La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2022 | FRANCE | N°22LY01609

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 22LY01609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... N'Gbaba a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 avril 2021 par laquelle la préfète de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 2104701 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Ain de renouveler le titre de séjour de Mme N'Gbaba.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme N'Gbaba devant le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... N'Gbaba a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 avril 2021 par laquelle la préfète de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 2104701 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et a enjoint au préfet de l'Ain de renouveler le titre de séjour de Mme N'Gbaba.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2022, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme N'Gbaba devant le tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient que :

- sa décision ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il n'a pas méconnu l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas méconnu le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2022, Mme N'Gbaba, représentée par Me Zoccali, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... N'Gbaba, ressortissante ivoirienne née le 3 juin 1988, est entrée en France le 20 août 2010 selon ses déclarations. Du 23 aout 2017 au 22 août 2020, elle a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'un enfant français. Le 27 juillet 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par une décision du 19 avril 2021, la préfète de l'Ain a rejeté sa demande. Par un jugement du 29 mars 2022, dont la préfète de l'Ain relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 19 avril 2021 et a enjoint à la préfète de l'Ain de renouveler le titre de séjour de Mme N'Gbaba.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

3. Pour annuler le refus de renouvellement du titre de séjour en litige, le tribunal administratif a estimé que la préfète de l'Ain avait méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de Mme N'Gbaba et l'intérêt supérieur de son enfant en prenant en compte les circonstances tirées de ce que Mme N'Gbaba, présente depuis près de dix ans sur le territoire français où elle a créé son entreprise à la suite de l'obtention de son diplôme d'architecte d'intérieur, y vit régulièrement depuis août 2017 en qualité de parent d'enfant français avec son compagnon ivoirien, également en situation régulière, qu'elle a épousé depuis et de ce qu'elle est la mère d'une enfant française âgée de quatre ans à la date de la décision en litige dont elle justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme N'Gbaba ne réside régulièrement en France que depuis le 23 août 2017. Elle n'établit ni que le père de l'enfant contribue effectivement à son entretien et à son éducation ni l'ancienneté et la stabilité de son union avec un compatriote avec lequel elle s'est mariée le 7 mai 2021, postérieurement à la décision en litige. Elle n'établit pas davantage avoir obtenu un diplôme d'architecte d'intérieur en produisant un certificat de scolarité de l'établissement auprès duquel elle a été inscrite pendant trois ans et exercer effectivement une activité d'auto-entrepreneur en matière de design en produisant un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que le refus de renouvellement du titre de séjour méconnaissait le droit au respect de la vie privée et familiale de Mme N'Gbaba garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'intérêt supérieur de son enfant garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme N'Gbaba devant le tribunal administratif et la cour.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un titre de séjour est subordonnée à ce que l'auteur de la reconnaissance, lorsqu'il n'est pas le postulant au séjour, contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

7. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme N'Gbaba en qualité de mère d'un enfant français, la préfète de l'Ain a relevé, par la décision contestée, qu'en méconnaissance du second alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes déposées postérieurement au 1er mars 2019 comme en l'espèce, Mme N'Gbaba ne justifiait pas que le père de l'enfant né le 22 décembre 2016 contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme N'Gbaba n'établit pas la contribution effective et personnelle du père de l'enfant à l'entretien et à l'éducation de celui-ci. Par suite, la préfète de l'Ain n'a pas fait une inexacte applications du 2ème alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que Mme N'Gbaba n'établit pas remplir les conditions pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France sur les fondements du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable.

10. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus de renouvellement du titre de séjour de Mme N'Gbaba et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale "..

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le conseil de Mme N'Gbaba au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme N'Gbaba devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A... N'Gbaba.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01609
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ZOCCALI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;22ly01609 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award