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29/09/2022 | FRANCE | N°21LY00383

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 septembre 2022, 21LY00383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Agrifood a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie pour la période de janvier 2016 à avril 2017 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901265 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 février 2021, la SA Agrifood, représentée par Me Lagneux, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2020 et de lui a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Agrifood a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie pour la période de janvier 2016 à avril 2017 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901265 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 février 2021, la SA Agrifood, représentée par Me Lagneux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon du 8 décembre 2020 et de lui accorder la décharge sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la remise en cause de l'exonération de TVA pour un montant de 45 396 euros, elle produit des justificatifs visés au d) du 1 de l'article 74 de l'annexe II au code général des impôts justifiant la réalité des exportations effectuées vers la Turquie ;

- elle est fondée à demander l'application du mécanisme de la compensation entre les rappels effectués et le crédit de TVA constaté en septembre 2017 lequel se rapporte à des livraisons de biens réalisées en mars ou avril 2017 et dont le fait générateur et l'exigibilité de la taxe se rattachent à la période vérifiée ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée dès lors qu'elle a délégué la gestion de la TVA à un professionnel et qu'elle ne peut ainsi être regardée comme ayant eu l'intention de se soustraire à ses obligations.

Par un mémoire, enregistré le 13 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'en application de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales, le litige est limité aux chefs de redressement contestés, à l'exclusion de la TVA déductible redressée pour un montant de 6 544 euros et 35 311 euros et des amendes infligées et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 8 février 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 8 avril 2022.

Par un courrier du 17 juin 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal administratif de Lyon a omis de prononcer un non-lieu à statuer à hauteur des sommes de 106 161 euros en base et 5 285 euros de pénalités dégrevées par l'administration par décision du 11 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme de droit suisse Agrifood a pour activité l'achat de marchandises issues de l'industrie animale à des sociétés françaises appartenant au groupe Monnard et à leur revente à des clients opérant sur des marchés nationaux et internationaux. A la suite d'une vérification de comptabilité, cette société s'est vu notifier une proposition de rectification du 5 décembre 2017 portant sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la période de janvier 2016 à avril 2017, assortis des intérêts de retard, de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré et des amendes prévues aux articles 1788 I 1 a) et 1737 II du code général des impôts. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de TVA, en droits et pénalités, ainsi mis à sa charge.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. D'une part, l'appelante ne conteste pas en appel l'irrecevabilité des conclusions de sa demande tendant à la décharge des amendes mises à sa charge sur le fondement des articles 1788 I 1 a) et 1737 II du code général des impôts qui lui a été opposée par le tribunal au point 5 de son jugement.

3. D'autre part, si l'administration fait valoir, à nouveau en appel, que la société Agrifood n'est pas recevable à contester la remise en cause de la TVA déductible en janvier 2017 concernant le fournisseur " SA Doux " d'un montant de 6 454 euros et la taxe déductible concernant son fournisseur Prodia d'un montant de 35 311 euros correspondant à une taxe déduite à deux reprises, il ressort de la réclamation présentée le 10 août 2018 par la SA Agrifood que celle-ci a sollicité la décharge de l'intégralité des sommes mises à sa charge en droits et pénalités à la suite de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 5 décembre 2017 et qu'elle est ainsi recevable, en vertu des dispositions de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, à contester devant le tribunal administratif puis la cour l'intégralité des droits de TVA et des pénalités correspondants auxquels elle a été assujettie incluant la TVA déductible susvisée. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir présentée à ce titre par l'administration.

Sur les conclusions en décharge :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; / 2° les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne, à l'exclusion des biens d'équipement et d'avitaillement des bateaux de plaisance, des avions de tourisme ou de tous autres moyens de transport à usage privé, ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation 5 (...) ".

5. Aux termes de l'article 74 de l'annexe 3 de ce même code : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : (...) c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application (...) d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer : / 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; / 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays ou le territoire de destination finale hors de la Communauté ; (...) / 5° Pour tous les produits autres que ceux soumis à accises et lorsqu'il s'agit d'une livraison effectuée dans les conditions prévues au premier alinéa du 2° du I de l'article 262 du code général des impôts, une déclaration du transporteur ou du transitaire qui a pris en charge les biens, accompagnée de la preuve du paiement des biens par le client établi dans un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer. (...) ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient, à raison des exportations réalisées au profit de clients établis en dehors de la Communauté européenne, est subordonnée à la condition que le contribuable établisse la réalité des opérations d'exportations par la production des pièces justificatives mentionnées ci-dessus.

7. L'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération de TVA appliquée par la requérante aux livraisons facturées, au cours de la période vérifiée, à la société estonienne F-TKO OÜ située à Talinn, sur le fondement des 1° et 2° du I de l'article 262 du code général des impôts, pour un montant de 45 396 euros. En l'espèce, il est constant que la société requérante a émis à destination de ce client plusieurs factures les 23 mai 2016 et 17 juin 2016, pour un montant total de 272 380,81 euros, pour la livraison de protéines animales à la société Catagay située à Izmir en Turquie. Il est également constant que la société requérante n'a pas produit le document prévu au c) du 1° de l'article 74 de l'annexe III précitée. Si elle soutient qu'elle est fondée à apporter des éléments de preuve complémentaires ou alternatifs au sens des 1° à 4° du d) de l'article 74 précité, elle s'est bornée à produire devant l'administration et la cour les bons de transport des produits édités par la société Prodia, son fournisseur, lesquels mentionnent comme destinataire la société Catagay située en Turquie mais également la lettre de voiture nationale afférente, laquelle ne mentionne comme destination que le terminal T2 du port de Lyon 7e et non le destinataire final situé en Turquie. Si elle a également produit le ticket de pesée des marchandises, ce ticket ne comporte aucune mention quant à leur destination. Le certificat sanitaire vétérinaire produit, mentionnant comme destinataire la société Catagay, précise quant à lui que le moyen de transport utilisé est un véhicule routier alors que la marchandise est censée être acheminée en Turquie via le port de Lyon 7ème et donc, ce qui n'est pas contesté, par bateau. Par suite, et faute d'éléments probants concordants produits, la SA Agrifood ne peut être regardée comme apportant l'un des documents prévus au d) du 1 de l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts pour bénéficier de l'exonération de TVA en cas d'exportation en dehors de l'Union européenne. Elle ne peut utilement alléguer à cet égard une carence de son représentant fiscal en France ou des autorités douanières françaises ou turques ni soutenir que les carences de ces derniers constitueraient un cas de force majeure lui permettant de s'exonérer d'apporter les éléments de preuve susmentionnés. Par suite, la société requérante n'établissant pas la réalité des exportations litigieuses, la SA Agrifood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause le régime d'exonération sous lequel elle a placé les opérations d'exportation susvisées.

8. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. "

9. En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la compensation ne peut s'effectuer entre des impositions qui ne sont pas dues par le contribuable et des impositions qui avaient été initialement omises par l'administration que lorsque chacune de ces impositions est relative à la période couverte par un même avis de mise en recouvrement.

10. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à solliciter, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la compensation entre les rappels de TVA mis à sa charge au titre de la période de janvier 2016 à avril 2017 et l'excédent de TVA constaté au titre du mois de septembre 2017, dès lors que ces rappels et cet excédent de TVA ne sont pas relatifs à une période d'imposition couverte par un même avis de mise en recouvrement. La circonstance évoquée par la société Agrifood selon laquelle le fait générateur et l'exigibilité de la TVA ainsi constatée en septembre 2017 serait intervenue en mars ou avril 2017 est sans incidence.

11. En dernier lieu, la SA Agrifood réitère devant la cour le moyen tiré de ce que l'application de la majoration pour manquement délibéré est injustifiée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 11 à 13 de son jugement et qui ne sont pas critiqués par l'appelante.

12. Il résulte de ce qui précède que la SA Agrifood n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SA Agrifood la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Agrifood est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agrifood et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Le Frapper, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

La présidente,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°21LY00383

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00383
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-29;21ly00383 ?
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