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13/10/2022 | FRANCE | N°21LY01632

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 octobre 2022, 21LY01632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'université Savoie Mont-Blanc à lui verser les sommes de 67 172,40 et de 25 000 euros au titre des préjudices matériel et moral résultant d'une délibération du 14 octobre 2014 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) l'a déclaré ajourné à cet examen.

Par un jugement n° 1807113 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'univers

ité Savoie Mont-Blanc à verser à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de ses pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'université Savoie Mont-Blanc à lui verser les sommes de 67 172,40 et de 25 000 euros au titre des préjudices matériel et moral résultant d'une délibération du 14 octobre 2014 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) l'a déclaré ajourné à cet examen.

Par un jugement n° 1807113 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'université Savoie Mont-Blanc à verser à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de ses préjudices, à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2021, M. B... A..., représenté par Me Sonko, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1807113 du 25 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner l'université Savoie Mont-Blanc à lui verser la somme de 65 172,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande d'indemnisation, au titre de son préjudice matériel, et celle de 25 000 euros au titre de son préjudice moral, sous astreinte de 250 euros par jour ;

3°) de mettre à la charge de l'université Savoie Mont-Blanc une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a écarté le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les candidats ;

- le tribunal administratif de Grenoble n'a pas procédé à une juste réparation de son préjudice.

Par un mémoire, enregistré le 10 février 2022, l'université Savoie Mont-Blanc, représentée par Me Gaudin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. A... ;

2°) de réformer le jugement n° 1807113 du 25 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... la somme de 2 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que le vice de procédure retenu avait entrainé une perte de chance sérieuse d'être admis au CRFPA ;

- les moyens soulevés par M. A... sont infondés ;

- les préjudices indiqués par M. A... ne sont pas établis ou devront être réduits à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 11 septembre 2003 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été ajourné à l'issue des examens d'admissibilité pour l'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) organisés par l'université Savoie Mont-Blanc selon délibération du jury du 14 octobre 2014. Par jugement n° 1504185 du 5 octobre 2017, non frappé d'appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision. Après avoir vainement adressé une réclamation préalable à l'université le 2 juillet 2018, M. A... a saisi le tribunal administratif de Grenoble de conclusions tendant à la condamnation de l'université à réparer ses préjudices matériel et moral découlant de son ajournement illégal à l'examen d'entrée au CRFPA pour un montant total de 92 172,40 euros. Par jugement n° 1807113 du 25 mars 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'université Savoie Mont-Blanc à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de ses préjudices. Par la voie de l'appel incident, l'université Savoie Mont-Blanc demande à la cour d'annuler ce jugement du 25 mars 2021 et de rejeter la demande indemnitaire de M. A....

Sur la responsabilité et l'existence d'une perte de chance sérieuse :

2. Par jugement n° 1504185 du 5 octobre 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du jury du 14 octobre 2014 en retenant le seul moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 7 de l'arrêté du 11 septembre 2003 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au CRFPA, au motif qu'il n'était pas établi que la copie de M. A... en droit fiscal des affaires ait fait l'objet d'une double correction. Par son jugement attaqué n° 1807113 du 25 mars 2021, le même tribunal a estimé que cette illégalité fautive commise par l'université était à l'origine d'une perte de chance sérieuse pour M. A... d'être admis à l'examen d'accès au CRFPA.

3. Il résulte de l'instruction que, d'une part, M. A... avait obtenu une moyenne aux épreuves d'admissibilité de 9,667 sur 20 alors qu'il devait atteindre la moyenne de 10 sur 20 et que l'obtention d'un seul point supplémentaire à l'une des trois épreuves écrites, et notamment à celle de droit fiscal des affaires, lui aurait permis d'être admissible à cet examen. D'autre part, l'intéressé a été reçu l'année suivante à l'examen d'entrée au CRFPA organisé par l'université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines avec une moyenne de 11,565 sur 20. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Grenoble a jugé à juste titre qu'en raison de l'illégalité fautive commise par l'université Savoie Mont-Blanc, M. A... a été privé d'une chance sérieuse d'être admis au CRFPA.

Sur les préjudices :

4. S'agissant des frais liés au déménagement de M. A... en région parisienne pour suivre le cursus de formation à l'examen d'entrée au CRFPA organisé au sein de l'université Versailles Saint-Quentin en Yvelines, M. A... avait demandé sa réinscription à l'université Savoie Mont-Blanc le 21 octobre 2014, après avoir appris son ajournement décidé par délibération du jury du 14 octobre 2014, puis sollicité le transfert de son dossier à l'université Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Il n'établit pas que sa décision de poursuivre ses études dans une autre université présenterait un lien de causalité direct et certain avec la décision illégale d'ajournement. Par suite, la demande du requérant tendant au remboursement de frais de déménagement, de logement, de déplacement et de restauration doit être rejetée.

5. S'agissant d'une perte de gains professionnels, M. A... soutient que la décision d'ajournement illégale lui a fait perdre un an pour intégrer un cabinet d'avocat à titre de collaborateur ainsi qu'une rémunération en qualité d'avocat stagiaire. Pour le premier point, comme l'oppose l'université Savoie Mont-Blanc, la perte de chance sérieuse d'être admis au CRFPA ne s'étend pas à celle d'obtenir le certificat d'aptitude à la profession d'avocat à l'issue du cursus, dès lors que l'obtention de ce certificat nécessite de valider des stages et de réussir un nouvel examen. Pour le second point, le report d'un an de son entrée au CRFPA n'a fait que reporter également le stage obligatoire en cabinet d'avocat ainsi que les émoluments pouvant en découler. Par suite, la perte de gains professionnels en qualité de collaborateur dans un cabinet d'avocats ne présente pas un caractère suffisamment direct et certain pour ouvrir droit à réparation.

6. S'agissant enfin du préjudice moral, M. A... fait valoir le sentiment d'échec ressenti à la suite de la décision illégale d'ajournement, mais aussi sa crainte de devoir renoncer au métier d'avocat et d'un non-renouvellement de son titre de séjour " étudiant ", qui pourrait être suivi d'un éventuel éloignement. Toutefois, comme il a été indiqué, suite à la décision d'ajournement illégale, M. A... s'est réinscrit à l'institut d'études judiciaires de l'université Savoie Mont-Blanc puis a déménagé en région parisienne pour repasser l'examen d'entrée au CRFPA au sein de l'université Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Par ailleurs, comme l'a relevé le tribunal administratif de Grenoble, M. A... a obtenu le renouvellement de son titre de séjour le 27 mars 2015. Il s'ensuit qu'il pourra être fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A... en raison de la décision d'ajournement illégale en lui allouant la somme de 2 000 euros.

7. Il découle de tout ce qui précède que ni M. A... ni l'université Savoie Mont-Blanc ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'université à verser à M. A... une somme fixée à 2 000 euros.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 s'opposent à ce que l'université Savoie Mont-Blanc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à M. A..., au titre de frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de l'établissement public présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université Savoie Mont-Blanc sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'université Savoie Mont-Blanc.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

H. StillmunkesLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY01632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01632
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Responsabilité et illégalité. - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SONKO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-13;21ly01632 ?
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