Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme A... B... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sinon de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 2008747 - 2008748 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Couderc, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008747 - 2008748 du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sinon de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour dans le même délai ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision portant refus de séjour opposée à M. C... méconnait l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- les décisions portant refus de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, pour méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour violation de l'article 8 de la convention précitée et pour erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des décisions précédentes et, s'agissant de la seconde, pour méconnaissance de l'article 3 de la convention précitée.
M. et Mme C... bénéficient de l'aide juridictionnelle totale selon décision du 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- et les observations de Me Lulé, substituant Me Couderc, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés du 1er septembre 2020, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D... C..., né le 7 juillet 1965 en Algérie, et à Mme A... B... épouse C..., née le 28 avril 1966 en Algérie, et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours en fixant le pays de destination. Par un jugement du 2 avril 2021, dont M. et Mme C... relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ; (...) ". Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
3. Selon avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 juin 2020, si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été pris en charge en France à compter de janvier 2019 pour un carcinome épidermoïde de la langue et de l'oropharynx pour lequel il a d'ores et déjà bénéficié d'un traitement par radiothérapie et chimiothérapie. Si le requérant fait valoir qu'il a été inclus dans un protocole d'essai clinique par immunothérapie, le seul certificat d'un médecin algérien établi le 11 octobre 2020 indiquant la non disponibilité de ce type de traitement au niveau du territoire algérien ne suffit pas à établir l'impossibilité pour l'intéressée de pouvoir bénéficier d'un traitement approprié en Algérie alors, au demeurant, que la participation d'un patient à un essai clinique ne préjuge pas de l'amélioration de son état de santé. Si le requérant soutient également qu'il ne pourra bénéficier d'un suivi suffisant en Algérie, les articles de presse à caractère général qu'il produit ne permettent pas d'établir le bien-fondé de ses allégations. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont entrés en France le 23 décembre 2018 et ne se prévalent d'aucune attache familiale en France alors qu'ils ne sont pas dénués de liens familiaux en Algérie, pays où ils ont vécu l'essentiel de leur existence. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de séjour prises par le préfet du Rhône porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte manifestement disproportionnée au regard des buts qu'elles poursuivent. Par suite, le moyen tiré d'une violation des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention précitée ne peut qu'être écarté.
6. En égard à ce qui précède et au vu des pièces du dossier, il n'est pas établi que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences des décisions portant refus de séjour sur la situation des intéressés.
Sur la légalité des autres décisions :
7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il découle du point 3 que M. C... peut bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine et peut voyager sans risque vers ce dernier. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 511-4 du code précité doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartées.
9. Les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour pour contester la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. En l'absence d'illégalités entachant tant les décisions portant refus de séjour que celles portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination et la décision fixant le délai de départ volontaire doit être également écarté.
10. Enfin, eu égard à ce qui a été dit au point 3, le moyen fondé sur une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tiré du risque vital découlant du traitement de sa pathologie ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Rhône du 1er septembre 2020. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
Le président-rapporteur,
J.-P. GayrardL'assesseure la plus ancienne,
E. Conesa-Terrade
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY02011 2