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13/10/2022 | FRANCE | N°21LY02612

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 octobre 2022, 21LY02612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 1 350 783,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2016 et de leur capitalisation.

D... un jugement n° 1905619 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros

, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019 et de leur capital...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 1 350 783,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2016 et de leur capitalisation.

D... un jugement n° 1905619 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019 et de leur capitalisation.

Procédure devant la Cour :

I - D... une requête, enregistrée le 30 juillet 2021, sous le n° 21LY02612, et un mémoire complémentaire enregistré le 2 décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté D... la SELARLU Olivier Saumon avocat, membre de l'AARPI Jasper avocats, demande à la cour d'annuler le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant seulement qu'il a fixé le montant de l'indemnisation qu'il a été condamné à verser à Mme A... B... épouse C... à un montant excessif.

Il soutient que :

* l'indemnité afférente aux frais d'assistance D... tierce personne doit être allouée sous forme d'une rente viagère, s'agissant des frais futurs ; elle doit être diminuée des aides et prestations servies à la victime, à laquelle il doit être enjoint de produire tous justificatifs ;

* l'indemnité afférente aux frais de logement adapté et aux frais d'aides techniques doit être limitée aux seuls lit et barres d'appui ;

* le capital d'invalidité totale définitive perçu en exécution d'un contrat d'assurance passé avec la compagnie AGPM Vie devra être déduit du montant global de la condamnation.

D... un mémoire enregistré le 21 mars 2022, Mme A... B... épouse C..., représentée D... la SELARL GERBI avocat, a produit des pièces.

Un mémoire complémentaire, produit pour l'ONIAM et enregistré le 29 juin 2022, n'a pas été communiqué.

II - D... une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, sous le n° 21LY02615, Mme A... B... épouse C..., représentée D... la SELARL GERBI avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a limité à 779 729,48 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 1 438 403,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2018, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

* c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas retenu l'existence d'un préjudice de perte de gains professionnels et d'un préjudice d'incidence professionnelle ;

* elle justifie D... ailleurs de préjudices indemnisables sous la forme d'un déficit fonctionnel temporaire, de souffrances endurées, d'un préjudice esthétique temporaire, de frais divers, d'un déficit fonctionnel permanent, d'un préjudice esthétique permanent, d'une nécessité d'assistance D... une tierce personne et d'un préjudice sexuel, pour lesquels le tribunal a retenu des évaluations insuffisantes.

D... un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté D... la SELARLU Olivier Saumon avocat, membre de l'AARPI Jasper avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que les sommes allouées à Mme C... D... le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble, soient réduites.

Il soutient que :

* les sommes allouées au titre de l'assistance D... une tierce personne doivent être réduites à hauteur des aides perçues à ce titre, qui devront être établies, et devront être versées sous forme de rente pour les frais futurs ;

* les frais de logement adapté et d'aides techniques ne sont justifiés que pour le lit médicalisé et les barres d'appui ;

* la somme perçue de la compagnie AGPM Vie, au titre d'un capital invalidité totale définitive, doit être déduite des montants alloués ;

* pour le surplus, les moyens soulevés D... la requérante sont infondés.

Un mémoire complémentaire, produit pour l'ONIAM et enregistré le 29 juin 2022, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

* le code des assurances ;

* le code civil ;

* le code de la santé publique ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur,

* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

* et les observations de Me Hemour représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... épouse C..., née le 11 juin 1959, s'est vue diagnostiquer deux anévrismes situés au niveau de la terminaison du tronc basilaire et du siphon carotidien gauche. Deux opérations chirurgicales ont été effectuées au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble, le 14 octobre 2014 et le 31 mars 2015, pour traiter ces anévrismes. Lors de la seconde intervention, un accident vasculaire cérébral ischémique lié à la dissection de la paroi interne de la carotide a provoqué une hémiplégie droite accompagnée d'autres séquelles neurologiques. Saisie le 31 janvier 2017, et après une expertise médicale rendue les 8 et 27 mars 2018, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) Rhône-Alpes a rendu le 17 mai 2018 un avis dans le sens d'une indemnisation D... l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale. D... ordonnance n° 1900783 du 29 novembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... une provision de 685 260 euros, ramenée à 550 260 euros D... ordonnance n° 19LY04601 du 13 février 2020 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Lyon. D... le jugement contesté du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 779 729,48 euros, sous déduction de la provision accordée. D... une première requête, l'ONIAM, qui ne conteste pas le droit à indemnisation, demande la réformation du jugement en ce qui concerne la seule évaluation de certains chefs de préjudice et le montant total alloué. D... une seconde requête, Mme C... demande également la réformation du jugement en tant seulement que le tribunal a apprécié l'existence et l'étendue de certains chefs de préjudice. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant des questions communes à juger, il y a lieu de les joindre pour y statuer D... un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le droit à indemnisation :

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé D... décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé D... décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé D... ledit décret. ". Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis (...) ".

3. Il découle de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue D... ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé D... son état de santé en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise produit devant la CRCI de Rhône-Alpes que l'accident vasculaire cérébral ischémique survenu au cours de l'opération de radiologie interventionnelle effectuée sur Mme C... au CHU de Grenoble, constitue une complication connue mais rare dans les opérations de traitement des anévrismes intracrâniens. Cet accident médical non fautif a notamment entraîné un déficit fonctionnel permanent chez la victime, évalué à 85 %. D... suite, les critères d'anormalité et de gravité étant remplis, et au demeurant non débattus en cause d'appel, Mme C... a droit, en application des dispositions précitées du code de la santé publique, à la réparation intégrale D... l'ONIAM des préjudices en résultant, au titre de la solidarité nationale.

En ce qui concerne les préjudices :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi devant la CRCI, que Mme C... est atteinte de séquelles graves, correspondant à un déficit fonctionnel permanent évalué à 85 %, et qui prennent la forme d'une hémiplégie droite partielle, entraînant difficultés à la préhension et la mobilité, ainsi que d'atteintes cognitives.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

6. S'agissant des frais divers, aucune des parties ne conteste l'indemnité fixée D... le tribunal administratif de Grenoble à la somme de 2 048,48 euros, correspondant au remboursement de frais, en l'espèce utiles, d'honoraires d'un médecin conseil lors de l'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes pour 1 000 euros, et d'honoraires versés à un ergothérapeute pour des montants de 345,68 euros et 702,80 euros en vue de l'établissement d'un rapport d'expertise.

7. S'agissant des frais de logement adapté et des aides techniques, Mme C... a demandé le remboursement de diverses aides techniques et de frais d'adaptation de son logement, rendus nécessaires D... son handicap, en se fondant en particulier sur le rapport d'expertise d'un ergothérapeute établi à sa demande le 12 juin 2017. Si l'ONIAM oppose le caractère non contradictoire de ce rapport d'expertise privé, ainsi que l'absence de justificatifs d'acquisition des dispositifs visés, ledit rapport, sérieusement circonstancié et qui a été soumis au débat contradictoire dans le cadre contentieux, peut néanmoins servir, au terme de l'instruction, d'élément d'appréciation du préjudice invoqué. L'acquisition du lit médicalisé, du matelas, des barres d'appui, de l'attelle, de l'écharpe, de la planche de bains et du mitigeur est ainsi établie D... ce rapport, lequel justifie en outre de l'utilité de l'achat et du renouvellement des autres dispositifs, non sérieusement contestée D... l'ONIAM, au regard de la nature et de l'importance du handicap subi D... Mme C.... La circonstance que Mme C... soit concomitamment indemnisée des frais d'assistance D... tierce personne, qui relèvent d'un autre chef de préjudice, ne remet pas en cause la réalité des besoins d'adapter son logement et de disposer de certaines aides techniques, ces dépenses constituant un chef de préjudice distinct et dont la matérialité et la justification sont en l'espèce suffisamment établies. La dotation annuelle de 709 euros demandée pour assurer l'acquisition et le renouvellement des divers dispositifs est suffisamment justifiée D... le rapport circonstancié précité, qui dresse la liste des dispositifs déjà acquis et définit très précisément les dispositifs dont l'acquisition serait en l'espèce utile et nécessaire. Du 20 juin 2017, date de consolidation retenue D... les experts devant la CRCI de Rhône-Alpes, au 12 octobre 2022, date du présent arrêt, Mme C... a droit à ce titre à une indemnité de 3 768,38 euros. A compter de la présente décision, un capital de 16 680,64 euros lui sera D... ailleurs octroyé en appliquant un taux de capitalisation de 23,527 correspondant à la table de capitalisation établie en 2022 D... l'ONIAM et à la situation d'une femme de 63 ans, âge de la victime à la date du présent arrêt.

8. S'agissant des frais d'assistance D... tierce personne, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, D... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues D... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié D... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'est pas contesté que Mme C... a eu besoin d'une assistance D... tierce personne non spécialisée, la gravité des séquelles subies justifiant que cette aide soit évaluée à hauteur de trois heures D... jour, tant avant qu'après consolidation. Si l'ONIAM reproche aux premiers juges de s'être fondés sur une attestation sur l'honneur établie D... Mme C... selon laquelle elle ne percevrait pas la prestation compensatrice du handicap, celle-ci produit en cause d'appel une attestation en ce sens de la direction des personnes âgées, personnes handicapées (DPAPH). Si Mme C... demande l'application d'un taux horaire de 23 euros, sur un total annuel de 400 jours, elle n'apporte toutefois aucun justificatif d'un recours à une aide à domicile à ce tarif. Il découle du point précédent qu'il y a donc lieu de retenir un taux équivalent au salaire minimum de croissance augmenté des cotisations patronales dues D... l'employeur et majorées pour les dimanches et jours fériés et tenant compte des congés payés en se fondant sur une année de 412 jours. S'agissant des frais d'assistance D... tierce personne temporaire, soit du 3 mars 2016 au 20 juin 2017, en appliquant un taux horaire de 14 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 22 471,50 euros. S'agissant du même chef de préjudice entre la date de consolidation et celle du présent arrêt, soit du 21 juin 2017 au 12 octobre 2022, en appliquant le même taux horaire de 14 euros, la victime devra se voir octroyer la somme de 91 924,54 euros. S'agissant, enfin, des frais futurs, en retenant un taux journalier porté à 15 euros, sur 412 jours et pour trois heures D... jour, eu égard à l'âge de la victime, et en l'absence d'aides ou de prestations versées à la victime, il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser un capital de 436 190,58 euros, correspondant à l'application du taux précité de capitalisation de 23,527.

9. S'agissant de la perte de gains professionnels, Mme C... expose qu'elle exerçait l'activité d'agent de caisse. Elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement en mai 2016. Elle demande la réparation de la perte de revenus résultant de la différence entre ses anciens revenus salariaux et les revenus de remplacement qu'elle a perçus. Il résulte de ses déclarations de revenus et de ses avis d'imposition qu'elle a perçu 19 141 euros au titre des revenus 2011 déclarés en 2012, 17 014 euros pour ceux de 2012 déclarés en 2013, 16 337 euros pour ceux de 2013 déclarés en 2014 et 13 598 euros pour ceux de 2014 déclarés en 2015. Compte tenu de la dégradation régulière et continue de ses revenus salariaux, elle doit être regardée comme percevant, au moment de l'accident médical, un revenu mensuel de 1 133,17 euros, calculé au vu de ses derniers revenus annuels établis. Elle fait valoir qu'au titre des revenus de 2016 déclarés en 2017, elle a perçu 5 582 euros de salaires et 8 504 euros de pensions, retraites et rentes, soit un montant total de 14 086 euros, couvrant ainsi intégralement ses pertes de revenus. Au titre des revenus de 2017 déclarés en 2018, elle a perçu 56 euros de traitements et salaires et 11 363 euros de pensions, retraites et rentes, soit un montant total de 11 419 euros. Elle établit ainsi, au titre de cette année, une perte de revenus de 2 179 euros. Au titre des revenus de 2018 déclarés en 2019, elle a perçu 11 264 euros de pensions d'invalidité, soit une perte de revenus de 2 334 euros. Au titre des revenus de 2019 déclarés en 2020, elle a perçu la somme de 11 307 euros, soit une perte de revenus de 2 291 euros. Enfin, au titre des revenus de 2020, elle a perçu la somme de 11 386 euros, soit une perte de revenus de 2 212 euros. Elle justifie ainsi d'une perte de revenus totale de 9 016 euros, dont elle est fondée à demander réparation.

10. En revanche, pour le surplus, le tribunal a constaté qu'en dépit de mesures d'instruction spécialement diligentées, la requérante ne lui a pas produit les éléments demandés sur les sommes versées D... des tiers-payeurs, de telle sorte qu'il ne résultait pas de l'instruction que d'autres pertes de revenus soient restées à sa charge. Dans le cadre de la présente instance d'appel, D... courrier en date du 13 juin 2022, la requérante a été à nouveau invitée à indiquer à la cour ses revenus perçus en 2020, 2021 et 2022, en produisant en particulier ses avis d'imposition et déclarations de revenus, et en produisant également son titre de pension de retraite faisant apparaître son montant mensuel, et une attestation sur la perception de l'allocation adulte handicapé. D... courrier en date du 6 septembre 2022, le conseil de la requérante a indiqué qu'il relançait sa cliente pour obtenir les documents utiles demandés, mais ils n'ont pas été produits. Dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme établissant avoir subi un autre préjudice de perte de revenus qui serait resté à sa charge.

11. S'agissant de l'incidence professionnelle, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le principe de l'indemnisation de ce chef de préjudice en estimant que la victime ne serait plus susceptible d'exercer une activité professionnelle. Toutefois, l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle n'est nullement conditionnée à un retour à l'emploi mais peut également découler du préjudice tenant à la renonciation à exercer une activité professionnelle du fait du handicap. Compte tenu, en l'espèce, de l'âge de la victime à la date de consolidation, proche de l'âge de la retraite, ainsi que du type de poste occupé, il sera procédé à une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 5 000 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

12. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise devant la CRCI de Rhône-Alpes, que Mme C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 15 avril 2015 au 2 mars 2016, puis un tel préjudice partiel, à un taux de 85 %, du 3 mars 2016 au 20 juin 2017, date de consolidation. En accordant la somme de 11 600 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas procédé en l'espèce à une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice.

13. S'agissant du déficit fonctionnel permanent, celui-ci a été estimé D... l'expert à un taux de 85 %. Contrairement à ce que soutient la requérante, en octroyant la somme de 232 700 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas inexactement évalué ce chef de préjudice.

14. S'agissant des souffrances endurées, les experts devant la CRCI les ont évaluées à 5,5 sur 7. Le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 17 800 euros.

15. S'agissant du préjudice esthétique, temporaire puis définitif, les experts devant la CRCI l'ont évalué à 4 sur 7, du fait notamment de l'utilisation d'une canne et d'un fauteuil roulant. Le tribunal administratif de Grenoble a pu valablement faire, en l'espèce, une juste appréciation de ces chefs de préjudice, en octroyant à la victime une somme globale de 7 200 euros.

16. S'agissant, enfin, du préjudice sexuel, en accordant la somme de 5 000 euros, le tribunal administratif a justement procédé à l'évaluation de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne la somme versée au titre d'un capital invalidité D... l'Association Générale de Prévoyance Militaire (AGPM) :

17. Aux termes de l'article L. 131-2 du code des assurances : " Dans l'assurance de personnes, l'assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre. / Toutefois, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants droit contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elles sont indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d'attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, les prestations d'assurances des personnes revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire.

18. Il est constant qu'en exécution d'un contrat d'assurance intitulé " contrat de carrière " conclu D... Mme C... le 25 janvier 2016, la compagnie AGPM vie lui a versé la somme totale de 102 287 euros au titre d'un " capital invalidité totale et définitive ". Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la circonstance que le juge du référé provision a fixé le montant purement provisionnel alloué en tenant compte de ce que cette somme pouvait, le cas échéant, être déductible, question qu'il a réservée comme excédant son office, est sans portée utile sur l'évaluation du préjudice faite D... le juge du fond, auquel il appartient de déterminer le montant global définitivement alloué, les montants qui ont pu être déjà effectivement versés à titre provisionnel étant uniquement pris en compte pour déterminer les sommes demeurant le cas échéant à verser en exécution de la décision définitive.

19. Il résulte de l'article 3 du titre I du contrat d'assurance, que l'invalidité totale et définitive (ITD), au sens de ce contrat, vise l'" impossibilité dans laquelle se trouve définitivement l'assuré, du fait d'une maladie ou d'un accident, de se livrer à toute activité génératrice de rémunération ou de profit ". Il est également précisé que " lorsqu'une ITD D... accident est précédée de la reconnaissance d'une incapacité permanente partielle ou totale D... accident (IPPTA), les capitaux des garanties IPPTA sont inclus dans les capitaux ITD accident ". Le même article précise à cet égard que l'IPPTA vise à couvrir " les conséquences d'un accident corporel privant définitivement la personne de tout ou partie de ses capacités physiques ou intellectuelles ". L'article 5 du titre II du même contrat précise D... ailleurs que l'ITD est accordée en fonction d'une décision prise au vu d'un dossier médical, et que l'IPPTA est pour sa part accordée au vu d'un barème de taux d'incapacité qui est celui du droit commun. L'article 7 du même titre précise que les garanties ITD et IPPTA peuvent, comme en l'espèce, être accordées en fonction d'une situation pré-définie standard, correspondant en l'espèce à une situation d'épouse. L'article 10 prévoit que les sommes prévues D... le contrat sont, en cas de décès, versés aux bénéficiaires que l'assureur a désignés. Enfin, l'article 14 précise que les sommes versées sont celles définies D... le contrat. Aucune forme de subrogation n'est stipulée. Ces prestations, qui visent ainsi à couvrir de façon forfaitaire un sinistre, au sens du 1er alinéa de l'article L. 131-2 du code des assurances, et sans lien direct avec son indemnisation effective, doivent dès lors être regardées comme de nature forfaitaire et non indemnitaire. Elles ne peuvent donc être déduites des sommes susceptibles d'être allouées à Mme C....

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le montant total d'indemnisation auquel peut prétendre Mme C... s'élève à la somme de 861 400,12 euros. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, date de réception de sa demande D... l'ONIAM. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 14 mai 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

21. Il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme C... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas porté la condamnation qu'il a prononcée au montant précité de 861 400,12 euros, outre intérêts et capitalisation. L'ONIAM n'est pour sa part pas fondé à soutenir que le tribunal aurait fait une évaluation excessive des préjudices.

Sur les frais du litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est condamné à verser à Mme C... la somme de 861 400,12 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à compter du 14 mai 2020 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date. Ces sommes seront versées sous réserve des montants qui ont été effectivement versés à titre provisionnel.

Article 2 : Le jugement n° 1905619 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La somme de 1 500 euros, à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, à la caisse d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

* M. Pourny, président de chambre,

* M. Stillmunkes, président assesseur,

* Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public D... mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

H. StillmunkesLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

Nos 21LY02612 - 21LY02615 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02612
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : JASPER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-13;21ly02612 ?
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