La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2022 | FRANCE | N°21LY00800

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 25 octobre 2022, 21LY00800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le maire de Montségur-sur-Lauzon a retiré le permis de construire tacite dont il bénéficiait et de condamner la commune de Montségur-sur-Lauzon à lui verser la somme de 119 400 euros en réparation des préjudices subis du fait des retraits illégaux du permis de construire obtenu tacitement.

Par un jugement n°s 1902395 et 1905164 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a

annulé l'arrêté du 13 février 2019 et a rejeté sa demande indemnitaire.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le maire de Montségur-sur-Lauzon a retiré le permis de construire tacite dont il bénéficiait et de condamner la commune de Montségur-sur-Lauzon à lui verser la somme de 119 400 euros en réparation des préjudices subis du fait des retraits illégaux du permis de construire obtenu tacitement.

Par un jugement n°s 1902395 et 1905164 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 13 février 2019 et a rejeté sa demande indemnitaire.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2021, la commune de Montségur-sur-Lauzon, représentée par Me Fouilleul, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 février 2021 qui annule l'arrêté du 13 février 2019 ;

2°) de rejeter la demande en annulation présentée par M. C... devant le tribunal ;

3°) de confirmer le jugement en tant qu'il a rejeté la requête indemnitaire de M. C... ;

4°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. C... a commis une fraude en vue de contourner une règle d'urbanisme en ne déclarant pas l'existence d'une source sur la parcelle litigieuse ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que la règle des 35 mètres prévue au point 2.1 de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement n'était pas une règle d'urbanisme applicable ;

- la responsabilité de la commune ne peut être engagée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 février 2022 et le 23 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Blanc et Me Szydlowski, conclut au rejet de la requête, demande, par des conclusions incidentes, la condamnation de la commune à lui verser la somme de 116 528,94 euros dans le dernier état de ses écritures au titre de dommages et intérêts et demande enfin que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montségur-sur-Lauzon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Montségur-sur-Lauzon ne sont pas fondés ;

- s'agissant de son appel incident, les fautes commises par la commune et la persistance de son attitude fautive ont entraîné des préjudices importants.

La cour a informé les parties le 15 septembre 2022 de ce que le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions indemnitaires présentées par M. C... sont irrecevables car elles relèvent d'un litige distinct de l'annulation de l'arrêté en litige et ont été enregistrées au-delà du délai d'appel pourrait être retenu.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2022, la commune de Montsegur-sur-Lauzon a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de M. A... B..., maire de la commune de Montségur-sur-Lauzon, et celles de Me Szydlowski pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a déposé le 17 novembre 2014 un dossier de permis de construire pour la construction d'une maison d'habitation de 81 m², d'une annexe agricole de 38 m² destinée à abriter une miellerie ainsi qu'un élevage de chiens truffiers sur la parcelle cadastrée ... située ... à Montségur-sur-Lauzon. Un permis tacite est né le 7 mars 2015. Par un arrêté du 10 mars 2015, le maire de Montségur-sur-Lauzon a refusé de lui délivrer ce permis de construire puis, par un arrêté du 30 juillet 2015, a retiré le permis de construire tacite dont il bénéficiait. Par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 février 2018, cet arrêté a été annulé au motif que le délai de retrait de trois mois imparti par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme était dépassé. Le maire de Montségur-sur-Lauzon a pris un arrêté le 9 juillet 2018 portant de nouveau retrait et refus de permis de construire, mais il l'a retiré par un arrêté du 17 janvier 2019, en cours d'instance devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a prononcé par suite un non-lieu à statuer par ordonnance du 20 mai 2019. Enfin, par un arrêté du 13 février 2019, le maire a à nouveau retiré le permis de construire tacitement obtenu en se fondant sur l'existence d'une fraude. Relevant un début d'exécution des travaux et un risque de pollution du réseau d'eau domestique du village en résultant, le maire a, le 6 juillet 2021, mis en demeure M. C... de cesser les travaux et a pris un arrêté interruptif de travaux le 6 juillet 2021. Il a également refusé le 18 mai 2021 l'ouverture d'un compteur provisoire de chantier. Par un jugement du 2 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble, d'une part, dans la requête n° 1902395, a annulé l'arrêté du 13 février 2019 et, d'autre part, dans la requête n° 1905164, a rejeté la demande indemnitaire présentée par M. C.... La commune de Montségur-sur-Lauzon relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 13 février 2019.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 février 2019 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " (...) Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. ". Aux termes de l'article A. 424-8 du même code : " (...) le permis n'est définitif qu'en l'absence de recours ou de retrait : - dans le délai de deux mois à compter de son affichage sur le terrain, sa légalité peut être contestée par un tiers. (...) - dans le délai de trois mois après la date du permis, l'autorité compétente peut le retirer, si elle l'estime illégal. (...). ". L'autorité compétente est tenue de prononcer le retrait d'une autorisation d'urbanisme si elle est saisie d'un recours des tiers introduit dans les délais de recours contentieux prévus par les dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme et si le délai de retrait imparti par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme n'est pas expiré.

3. Il en résulte que le recours d'un voisin, bien que formé dans le délai de recours contentieux, n'ouvrait pas à la commune de Montségur-sur-Lauzon un nouveau délai de retrait de ce permis.

4. En second lieu, selon l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ". Un permis ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.

5. M. C... a présenté une demande de permis de construire pour une maison d'habitation et une annexe agricole destinée à abriter une miellerie ainsi qu'un élevage de chiens truffiers sur la parcelle cadastrée ..., sans indiquer l'existence d'une source sur son terrain. L'existence de cette source est corroborée par plusieurs documents, et notamment l'acte d'acquisition du terrain d'assiette du projet, un procès-verbal de constat d'huissier du 26 juin 2018, l'étude hydrogéologique du 28 novembre 2018 et le rapport du 30 juin 2020 de l'expert mandaté par le tribunal administratif de Grenoble. Il ressort d'une lecture combinée des pièces du dossier que M. C... ne pouvait en ignorer l'existence, cette source comprenant plusieurs dispositifs visibles sur le terrain et étant grevée d'une servitude de passage mentionnée dans son propre acte notarié d'acquisition du terrain du 5 août 2014 qui précise " qu'une source jaillit sur la parcelle objet de la vente à proximité du chemin communal ".

6. Le maire de la commune de Montségur-sur-Lauzon n'a toutefois fondé le caractère frauduleux du permis de construire tacite que sur le courrier de la direction départementale de la protection des populations du 28 mars 2018 et ne peut au demeurant être regardé comme demandant une substitution de motifs ou de base légale dans ses écritures. Ce courrier, qui fait suite à la déclaration (rubrique 2120-2) faite par M. C... pour son projet de création d'un élevage canin de vingt chiens au titre des installations classées et qui avait donné lieu à une justification de dépôt produite dans le dossier de permis de construire en application de l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme, d'une part relève que cette déclaration ne mentionne pas l'existence d'une source alors pourtant que les mentions du récépissé du 23 octobre 2014 précisaient l'obligation de se conformer aux prescriptions générales du 27 décembre 2013, et, d'autre part, en déduit que la possibilité de réaliser l'élevage de chiens est refusée en raison du non-respect de la distance d'éloignement d'au moins 35 mètres par rapport à cette source.

7. Il résulte de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme que le permis de construire ne peut être refusé qu'en raison de l'absence de conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et règlementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. En l'absence de dispositions législatives ou règlementaires le prévoyant, un refus ne peut être fondé sur la législation des installations classées, qui est une législation distincte de celle du droit de l'urbanisme, l'article R. 431-20 du code de l'urbanisme n'exigeant au demeurant à cet égard, lorsque les travaux projetés portent sur une installation classée, que la justification du dépôt de la déclaration. Dans ces conditions, ni la fraude commise dans la déclaration faite au titre des installations classées, ni le refus de mise en œuvre du projet opposé par la direction départementale de la protection des populations du 28 mars 2018, qui ferait, le cas échéant, obstacle à l'exploitation effective du projet d'élevage, ni encore la règle de recul d'une distance de 35 mètres prévu au point 2.1 de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement et qui ne peut être qualifiée de règle d'urbanisme contrairement aux allégations de la commune, ne sont de nature à entacher d'illégalité le permis de construire tacite en litige. Le permis de construire tacite ne pouvait dès lors être regardé comme entaché de fraude du fait de la méconnaissance de la législation des installations classées, seule invoquée.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montségur-sur-Lauzon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté du 13 février 2019.

Sur les conclusions incidentes de M. C... :

9. La commune ne peut être regardée comme ayant interjeté appel de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble rejetant les conclusions indemnitaires présentées par M. C... en première instance dans la requête n° 1905164. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées en appel par M. C... relèvent d'un litige distinct de l'annulation de l'arrêté en litige et ont été enregistrées au-delà du délai d'appel. Elles sont, dès lors, irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Montségur-sur-Lauzon demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montségur-sur-Lauzon le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Montségur-sur-Lauzon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. C... par la voie d'un appel incident sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Montségur-sur-Lauzon et par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montségur-sur-Lauzon et à M. D... C....

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. E...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00800
Date de la décision : 25/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-05 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Retrait du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : JOLIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-25;21ly00800 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award