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20/10/2022 | FRANCE | N°20LY03828

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 20LY03828


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCA Bistrot des clercs a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, des pénalités correspondantes et de l'amende pour distribution occulte qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 1803369 du 26 octobre 2020,

le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCA Bistrot des clercs a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, des pénalités correspondantes et de l'amende pour distribution occulte qui lui a été infligée.

Par un jugement n° 1803369 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 16 août 2021, la société Bistrot des clercs, représentée par Me Lichtenstern, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, des pénalités correspondantes et de l'amende pour distribution occulte qui lui a été infligée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa comptabilité ne saurait être regardée comme informatisée au sens tant de la doctrine administrative issue de l'instruction BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40, qui est opposable à l'administration, que de la jurisprudence ; la procédure d'imposition est ainsi irrégulière en ce qu'elle est fondée sur l'article L. 13 et sur le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales relatifs à la vérification des entreprises dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés ;

- l'administration n'a relevé aucune irrégularité d'une gravité indiscutable, en méconnaissance de la doctrine administrative relative à la valeur probante des comptabilités, dont elle entend se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; dès lors, l'administration ne pouvait procéder à une reconstitution de comptabilité ;

- la reconstitution de chiffre d'affaires opérée par l'administration présente un caractère sommaire et imprécis en ce qu'elle ne repose pas sur les données d'exploitation de l'entreprise et aboutit à des montants incohérents et exagérés ; elle est ainsi viciée dans son principe ;

- l'avis de mise en recouvrement de l'amende n'en indique pas la base légale ; cet avis est ainsi irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas l'identité et la qualité de son signataire sous la formule exécutoire ;

- l'amende a été irrégulièrement prononcée faute d'avoir respecté les droits et garanties du contribuable ;

- l'administration n'établit pas l'existence d'un manquement délibéré justifiant l'application d'une majoration de 40 %.

Par des mémoires en défense enregistrés le 13 juillet 2021 et le 2 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Bistrot des clercs ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lichtenstern, représentant la société Bistrot des clercs.

Considérant ce qui suit :

1. La SCA Bistrot des clercs, qui exploite un restaurant-brasserie à Valence (Drôme), a fait l'objet d'une vérification de la comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013 à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir écarté la comptabilité comme étant dépourvue de valeur probante, a reconstitué ses chiffres d'affaires au moyen de la méthode des vins, rehaussé à due concurrence des omissions de recettes ses bénéfices des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, refusé la déduction de charges non justifiées et lui a notifié un profit sur le Trésor. En conséquence des rehaussements de ses résultats imposables et de ses recettes taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, notifiés suivant la procédure contradictoire, la SCA Bistrot des clercs a été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. La société s'est également vu infliger l'amende pour distributions occultes prévue à l'article 1759 du même code. La SCA Bistrot des clercs relève appel du jugement du 26 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et de l'amende.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ". Aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 ". Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens de ces dispositions, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.

3. Au cours de la vérification dont la SCA Bistrot des clercs a fait l'objet, le vérificateur, estimant que la comptabilité était tenue au moyen de systèmes informatisés, a demandé à effectuer certains traitements informatiques sur le système de caisse enregistreuse utilisé par la société. En réponse à cette demande, le gérant de la société a indiqué qu'il n'était procédé à aucune conservation des données informatisées issues de la caisse enregistreuse du restaurant. La société fait valoir à cet égard que la caisse enregistreuse utilisée dans l'établissement n'est reliée à aucun progiciel comptable et que son utilisation se limite à la gestion des prises de commandes et des encaissements. Il résulte toutefois de l'instruction que cette caisse enregistreuse permet, par sa fonction de facturation et d'encaissement, de centraliser les recettes journalières. Chaque mois, le gérant édite un état récapitulatif, sous format papier, ventilant les recettes du restaurant par taux de taxe sur la valeur ajoutée et procède parallèlement à un suivi journalier des recettes et des modes de paiement, par l'édition quotidienne de " tickets Z ". Ces documents, qui procèdent d'un traitement informatique des données issues de la caisse enregistreuse, sont ensuite transmis à un cabinet comptable en vue d'être enregistrés dans le progiciel de comptabilité, dénommé Cegid. Il s'en déduit que la caisse enregistreuse utilisée par la société Bistrot des clercs participe à la centralisation des recettes journalières et concourt à la formation des résultats comptables de la société. Par suite, sa comptabilité doit être regardée comme tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société ne disposait pas elle-même d'un logiciel comptable et que l'enregistrement des écritures comptables avait été confié à un cabinet extérieur.

4. La société requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir des paragraphes n° 170 et 180 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40, qui sont relatifs à la procédure d'imposition et ne peuvent être regardés comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

5. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe à cette dernière.

6. La vérification de comptabilité du restaurant qu'exploite la SCA Bistrot des clercs a fait apparaître, pour les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, que cette comptabilité retraçait les recettes globales de la journée, par l'édition journalière de tickets Z, faisant état des modes de règlement, de la ventilation des recettes par taux de taxe sur la valeur ajoutée et de la répartition globale des recettes entre liquides et solides, sans donner d'indication sur le nombre et la nature des produits vendus. Ces états journaliers, qui ne donnent pas le détail des recettes du restaurant, ne peuvent ainsi être regardés comme des pièces comptables justifiant la recette journalière de l'établissement. Le vérificateur a constaté l'absence de numérotation des tickets des clients, de sorte qu'il était dans l'impossibilité de vérifier l'enregistrement chronologique quotidien des recettes empêchant ainsi de s'assurer de l'exactitude des recettes encaissées. Si la société requérante invoque les dispositions du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts autorisant les contribuables à inscrire globalement en fin de chaque journée les recettes au comptant d'un montant unitaire inférieur à 76 euros, aucune disposition législative ou réglementaire ne les exonère de l'obligation de produire des justificatifs de nature à établir le détail et la sincérité des recettes de la journée. En outre, lors de la vérification, la société n'a pas été en mesure de fournir l'intégralité des bandes mensuelles, dites RAZ, de remise à zéro de la caisse enregistreuse. Les irrégularités ainsi constatées étant d'une gravité suffisante pour priver la comptabilité de la SCA Bistrot des clercs de valeur probante, c'est à bon droit que l'administration l'a écartée.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

7. Après avoir écarté la comptabilité de la SCA Bistrot des clercs comme non probante, l'administration fiscale a reconstitué les recettes de cette société selon la méthode dite des vins qui a consisté à procéder à un dépouillement exhaustif des factures d'achats de vin et de champagne et à les confronter aux tickets Z mensuels. A partir des tickets fournis et par extrapolation pour ceux manquants pour les exercices clos en 2011 et en 2013, le vérificateur a déterminé un prix moyen par couvert ainsi qu'un nombre moyen de couverts par bouteille, après avoir converti en bouteilles de 75 cl le volume commercialisé de vin et de champagne, et a ainsi déterminé un chiffre d'affaires par bouteille. Il a ensuite déduit des achats revendus de vins et champagne ceux offerts à la clientèle, tels qu'ils sont mentionnés sur les tickets Z. A la suite du recours hiérarchique présenté par la société requérante, l'administration a admis un taux de perte de 3 %, comprenant la consommation du personnel et la quantité de vin entrant dans la composition des plats (2 %) ainsi que la casse et le vol (1 %), et a tenu compte, à hauteur de 2,5 %, des vins compris dans les menus, d'après les éléments issus de la comptabilité de l'entreprise. L'administration a ainsi fixé le montant du chiffre d'affaires réalisé à, respectivement, 2 479 447 euros, 2 290 816 euros et 2 231 260 euros pour les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ce qui représente un écart de, respectivement, 191 244 euros, 69 599 euros et 38 058 euros par rapport au chiffre d'affaires déclaré au titre de ces exercices. En l'absence de production par la société requérante des tickets Z des mois de mai, juillet, août et septembre 2011, l'administration a pu se fonder sur l'extrapolation des données obtenues par le dépouillement des tickets Z de ces mêmes mois des années 2012 et 2013, au cours desquels il a été constaté que la consommation de vins par client et le prix moyen par couvert était plus faible que les autres mois de l'année, et ainsi retenir, pour l'exercice 2011, un nombre moyen de couverts par bouteille de 4,3 et un prix moyen par couvert de 34,30 euros. Le taux de perte lié à la consommation du personnel et à la quantité de vin utilisée en cuisine pour l'élaboration des plats, évalué à 2 %, n'apparaît pas en l'espèce insuffisant, l'administration s'étant référée aux taux résultant des usages de la profession. Enfin, si la société fait grief à l'administration d'avoir omis de tenir compte, au titre de l'exercice clos en 2011, du vin vendu aux clients venus en groupes, il résulte de la proposition de rectification que le vérificateur a retenu une consommation de 25 cl de vin par personne pour les repas servis aux groupes. Il suit de là que la méthode ainsi décrite, fondée sur des données propres de l'entreprise, n'apparaît ni sommaire, ni radicalement viciée et a permis de reconstituer valablement les chiffres d'affaires de la société au cours de la période vérifiée.

Sur le bien-fondé des majorations appliquées aux impositions :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

9. L'administration a relevé que la société a omis de comptabiliser des recettes, que ces omissions se sont répétées sur plusieurs exercices et ont concerné, ainsi qu'il a été dit au point 6, des minorations de son chiffre d'affaires de 191 244 euros, de 69 599 euros et de 38 058 euros pour les exercices clos respectivement en 2011, 2012 et 2013, dont elle ne pouvait ignorer l'existence. En retenant ces éléments, l'administration établit suffisamment l'intention d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux impositions assignées à la société requérante.

Sur la régularité de l'avis de mis en recouvrement :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement (...) indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".

11. D'une part, s'agissant de l'amende infligée à la SCA Bistrot des clercs sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2015 indique son montant et se réfère à un document du 12 février 2015, lequel ne comporte qu'une seule sanction, précise la nature de l'amende, son fondement légal et indique l'impôt et la période auxquels elle correspond. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la circonstance que l'administration a désigné la somme à recouvrer au titre de cette amende par le terme " amende " sans autre précision n'a pas entaché d'irrégularité l'avis de mise en recouvrement.

12. D'autre part, si l'avis de mise en recouvrement mentionne par erreur que l'amende infligée à la société trouve son origine dans une " proposition de rectification " du 12 février 2015 alors que le document établi à cette date est la réponse aux observations du contribuable, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, était décelable par le contribuable dès lors que l'avis de mise en recouvrement faisait référence à cette réponse aux observations du contribuable en en mentionnant la date. En outre, si l'avis de mise en recouvrement ne se réfère pas à la lettre du 12 août 2015 du supérieur hiérarchique informant la SCA Bistrot des clercs d'une réduction de l'amende dont le montant a été ramené à 107 657 euros pour les exercices clos en 2012 et 2013, il est constant que cette lettre a été notifiée au contribuable et que le montant indiqué dans cette lettre correspond à celui qui a été finalement mis en recouvrement. Il en résulte que l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'une erreur matérielle qui n'a pas privé la société requérante de la possibilité de contester utilement l'amende mise en recouvrement.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur et désormais repris à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Aux termes de L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". L'article L. 256 de ce livre dispose : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) ". Il résulte de ces dispositions que les avis de mise en recouvrement émis par les comptables publics en vue du recouvrement des créances de l'Etat constituent des décisions administratives qui doivent comporter la mention du prénom, du nom et de la qualité de leur auteur, de telle sorte que le contribuable auquel il est notifié puisse vérifier que son signataire est effectivement l'autorité compétente pour l'émettre.

14. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement en litige porte la signature du comptable public, son nom et son prénom étant indiqués dans l'en-tête de cette décision. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions citées au point précédent doit être écarté.

15. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du courrier d'accompagnement de la réponse aux observations du contribuable du 12 février 2015, que la SCA Bistrot des clercs a été invitée à faire valoir ses observations dans un délai de trente jours sur la sanction fiscale mentionnée dans cet acte de procédure. Mais il ne résulte ni des dispositions applicables à la procédure d'établissement de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, ni des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense que l'administration est tenue de mentionner la possibilité pour la personne à laquelle il est envisagé d'infliger l'amende de se faire assister d'un conseil de son choix. Par suite, le moyen tiré de ce que les droits de la défense ont été méconnus doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que la SCA Bistrot des clercs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de société Bistrot des clercs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Bistrot des clercs et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03828
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LICHTENSTERN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;20ly03828 ?
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