La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21LY02416

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 30 juin 2022, 21LY02416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination où il pourra être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 2100044 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 19 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Fiumé, demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination où il pourra être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 2100044 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Fiumé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours, sous la même astreinte, en la munissant, durant ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplit les critères justifiant la régularisation de sa situation administrative pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ;

- en refusant de lui délivrer ce certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en violation de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2021, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- et les observations de Me d'Ovidio, représentant le préfet de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 28 novembre 1979, est entré en France le 3 août 2016 muni d'un passeport algérien pourvu d'un visa de court séjour de 30 jours délivré par les autorités consulaires espagnoles à Oran valable du 3 juillet au 2 octobre 2016.

2. Se prévalant de sa relation avec une compatriote, ..., dont il a reconnu en avril 2017 la paternité de ses deux enfants, alors âgées de sept et cinq ans, il a sollicité un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de l'Yonne lui en a refusé la délivrance par un arrêté du 12 février 2018, prescrivant en outre son éloignement, dont la légalité a été reconnue en dernier lieu par arrêt confirmatif de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 janvier 2020. M. A... s'est toutefois maintenu sur le territoire et, par l'arrêté attaqué, en date du 4 décembre 2020, le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a assigné l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.

Sur le refus de régularisation de sa situation au regard du droit au séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)5) au ressortissant alge´rien, qui n'entre pas dans les cate´gories pre´ce´dentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son se´jour porterait a` son droit au respect de sa vie prive´e et familiale une atteinte disproportionne´e au regard des motifs du refus ".

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations ne sauraient être interprétées comme garantissant le droit pour un étranger issu d'un pays tiers de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ni comme comportant pour un Etat l'obligation de respecter le choix pour les couples mariés de leur résidence commune en régularisant leur droit au séjour sur le territoire national.

5. Il est constant que M. A... entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial en application de l'article 4 de l'accord franco-algérien et que son épouse n'a pas engagé de démarche en ce sens. Ainsi, en relevant dans la décision attaquée que M. A... n'entre pas dans les prévisions de l'article 6 paragraphe 5 précité du même accord, le préfet de l'Yonne n'a commis aucune erreur de droit. Le requérant se prévaut de sa situation familiale pour soutenir remplir les critères justifiant la régularisation de sa situation administrative pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en application des stipulations de l'article 6 paragraphe 5 de l'accord franco-algérien. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que le préfet de l'Yonne a, par un premier arrêté du 12 février 2018, refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", prescrivant en outre son éloignement, dont la légalité a été reconnue en dernier lieu par arrêt confirmatif de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 janvier 2020 et que M. A... s'est toutefois maintenu sur le territoire. Ce dernier soutient sans l'établir de manière probante que la communauté de vie avec ..., compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans jusqu'en janvier 2026 remonte à 2017 et est antérieure à leur mariage le 21 décembre 2019. Il se prévaut également de sa reconnaissance de paternité le 6 avril 2017 des deux filles de son épouse, ..., nées respectivement en décembre 2009 et août 2011 et de ce que son épouse a été reconnue handicapée avec un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % le 26 septembre 2019, qu'elle bénéficie de l'allocation adulte handicapée du 1er novembre 2018 au 31 octobre 2020 et qu'il remplit la fonction d'aidant familial pour celle-ci. Il n'est toutefois pas démontré que cette fonction d'assistance à son épouse revêtirait un caractère indispensable. Eu égard au caractère récent de son mariage, à la durée de son séjour en France en situation irrégulière, à l'absence d'exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, à l'absence de preuve d'insertion sociale et professionnelle, à l'absence de ressources pour subvenir aux besoins de sa famille, M. A... ne justifie pas de liens personnels et familiaux suffisamment anciens, intenses et stables en France. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer ce certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", la décision du préfet de l'Yonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement dans un délai de trente jours :

6. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, la mesure d'éloignement n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. Le requérant invoque les stipulations précitées à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en se prévalant de la nécessité d'assurer l'entretien et l'éducation de ses enfants et de l'état de santé de son épouse qui se dégrade l'empêchant de s'occuper de leurs filles et rendant son aide nécessaire. Toutefois, le requérant n'établit pas par la production de pièces probantes assurer l'entretien et l'éducation de ses filles, étant dépourvu de ressources, ni qu'un retour en Algérie, le temps que son épouse engage la procédure de regroupement familial, méconnaîtrait l'intérêt supérieur des intéressées. Le moyen doit, par suite, être écarté.

10. Compte tenu de ce qui précède, il est en vain excipé de l'illégalité du refus de certificat de résidence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours au soutien des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, et en l'absence d'autre moyen visant cette décision, les conclusions tenant à son annulation pour excès de pouvoir doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

E. Conesa-Terrade

Le président,

J-P. GayrardLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02416
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : FIUMÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly02416 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award