zone agricole identifiée comme étant à préserver, est dépourvu de toute construction. Il s'inscrit dans un paysage constitué du lac d'Annecy qu'il surplombe, de collines et montagnes supportant des massifs boisés situés à l'arrière-plan, et, de manière plus lointaine, d'une colline supportant le château de Monthon-Saint-Bernard. Si ce site présente ainsi un intérêt paysager particulier, le projet se trouve toutefois au pied de ces collines et montagnes boisées, qui sont nettement plus hautes, et il est composé d'un treillis métallique, permettant ainsi, par sa situation et ses caractéristiques, de diluer son impact visuel dans le paysage. Dans ces conditions, et alors même que ce relais de radiotéléphonie a une hauteur de 25 mètres, la société Free Mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, pour annuler la décision en litige, ont retenu que son projet méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

15. Toutefois, en dernier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / (...) L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. ". L'implantation d'une infrastructure de téléphonie mobile comprenant une antenne relais et les installations techniques nécessaires à son fonctionnement constitue une extension de l'urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

16. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet s'inscrit dans un vaste paysage naturel et qu'il est éloigné des villages et agglomérations existants, ainsi que, en tout état de cause et à supposer que le secteur du Ramponnet puisse être regardé comme un village au sens des dispositions précitées, des constructions individuelles qui sont situées à plus de 100 mètres et de l'autre côté des voies et du ruisseau des Boittières. Il ne peut, dans ces conditions, être considéré comme étant en continuité avec ces dernières. Par suite, ce projet méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Ce seul motif justifie l'annulation de la non opposition tacite en litige.

17. Il résulte de qui précède, que la société Free Mobile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique.

Sur la requête n° 21LY01634 :

18. Le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif de l'arrêt.

19. L'annulation de la décision tacite par laquelle le maire de la commune de Talloires-Montmin ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par la société Free Mobile le 21 mai 2019 en vue de l'implantation d'un relai de radiotéléphonie comportant l'installation d'un pylône treillis et d'une zone technique a été confirmée par le présent arrêt. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Free Mobile tendant à l'annulation d'un autre jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 mars 2021, rendu sur la requête de M. D... et autres, prononçant également l'annulation de cette décision.

Sur les frais d'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Free Mobile, qui est la partie perdante dans la requête n° 21LY01633 tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Free Mobile le versement à l'association Lac d'Annecy environnement de la somme de 1 500 euros à verser au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées dans l'instance n° 21LY01634 par la société Free et M. D... et autres sur le fondement de ces mêmes dispositions.

22. La commune de Talloires- Montmin en sa qualité d'observateur n'étant pas partie à l'instance, il ne peut être fait droit à ses conclusions tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 21LY01633 de la société Free Mobile est rejetée.

Article 2 : La société Free Mobile versera à l'association Lac d'Annecy environnement la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 21LY01634 de la société Free Mobile.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête n° 21LY01634 par la société Free Mobile et par M. D... et autres sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Talloires-Montmin sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free Mobile, à l'association Lac d'Annecy environnement, à M. A... D..., représentant unique des intimés en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la commune de Talloires-Montmin.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

C. Burnichon La présidente,

M. I...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY01633,N° 21LY01634 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01633
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PAMLAW - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-13;21ly01633 ?
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