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28/07/2022 | FRANCE | N°20LY02586

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 juillet 2022, 20LY02586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par jugement avant-dire droit n° 1800928 du 23 avril 2019, avant de statuer sur la demande présentée par Mme E... H... et M. B... H..., agissant en qualité d'ayants-droit de M. F... H..., tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à indemniser les préjudices consécutifs à la récidive survenue en 2014 d'une infection nosocomiale, le tribunal administratif de Lyon a jugé que cette récidive infectieuse déclenchée le 26 août 2014 était imputable au même germe que celui isolé lors d'une prem

ière infection nosocomiale contractée en 1987, qu'elle était consécutive aux soi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par jugement avant-dire droit n° 1800928 du 23 avril 2019, avant de statuer sur la demande présentée par Mme E... H... et M. B... H..., agissant en qualité d'ayants-droit de M. F... H..., tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à indemniser les préjudices consécutifs à la récidive survenue en 2014 d'une infection nosocomiale, le tribunal administratif de Lyon a jugé que cette récidive infectieuse déclenchée le 26 août 2014 était imputable au même germe que celui isolé lors d'une première infection nosocomiale contractée en 1987, qu'elle était consécutive aux soins reçus lorsque la victime a été prise en charge par les Hospices civils de Lyon et ne résultait pas d'une cause étrangère à l'activité du centre hospitalier, qu'elle présentait donc un caractère nosocomial et engageait la responsabilité des Hospices civils de Lyon à l'égard des ayants-droit de M. F... H... et il a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les préjudices strictement imputables à cette récidive.

Par un jugement n° 1800928 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mme E... H... et M. B... H..., la somme de 4 676,23 euros, a mis à la charge définitive des Hospices civils de Lyon les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 800 euros et rejeté les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2020 et un mémoire enregistré le 23 juillet 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, représentée par Me Philip de Laborie, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1800928 du 3 juillet 2020 en ce que le tribunal administratif de Lyon a déclaré la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or irrecevable en son recours subrogatoire et rejeté ses conclusions présentées dans le cadre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à l'encontre des Hospices civils de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une somme de 18 902,30 euros au titre de l'aggravation intervenue en 2008, la somme de 28 742,57 euros au titre de l'aggravation de 2011 et celle de 38 371,11 euros au titre de l'aggravation de 2014 ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a déclaré irrecevable son recours subrogatoire en estimant qu'elle n'avait pas justifié du mandat de son directeur donné à Mme D... C..., signataire des mémoires de première instance, pour la représenter en justice ;

- celle-ci disposait d'une délégation de pouvoir régularisée le 25 septembre 2017 et versée au dossier de première instance en avril 2019 ;

- son recours subrogatoire était donc recevable ;

- dès lors que par jugement avant-dire droit du 23 avril 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a jugé que les récidives infectieuses étaient imputables au même germe que celui isolé lors de la première infection nosocomiale contractée en 1987, elle est fondée à exercer son recours subrogatoire en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; les aggravations sont conformes aux rapports d'expertises ; par les attestations qu'elle produit, elle atteste de l'imputabilité aux aggravations de l'infection nosocomiale des prestations servies à son assuré social ; il y a lieu de condamner les Hospices civils de Lyon à rembourser les prestations servies pour les rechutes de 2008, 2011 et 2014, rechutes qui ont été prises en charge pour M. H... par la SHAM, assureur des Hospices civils de Lyon, au titre des procès-verbaux de transaction auxquels l'organisme social n'a pas été invité à participer.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2021, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils exposent que :

- aucun des moyens soulevés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or n'est fondé ;

- son mémoire de première instance du 4 avril 2019 n'ayant pas été communiqué, elle ne peut être regardée comme ayant produit, en première instance, la délégation de signature litigieuse ;

- elle n'est pas recevable à la produire, pour la première fois, en appel ;

- son recours subrogatoire n'est pas fondé ;

- seuls les débours présentant un lien de causalité direct et certain avec la faute du centre hospitalier sont susceptibles d'être mis à sa charge ; un centre hospitalier ne saurait être condamné à rembourser à un organisme de sécurité sociale les débours qui auraient en tout état de cause dû être engagés eu égard à l'état initial du patient ;

- M. H... ayant saisi le tribunal administratif de Lyon d'un recours tendant seulement à l'indemnisation de ses préjudices survenus à compter de 2014, seuls sont en débat les frais que la caisse a été amenée à régler à compter de 2014 ;

- les créances relatives aux remboursements des débours exposés en 2008 et 2011 sont prescrites aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

- il ne ressort pas des rapports d'expertises que M. H... aurait été hospitalisé hors la période du 10 au 16 juillet 2008, les frais hospitaliers exposés en dehors de cette période ne sont pas établis et ne peuvent donc être remboursés ; en 2014, les frais hospitaliers exposés à raison de son hospitalisation du 15 au 17 septembre 2014, sont essentiellement en lien avec le cancer des voies urinaires diagnostiqué le 30 septembre 2014, selon le rapport d'expertise, et dont il est décédé, et non avec l'infection nosocomiale dont M. H... a été victime ;

- les soins et traitements médicaux ainsi que les hospitalisations en lien avec ce cancer ne sauraient être mis à la charge du centre hospitalier ; la notification définitive des débours produite par la caisse, non détaillée, ne permet pas de s'assurer qu'il n'est pas sollicité le remboursement des soins en lien avec ce cancer ; la caisse n'établit pas que les débours dont il est demandé le remboursement seraient exclusivement en lien avec l'infection nosocomiale ; il ne saurait par suite être fait droit à ses conclusions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... H... a été victime d'une fracture du fémur gauche en 1975. Une infection par staphylocoque lugdunensis s'est déclarée en 1987, dans les suites des interventions chirurgicales pratiquées pour le traitement de cette fracture. Cette infection a récidivé à de nombreuses reprises et M. H... a bénéficié jusqu'en juillet 2014 de plusieurs indemnisations successives par la voie de protocoles transactionnels conclus avec les Hospices civils de Lyon. Ces derniers ayant refusé d'indemniser les préjudices consécutifs à une infection déclarée le 26 août 2014, Mme E... H... et M. B... H..., agissant en qualité d'ayants-droit de leur père, décédé le 1er mai 2016, ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à réparer les préjudices résultant de cette dernière infection. Par jugement avant-dire droit du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon, après avoir jugé que l'épisode infectieux de 2014 était une récidive de l'infection nosocomiale contractée en 1987, a désigné un expert aux fins d'évaluer les préjudices strictement imputables à cette récidive. Par jugement du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser, à Mme E... H... et M. B... H..., la somme de 4 676,23 euros et a mis à la charge définitive des Hospices civils de Lyon les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 800 euros. Par la présente requête, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or relève appel de ce jugement dont elle demande la réformation en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur la régularité du jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or :

2. Aux termes de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. / (...) Pour l'exécution des recours subrogatoires prévus au présent article, les créances détenues par l'organisme qui a versé les prestations sont cédées définitivement à l'organisme chargé de cette mission en application du 3° de l'article L. 221-3-1 du présent code. ". En outre, aux termes de l'article R. 122-3 du même code : " Le directeur assure le fonctionnement de l'organisme sous le contrôle du conseil d'administration. (...) Il peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme. Il peut donner mandat à des agents de l'organisme en vue d'assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile. (...) ".

3. Les caisses primaires d'assurance maladie qui, aux termes de l'article L. 216-1 du code de la sécurité sociale " sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions du code de la mutualité ", constituent des organismes de droit privé. En vertu de l'article R. 122-3 du code, le directeur d'une caisse primaire d'assurance maladie est chargé d'assurer le fonctionnement de l'organisme sous le contrôle du conseil d'administration. L'article D. 253-6 prévoit qu'il peut déléguer, à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l'organisme. Ni ces dispositions ni aucun principe ne subordonnent l'entrée en vigueur d'une telle délégation de signature à l'accomplissement d'une mesure de publicité, alors même que les actes signés par délégation constituent des actes administratifs.

4. Il ressort de la lecture du jugement attaqué, que pour rejeter comme irrecevables les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, les premiers juges ont fait droit à la fin de non-recevoir opposée en défense par les Hospices civils de Lyon tirée de ce que la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas justifié du mandat donné à Mme D... C..., signataire des mémoires enregistrés en cours d'instance, pour représenter la caisse en justice. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance, qu'en réponse à la demande du greffe du tribunal administratif de Lyon, avant même la mise à disposition du jugement avant dire-droit du 23 avril 2019 imputant la récidive de l'infection nosocomiale contractée lors de la prise en charge de la victime par les Hospices civils de Lyon et jugeant la responsabilité de ces derniers engagée, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or a produit, et joint à son mémoire en date du 4 avril 2019, la délégation de pouvoir valant mandat du 25 septembre 2017 par laquelle M. A... G..., directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, a donné délégation à Mme D... C..., responsable du Pôle régional recours contre tiers, aux fins de représenter les intérêts de la caisse devant toutes les juridictions dans le cadre des recours subrogatoires prévus aux articles L 376-1 et suivants et L. 454-1 et suivants du code de la sécurité sociale et de signer les correspondances, conclusions et mémoires relatifs à l'exercice des recours subrogatoires prévus aux articles L. 376-1 et suivants et L. 454-1 et suivants du code de la sécurité sociale, devant toutes les juridictions. La circonstance que ce mémoire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Lyon le 4 avril 2019, par lequel la caisse primaire d'assurance maladie a justifié du mandat de Mme D... C... n'a pas été communiqué aux autres parties au litige est, au regard des dispositions précitées, sans incidence sur la recevabilité de son recours subrogatoire. Dans ces conditions, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevable le recours subrogatoire dont elle l'a saisi au motif erroné qu'elle n'aurait pas justifié de la compétence du signataire de sa demande, ni de sa qualité de mandataire pour représenter les intérêts de la caisse devant le tribunal administratif de Lyon en agissant au nom et pour le compte de son directeur. Par suite, le jugement en date du 3 juillet 2020, irrégulier sur ce point en tant qu'il a rejeté, comme irrecevables, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, doit être annulé dans cette mesure. Il résulte de ce qui précède que l'article 4 du jugement attaqué doit être annulé.

5. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, à l'encontre des Hospices civils de Lyon, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de cette caisse :

6. La réclamation préalable et la demande initiale de M. H... ne visant que l'indemnisation de la récidive infectieuse intervenue en 2014, les Hospices civils de Lyon sont fondés à opposer l'irrecevabilité des demandes de la caisse primaire d'assurance maladie en tant qu'elles concernent un litige distinct relatif aux dépenses engagées par la caisse pour le compte de son assuré social dans le cadre des récidives infectieuses de 2008 et 2011. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or subrogée dans les droits de la victime est recevable, dans le cadre de la présente instance, à demander par son action subrogatoire à l'encontre des Hospices civils de Lyon, le remboursement des seuls débours afférents à la récidive de 2014 à l'exclusion des dépenses engagées à l'occasion des précédentes récidives dont a été victime M H.... Ses demandes relatives aux débours engagés en 2008 et 2011 sont dans le cadre de la présente instance, irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

En ce qui concerne les exceptions tirées de la prescription :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. ". Ces dispositions, issues de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, applicables aux actions tendant au recouvrement de créances indemnitaires qui, à la date de publication de cette loi, n'étaient pas déjà atteintes par la prescription quadriennale prévue par les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, prévoient que les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage.

8. La caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or demande à la cour de condamner les Hospices civils de Lyon à lui rembourser, dans le cadre de l'action subrogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les dépenses engagées et les prestations servies à la victime à raison des rechutes en 2008, 2011 et 2014 de l'infection nosocomiale contractée en 1987 par M. H... lors de sa prise en charge par le centre hospitalier Edouard Herriot. En défense, les Hospices civils de Lyon opposent aux demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or l'exception de prescription quadriennale prévue par les dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Toutefois, ces dispositions, qui s'appliquent aux créances des personnes publiques " sans préjudice des déchéances particulières prévues par la loi ", ne sont pas applicables au présent litige, dès lors que les créances concernées, nées après l'entrée en vigueur de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, ne pouvaient être prescrites avant l'entrée en vigueur de cet article, qui dispose que le délai de prescription est de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage.

9. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise que M. H... a contracté, suite à une fracture fermée du fémur gauche dont il a été victime en 1975, une infection par staphylocoque lugdunensis lors de sa prise en charge par les Hospices civils de Lyon pour une ostéosynthèse par plaque de cette fracture, que cette infection nosocomiale s'est déclarée en 1987, dans les suites des interventions chirurgicales pratiquées pour le traitement de cette fracture, et a récidivé à de nombreuses reprises, et que l'état de la victime n'a jamais été consolidé. Les complications relatives aux différentes rechutes d'ostéites dont a été victime M. H... de 1993 à juillet 2014 ont fait l'objet de différents protocoles transactionnels, entre le patient et les Hospices civils de Lyon et ces derniers ne contestent pas que la nouvelle aggravation intervenue en août 2014 soit en lien avec l'infection nosocomiale qui s'est déclarée en 1987.

10. A supposer que les Hospices civils de Lyon aient entendu opposer la prescription décennale prévue par les dispositions applicables aux tiers payeurs de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'au cas d'espèce, l'état de M. H... n'était pas consolidé avant son décès, intervenu en cours d'instance, en 2016, des suites d'un cancer. En l'absence de consolidation, aucun délai de prescription n'a donc couru, tant à l'égard de la victime qu'à l'égard du tiers payeur subrogé. Dès lors, l'exception de la prescription décennale opposée à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne le montant des droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or :

11. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) ".

12. La caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or demande à la cour de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le remboursement de ses débours au titre du 8ème épisode correspondant à la récurrence symptomatique de l'infection nosocomiale chronique au long cours dont M. H... a été victime à compter du 26 août 2014. Par l'état des prestations et l'attestation d'imputabilité correspondante, produits par la caisse en première instance, le 7 février 2020, celle-ci revendique une créance au titre de l'aggravation intervenue en 2014 d'un montant total de 38 371,11 euros soit 30 481,00 euros de frais d'hospitalisation du 15 septembre 2014 au 2 octobre 2014, 3 182,24 euros de frais médicaux du 26 août 2014 au 23 janvier 2016 et 4 707,87 euros de frais pharmaceutiques du 9 septembre 2014 au 1er février 2016. En défense les Hospices civils de Lyon contestent l'existence de la créance de la caisse au motif que les frais hospitaliers dont le tiers payeur demande le remboursement seraient essentiellement en lien avec le cancer de M. H..., diagnostiqué le 30 septembre 2014 et dont il est décédé en 2016. Ils exposent que la notification définitive des débours produite par la caisse ne permet pas de s'assurer qu'il n'est pas sollicité le remboursement de soins en lien avec ce cancer. Ils soutiennent qu'en l'absence de toute précision sur les frais médicaux exposés entre le 26 août 2014 et le 23 janvier 2016, ainsi que les frais pharmaceutiques exposés du 9 septembre 2014 au 1er février 2016, dont il est demandé le remboursement eu égard à la maladie cancéreuse dont la victime souffrait parallèlement sur cette même période, la caisse ne justifie pas que les débours, dont il est sollicité le remboursement, soient exclusivement en lien avec l'infection nosocomiale.

13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le jugement avant dire droit du tribunal administratif, que M. H... a été hospitalisé en raison de la récidive infectieuse, entre le 15 et le 17 septembre 2014, pour la résection de la fistule entre l'os infecté et la peau, puis qu'il a été traité à domicile, par une perfusion quotidienne d'antibiotique à prescription uniquement hospitalière en rétrocession par la pharmacie hospitalière jusqu'au 4 novembre 2014, puis par des antibiotiques per os jusqu'à son décès et que, sur cette même période, le patient a bénéficié de soins infirmiers quotidiens. Si le relevé des débours de la caisse mentionne des frais hospitaliers pour la période du 15 septembre au 2 octobre 2014, alors que M. H... n'a été hospitalisé en établissement du 15 septembre au 17 septembre 2014, il résulte de l'instruction que M. H... a fait l'objet d'une hospitalisation à domicile jusqu'au 4 novembre 2014 et que la caisse ne demande le remboursement d'aucun frais hospitalier pour la période du 12 et le 14 octobre 2014 durant laquelle l'intéressé a été hospitalisé pour le traitement d'un cancer sans lien avec l'infection nosocomiale dont il a souffert. Par suite, les conclusions de l'expert étant cohérentes avec le relevé de débours et l'attestation d'imputabilité versés au dossier par la caisse primaire d'assurance maladie, les hospices civils de Lyon ne sont pas fondés à soutenir que les préjudices de la caisse ne sont pas suffisamment établis.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la somme due à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or par les Hospices civils de Lyon s'élève à 38 371,11 euros.

En ce qui concerne l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

15. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre III et aux chapitres 2,3 et 4 du titre IV du livre Ier ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre IV du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale (...) ".

16. En application des dispositions combinées des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion, et compte tenu de ce que la caisse obtient en appel le remboursement de ses débours, il y a lieu de condamner les Hospices civils de Lyon à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à laquelle elle a droit.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon, partie tenue aux dépens, la somme de 1 500 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon verseront à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or une somme de 38 371,11 euros.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or la somme de 1 114 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, aux Hospices civils de Lyon, aux consorts H... et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-Terrade

Le président,

F. Pourny La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 20LY02586


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