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26/07/2022 | FRANCE | N°21LY02014

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 26 juillet 2022, 21LY02014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 20035

38 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2003538 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 8 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003538 du 26 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 6 février 2020 refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'un an mention " vie privée et familiale ", portant obligation de quitter le territoire français, lui octroyant un délai de départ volontaire de 30 jours, et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour opposée à M. A... est entachée d'un vice de procédure tenant aux signatures des médecins du collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- cette décision méconnait l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

- cette décision méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, pour méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour violation de l'article 8 de la convention précitée et pour erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions précédentes et pour méconnaissance de l'article 3 de la convention précitée.

M. A... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale selon décision du 12 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2017-1416 du 26 septembre 2017 relatif à la signature électronique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- et les observations de Me Lulé, substituant Me Robin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 6 février 2020, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... A..., né le 17 septembre 1983 en Algérie, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Par un jugement du 26 mars 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". Ce référentiel est fixé par le décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. Enfin, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ".

3. M. A... soutient que la signature des trois médecins du collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui ont donné leur avis du 13 mars 2019, sur lequel s'est fondé le préfet du Rhône pour rejeter sa demande de certificat de résidence en raison de son état de santé, présenterait un caractère irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, le requérant ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions dès lors que l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis aurait fait l'objet d'un procédé de signature électronique, le requérant ne peut davantage invoquer la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1367 du code civil ou du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que les signatures apposées sur l'avis précité sont constituées par des fac-similés numérisés ne prive l'intéressé d'aucune garantie alors qu'il n'apporte aucun élément tendant à douter de l'identité des médecins signataires de l'avis. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure entachant l'arrêté du 6 février 2020 doit être écarté en toutes ses branches.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ; (...) ". Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

5. Selon avis du collège des médecins de l'OFII du 13 mars 2019, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été pris en charge en France à compter de fin 2017 pour une paraplégie complète liée à une chute survenue en 2008 en Algérie ayant notamment entrainé une cyphose thoracolombaire et une vessie neurologique. En premier lieu, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Lyon, les éléments produits par le requérant, et notamment un courriel du 21 mai 2020, postérieur à la décision attaquée, et dont il est nullement garanti qu'il provienne des laboratoires Roche comme il l'allègue, ne suffisent pas à établir que le médicament Rivotril est indisponible en Algérie alors, au demeurant, que les ordonnances produites ne font pas état d'une prise habituelle de ce médicament qui est remplacé par d'autres benzodiazépines. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... refuse une intervention chirurgicale de nature à atténuer les conséquences douloureuses de sa cyphose thoracolombaire. En deuxième lieu, si le requérant soutient qu'il ne pourra bénéficier d'injections de toxine botulique en Algérie, les quatre attestations produites, dont l'une est illisible, l'autre n'indique pas son auteur, les deux dernières émanant d'un médecin français, ne suffisent pas à établir le bien-fondé de ses allégations alors, au demeurant, que ce traitement d'appoint pour traiter sa vessie neurologique, doit être pratiqué seulement deux fois par an. En troisième lieu, les attestations d'un gérant d'une société de vente de matériel et consommables médicaux affirmant l'indisponibilité en Algérie de sondes urinaires de marque Vapro Plus ne suffit pas à établir la non disponibilité de sondes urinaires en Algérie ; de même les attestations produites ne justifient pas la nécessité pour le requérant de n'utiliser que les sondes urinaires de la marqué précitée alors qu'il est constant qu'il a dû procéder pendant neuf ans à des sondages urinaires en Algérie avant son départ pour la France. En quatrième lieu, la circonstance qu'il ne pourrait pas bénéficier du même suivi spécialisé et pluridisciplinaire, à la supposer établie, n'est pas de nature à remettre en cause la position du collège de l'OFII, reprise à son compte par le préfet du Rhône, selon laquelle il pourrait bénéficier d'un traitement approprié. En cinquième lieu, si le requérant fait valoir qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un tel traitement pour des raisons géographiques et financières, il ressort des pièces produites en défense que l'Algérie dispose des structures nécessaires pour sa prise en charge, notamment sur le plan de la douleur alors qu'il a vécu neuf ans dans son pays d'origine suite à son accident, et que le régime algérien de sécurité sociale prévoit la prise en charge des soins des indigents dans les structures publiques. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France fin 2017 et ne se prévaut d'aucune attache familiale en France alors qu'il n'est pas dénué de liens familiaux en Algérie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Sa participation à une association ne suffit pas à caractériser une intégration dans la société française. Il ne peut utilement faire valoir son état de santé au soutien de son moyen. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour prise par le préfet du Rhône porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention précitée ne peut qu'être écarté.

8. En égard à ce qui précède et au vu des pièces du dossier, il n'est pas établi que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences des décisions portant refus de séjour sur la situation de l'intéressé.

Sur la légalité des autres décisions :

9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " Il découle du point 5 que M. A... peut bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine et peut voyager sans risque vers ce dernier. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code précité à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écartée.

11. Le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. En l'absence d'illégalités entachant tant la décision portant refus de séjour que celle portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être également écarté.

12. Enfin, eu égard à ce qui a été dit au point 5, le moyen fondé sur une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tiré du risque vital découlant de l'absence de traitement approprié de sa pathologie dans son pays d'origine ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 6 février 2020. Ses conclusions à fin d'injonctions sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

Le président - rapporteur,

J.-P. GayrardL'assesseure la plus ancienne,

E. Conesa-Terrade

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY02014 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02014
Date de la décision : 26/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-26;21ly02014 ?
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