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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY00010

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY00010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Séduction a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er février 2012 au 31 janvier 2013 et du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800464 du 4 novembre 2020, le tribunal ad

ministratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Séduction a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er février 2012 au 31 janvier 2013 et du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800464 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2021 et des mémoires enregistrés le 20 juillet 2021 et le 4 mai 2022, la société Séduction, représentée par Me Rebinguet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Elle soutient que :

- le caractère contradictoire que doit revêtir le contrôle n'a pas été respecté en ce que la gérante n'a pas validé le relevé des coefficients de ventes sur achats retenus par le vérificateur ;

- le caractère mineur des anomalies constatées n'était pas de nature à entraîner le rejet de la comptabilité ;

- compte tenu d'importantes disparités observées dans les commerces similaires ayant servi de comparaison, le rejet de sa comptabilité ne pouvait être fondé sur les coefficients multiplicateurs tels qu'ils ont été retenus dans la méthode de reconstitution.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 juin 2021 et le 25 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la charge de la preuve incombe au contribuable et que les moyens soulevés par la société Séduction ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Séduction, qui exploite à Moulins (Allier) un commerce de prêt-à-porter féminin et de vente de laine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2015, à l'issue de laquelle la vérificatrice, après avoir écarté la comptabilité présentée comme étant insincère et non probante, a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires des exercices clos en 2013, 2014 et 2015. En conséquence de ce contrôle, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2013 et du 1er février 2014 au 31 janvier 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2015 lui ont été réclamés, assortis de la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 4 novembre 2020, dont la SARL Séduction relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

3. Il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions de la proposition de rectification du 15 juin 2016, que les opérations de vérification de comptabilité de la SARL Séduction se sont déroulées entre le 1er mars 2016 et le 26 mai 2016, dans les locaux du cabinet comptable de la société, conformément à la demande de sa gérante, formulée dans un courrier adressé par l'intéressée à l'administration fiscale. Il appartient dès lors à la société requérante d'établir qu'elle a été privée de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. La SARL Séduction ne démontre pas que la vérificatrice se serait refusée à un débat contradictoire au cours de la vérification de comptabilité en se bornant à invoquer le désaccord qu'elle a exprimé quant aux coefficients des ventes rapportées aux achats retenus par la vérificatrice pour procéder à la reconstitution des recettes et son absence de validation formelle. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la société appelante aurait été privée de la garantie du débat oral et contradictoire doit être écarté.

Sur la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. " Les irrégularités de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peuvent avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve conformément aux dispositions de cet article.

5. Il résulte de l'instruction que le différend opposant la SARL Séduction à l'administration fiscale a été soumis pour avis, à l'initiative de la société contribuable, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires Au terme d'une séance tenue le 21 juin 2017, cette commission a émis l'avis suivant : " (...) la commission confirme le rejet de la comptabilité. Elle valide la méthode proposée par la vérificatrice et prend note de l'engagement des parties de produire, pour l'une, les pièces visant à justifier d'un taux de remise de 74 % pendant les braderies et, pour l'autre, de reconsidérer, au vu de ces documents, le chiffre d'affaires reconstitué ". L'avis ainsi rendu par la commission, laquelle n'a pas fixé le montant du redressement ainsi qu'il lui appartenait de le faire ni n'a ordonné un supplément d'instruction pour ce faire, est, dans ces conditions, entaché d'irrégularité. Par suite, la charge de la preuve du bien-fondé de la rectification appartient à l'administration.

Sur le rejet de la comptabilité :

6. L'article 54 du code général des impôts dispose que : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". Aux termes du paragraphe I de l'article 286 du même code : " Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat (...) Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que, pour estimer que la comptabilité de la société Séduction était insincère et dénuée de valeur probante, la vérificatrice a relevé, s'agissant de la vente au détail de vêtements, que la société, qui au demeurant n'utilisait pas de caisse enregistreuse ni ne délivrait de facture ou de note à ses clients, comptabilisait ses recettes journalières à partir de feuilles de caisse établies manuellement et ne comportant qu'une désignation laconique des articles vendus, par la seule mention de la catégorie de vêtement et de sa marque, ne permettant pas de les rattacher aux achats correspondants, certaines dénominations identiques pouvant correspondre à des prix de vente différents. Les feuilles de caisse relatives aux ventes réalisées lors de braderies ne comportaient, pour leur part, que le montant global des ventes, sans aucune désignation des articles vendus. Eu égard à la nature du commerce concerné et des articles vendus, cette lacune faisait obstacle à la vérification de concordance des ventes avec les achats comptabilisés. En outre, la vérification de comptabilité a permis de relever que le solde du paiement des ventes qui avaient fait l'objet d'un acompte n'étaient pas repris dans la comptabilité, ce que ne conteste pas la société. Diverses autres anomalies, non contredites, ont été relevées concernant la gestion des stocks ainsi que la vente de vêtements indiqués comme mis au rebut. Si le service admet en défense que la circonstance, d'ailleurs relevée à titre surabondant par la vérificatrice, selon laquelle le coefficient de marge brut de la SARL Séduction est inférieur à celui constaté dans quatre commerces comparables, n'a pas retenue pour écarter sa comptabilité, l'administration a pu à bon droit, en se fondant sur l'ensemble des autres constatations énoncées ci-dessus, regarder la comptabilité de la SARL Séduction comme entachée de graves irrégularités et ainsi l'écarter comme dépourvue de valeur probante et procéder à la rectification d'office des recettes de l'entreprise. Le moyen tiré de ce que la comptabilité aurait été écartée à tort comme dépourvue de valeur probante doit, dès lors, être écarté. La SARL Séduction ne contestant la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses recettes, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des excédents de bénéfices ainsi révélés.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Séduction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Séduction est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Séduction et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

2

N° 21LY00010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00010
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : REBINGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly00010 ?
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