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11/10/2022 | FRANCE | N°21LY03967

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 21LY03967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 avril 2020 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2005302 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 27 avril 2020 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 avril 2020 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2005302 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 27 avril 2020 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Rhône de renouveler son titre de séjour dans un délai d'un mois et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans ce même délai en lui délivrant dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'ancienneté de la date de l'avis du collège de médecins ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure au regard de l'aggravation de la situation médicale de la requérante ;

- la décision méconnaît l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par décision du 6 avril 2022, Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les observations de Me Pochard pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., née le 31 janvier 1955 et de nationalité albanaise, est entrée en France en octobre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée le 27 octobre 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 21 mai 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a bénéficié d'un titre de séjour du 29 janvier 2015 au 11 octobre 2017 sur le fondement de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en a sollicité le renouvellement. Par une décision du 27 avril 2020, le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 novembre 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 27 avril 2020 :

2. En premier lieu, Mme B... soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne mentionne ni sa situation familiale et médicale ni la date de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII. Cette décision, qui reprend l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur et mentionne la teneur de l'avis du collège de médecins, produit au dossier, précise les motifs pour lesquels le titre de séjour pour soins est refusé, et est ainsi suffisamment motivée, quand bien même elle ne comporte pas la date de cet avis. Le préfet, qui a également examiné sa situation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reprend la date d'entrée en France, le rejet de sa demande d'asile et les titres de séjour antérieurement délivrés, relève qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie familiale, qui peut se reconstituer dans son pays d'origine où elle a vécu l'essentiel de son existence, avec son fils, qui fait l'objet d'une décision de refus de séjour du même jour. Il en résulte que la décision du 27 avril 2020, alors même qu'elle ne fait pas état de la présence régulière en France de sa fille, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Elle est ainsi suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, le tribunal a précisé la date de l'avis du collège de médecins de l'OFII, en l'espèce le 12 septembre 2018. La circonstance que le Tribunal n'aurait pas expressément répondu à son argument tiré de " l'ancienneté de la date de l'avis du collège de médecins " ne traduit pas une omission à statuer sur un moyen.

4. En troisième lieu, si Mme B... soutient que la décision est entachée d'un vice de procédure compte tenu de l'ancienneté de l'avis de l'OFII et au regard de l'aggravation de sa situation médicale, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évolution de la situation médicale de la requérante au regard de ses pathologies, notamment un diabète et une insuffisance rénale traitée par dialyse à la date de la décision attaquée, aurait été telle qu'elle aurait nécessité un nouvel avis de l'OFII. Le moyen ainsi articulé doit donc être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

6. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 septembre 2018, que le préfet du Rhône s'est approprié après examen du dossier, fait état de la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et de la possibilité pour Mme B... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'intéressée souffre de plusieurs pathologies, et notamment d'une néphropathie diabétique vasculaire et d'hypertension, dans un contexte d'antécédents médicaux et, au vu d'un courrier du 21 avril 2022 adressé par un médecin à son confrère, de lombalgies invalidantes. Elle soutient que son état de santé, qui nécessitait un suivi médical imposant alors des séances de dialyse, s'est aggravé depuis l'avis rendu par l'OFII, ayant été inscrite le 25 novembre 2019 sur la liste d'attente de transplantation rénale. Elle ne fait toutefois pas état de nouvelles pathologies postérieures à l'avis de l'OFII et le préfet a reconnu l'exceptionnelle gravité de son état de santé. Les pièces produites, et notamment les attestations du ministère albanais de la santé de 2020 relatives à l'absence de service en capacité de réaliser une greffe du rein et d'assurer des dialyses à l'hôpital de Tropojë, ou encore ses seules allégations tirées de ce que sa situation socio-économique ne lui permettrait pas de financer tout ou partie des soins nécessaires, ne suffisent pas à établir l'indisponibilité d'un traitement approprié en Albanie et de la possibilité d'en bénéficier effectivement, étant relevé, au demeurant, qu'une transplantation rénale a été faite le 23 novembre 2021 en France, postérieurement à l'arrêté litigieux. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, doit ainsi être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... réside en France depuis le mois d'octobre 2013. Elle fait valoir qu'elle habite dans un logement avec son fils, qui dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis 2020, et qu'elle entretient des relations avec sa fille, bénéficiaire de l'asile, et ses petits-enfants. Elle ajoute qu'elle est veuve, n'a plus de famille en Albanie, où sa vie reste en outre menacée. Toutefois, son fils, entré en France à la même date et avec lequel elle réside, qui a bénéficié d'un titre d'accompagnant de personne malade, s'est également vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par une décision du même jour, et le recours qu'il a introduit a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 novembre 2021 confirmé en appel par une ordonnance de la présente cour du 27 juin 2022. Il résulte du point 6 qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme B... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Elle ne justifie par ailleurs d'aucune insertion particulière dans la société française, en dépit de la durée de son séjour. Elle n'établit pas non plus les risques de traitements inhumains et dégradants allégués en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même qu'elle est veuve et que sa fille ainsi que ses petits-enfants résident régulièrement en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré d'une violation des stipulations précitées doit par suite être écarté. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre la décision du 27 avril 2020, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03967
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-11;21ly03967 ?
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