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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY01231

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY01231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1803795 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021, M. et Mme B..., représentés par Me T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1803795 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Thouvenot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- il a été privé d'un débat oral et contradictoire lors de la vérification de comptabilité ;

- il n'a pas agi dans le cadre d'une activité occulte dès lors qu'aucune décision de justice définitive ne l'a condamné pénalement et qu'il bénéficie de la présomption d'innocence ; il s'est livré à la revente de biens d'occasions en méconnaissance totale de leur origine frauduleuse ;

- la méthode de reconstitution des recettes est viciée ;

- les pénalités ne sont pas motivées ; il n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale.

Par un mémoire, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est entachée d'irrecevabilité dès lors que les conclusions d'appel ne sont pas identiques à celles soumises aux premiers juges et sans rapport avec les rectifications opérées par l'administration ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thouvenot, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012 après que l'administration fiscale a été informée, sur le fondement de l'article L. 135 L. du livre des procédures fiscales, de l'ouverture d'une procédure judiciaire à son encontre pour recel de biens provenant de vols de matériels multimédia, jeux vidéo, consoles de jeux et DVD commis sur la période de 2008 à 2012. A l'issue de ce contrôle, l'intéressé a été taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012 en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales à raison d'une activité occulte d'achat-revente de matériels multimédia et a également été assujetti, au titre des exercices clos en 2009, 2010, 2011 et 2012, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans ses revenus imposables des bénéfices industriels et commerciaux tirés de cette activité d'achat-revente que l'administration a évalués d'office en application du 1° de l'article L. 73 du même livre. S'agissant des pénalités, l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1728-1 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte aux compléments d'impôt sur le revenu ainsi qu'aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de l'activité occulte. Par un jugement du 12 février 2021, dont M. et Mme B... relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités afférentes.

Sur l'existence d'une activité occulte et la régularité des procédures d'imposition d'office suivies pour établir les impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises (...) commerciales (...) imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...). Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à une mise en demeure : (...) / Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 (...) ". Aux termes enfin du troisième alinéa de ce dernier article, dans sa rédaction applicable : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. "

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

5. Pour qualifier d'occulte l'activité à laquelle s'est livré M. B..., l'administration a relevé, dans la proposition de rectification du 2 octobre 2015 et au vu des pièces de la procédure judiciaire, que M. B... a été mis en cause pour recel de biens provenant de vols commis sur la période de 2008 à 2012, que l'analyse des opérations bancaires sur cette période réalisées sur les comptes détenus par l'intéressé corrélée avec les constatations résultant de la procédure judiciaire, au cours de laquelle M. B... a formellement reconnu exercé une activité dissimulée, a permis de mettre en évidence l'exercice d'une activité productive de revenus, qui n'avait fait l'objet ni d'une déclaration d'existence auprès d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ni de déclaration fiscale de quelque nature que ce soit.

6. Contrairement à ce que soutient M. B..., les circonstances qu'il n'a pas été condamné et qu'il est présumé innocent de l'activité de recel n'est pas de nature à faire obstacle à ce que l'administration qualifie d'activité occulte les faits dont elle a eu connaissance à travers les pièces de la procédure judiciaire qui lui ont été communiquées sur le fondement de l'article L. 135 L. du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, M. B... a formellement reconnu, ainsi qu'il a été dit, au cours de la procédure judiciaire, avoir exercé une activité dissimulée d'achat-revente de matériels multimédias. M. B..., qui n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ne soutient pas qu'il a commis une erreur justifiant cette omission. Par suite, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte par l'intéressé d'une activité d'achats reventes de matériels multimédias imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et taxable à la taxe sur la valeur ajoutée.

7. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".

8. M. B... qui a été taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012 et dont les bénéfices industriels et commerciaux des années 2009, 2010, 2011 et 2012 ont été évalués d'office, ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire ne lui étaient pas applicables.

9. Il résulte de l'instruction que, le 12 janvier 2015, le groupe interministériel de recherches (GIR) d'Aquitaine a transmis à l'administration fiscale certaines pièces de la procédure judiciaire ouverte à l'encontre de M. B... pour recel de biens provenant de vols commis sur la période de 2008 à juin 2012 au cours de laquelle il a reconnu avoir perçu des revenus non déclarés et tirés de l'exercice d'une activité dissimulée. Par suite, la situation de taxation d'office ou d'évaluation d'office dans laquelle s'est placé M. B... en application respectivement du 3° de l'article L. 66 et du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales du fait de son activité occulte avait été révélée à l'administration antérieurement à la vérification de comptabilité engagée par un avis du 20 mars 2015. Il s'ensuit que M. B... ne peut utilement soutenir qu'il aurait été privé de la possibilité d'un débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

11. M. B... ayant été régulièrement imposé d'office, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge lui incombe.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :

12. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution de ses chiffres d'affaires est viciée dès lors qu'elle est fondée sur des comptes non exclusivement professionnels, que l'administration a intégré, à tort, des remises d'espèces sur son compte bancaire français qui constituent des salaires perçus en tant que travailleur frontalier provenant de retraits effectués sur son compte " salaire " détenu auprès d'un établissement bancaire suisse, que l'administration a sous-évalué les frais postaux engagés du fait de son activité, que l'administration n'a pas tenu compte de ce qu'il dispose de revenus tirés d'une activité de vente de biens d'occasion personnels et que sa marge nette n'est que de deux euros. Ce moyen a été écarté à bon droit par les premiers juges aux points 12 à 19 de leur jugement par des motifs qu'il convient pour la cour d'adopter.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

13. M. B... soutient que les frais postaux donnent lieu à l'établissement de factures et qu'il bénéficie d'un droit à déduction qui n'a pas été pris en compte.

14. L'administration, qui a reconstitué le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à partir des encaissements effectués sur les comptes bancaires de M. B..., a relevé qu'en l'absence de pièce comptable, aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible n'a pu être prise en compte en application de l'article 271 II du code général des impôts qui prévoit que la taxe dont le redevable peut opérer la déduction est, en principe, qu'il s'agisse de biens ou de services, celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 du code général des impôts. En l'absence de factures relatives aux dépenses, l'administration ne pouvait que constater l'absence de taxe sur la valeur ajoutée déductible quand bien même elle avait retenu, au titre des bénéfices industriels et commerciaux, des frais fixes évalués à 5 % des recettes.

Sur les majorations :

15. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".

16. D'une part, en vertu de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales doivent être motivées, en ce sens qu'elles doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent.

17. La proposition de rectification du 2 octobre 2015 vise les dispositions du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts constituant le fondement des majorations appliquées, comporte l'indication des motifs conduisant l'administration à en faire application et en précise les montants. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas motivée au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté.

18. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 7, M. B... a exercé une activité occulte d'achat-revente de matériels multimédia qu'il n'a pas déclarée et ne soutient pas qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. C'est donc à bon droit que l'administration a assorti les impositions en litige établies à raison de cette activité de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il n'a pas été condamné pénalement.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01231
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : RIERA-TRYSTRAM-AZEMA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly01231 ?
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