Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 juin 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de retour et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2101580 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Ben Hadj Younes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 8 juin 2021 ;
3°) de faire injonction au préfet de la Côte d'Or de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il n'est pas établi que la décision a été affichée dans les locaux de la juridiction et ainsi rendue publiquement ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet a entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur d'appréciation, dans l'application des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation familiale ;
- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de trois ans est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant espagnol né à Igualada (Espagne) le 15 janvier 1997, déclare être entré en France en 2011. Par un arrêté du 8 juin 2021, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant trois ans. M. B... relève appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-1 du code de justice administrative : " Sous réserve des cas où elle est lue sur le siège, la décision est prononcée par sa mise à disposition au greffe de la juridiction. / La liste des décisions mises à disposition au greffe de la juridiction est affichée le jour même dans les locaux de la juridiction. ".
3. La circonstance que le jugement n'aurait pas été affiché dans les locaux de la juridiction le jour même de sa mise à disposition au greffe, à la supposer établie, est dépourvue d'incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 juin 2021 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux citoyens de l'Union européenne : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...)./ L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée de séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné par jugement du tribunal de grande instance de Dijon statuant en formation correctionnelle du 3 juillet 2017, à une peine d'emprisonnement de huit mois assortie du sursis simple, pour des faits de recel de bien provenant d'un vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail, et que ce sursis a ensuite été révoqué en 2019. Il a ensuite été condamné par un jugement du 7 mai 2019 du tribunal correctionnel de Dijon, confirmé par un arrêt du 27 février 2020 de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Dijon à une peine d'emprisonnement de quatre mois pour vol et escroquerie, pour des faits du 4 novembre 2017. L'intéressé a également été condamné par jugement du 26 janvier 2018 du tribunal de grande instance de Dijon statuant en formation correctionnelle, à une peine de quatre mois d'emprisonnement, assortie de sursis, et à une peine d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pendant cinq années pour des faits de vol aggravé par deux circonstances et de détention d'armes de catégorie D-1 non enregistrées. Enfin, le requérant a encore été condamné par une ordonnance du 13 juin 2019 du président du tribunal de grande instance de Dijon à une peine de 300 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis.
8. Si M. B... soutient qu'il réside de manière continue en France depuis 2011 et qu'il a une relation depuis plusieurs années avec une ressortissante française, avec laquelle il ne vit toutefois pas selon ses propres déclarations lors de l'audition par les services de police, dont le procès-verbal est produit au dossier, il ne produit aucun élément probant de nature à établir l'ancienneté et l'intensité de sa vie familiale en France. Dans ces conditions, compte tenu de la nature des faits, récents, pour lesquels il a été condamné, et de la persistance de son comportement délictueux, de ce que l'intéressé, qui n'a effectué que de courtes périodes d'activité professionnelle, ne justifie pas d'une intégration particulière en France, et alors même que les parents, frères et sœurs du requérant vivent en France et qu'il fait état d'avis favorables du service pénitentiaire pour son comportement en prison, le préfet de la Côte-d'Or, en estimant que le comportement de M. B... représentait une menace à l'encontre d'un intérêt fondamental pour la société et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions citées au point 5. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel. "
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8 et tenant à la persistance du comportement délictueux de M. B... pendant une période récente, c'est sans méconnaître les dispositions citées au point précédent que le préfet de la Côte-d'Or a décidé que l'intéressé pouvait être éloigné sans délai.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Le présent arrêt rejetant les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.
En ce qui concerne l'interdiction de circuler sur le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. "
13. Compte tenu de la persistance du comportement délictueux de M. B... en France depuis sa majorité, de ce qu'il ne justifie pas, par la production d'une attestation peu circonstanciée, de sa relation de concubinage avec une Française, ni qu'il résiderait de manière continue en France depuis 2011, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de vingt-quatre ans à la date de la décision en litige, serait dépourvu d'attaches en Espagne, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une décision lui faisant interdiction de circuler sur le territoire français pendant trois années.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 500 euros que le préfet de la Côte-d'Or demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04097