La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2022 | FRANCE | N°19LY00750

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 23 mai 2022, 19LY00750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 75 200 euros, en réparation de ses préjudices d'affection et d'accompagnement liés à la vaccination en décembre 2009 de sa fille F... contre le virus de la grippe H1N1, puis Mme F... I..., Mme C... G... épouse I..., M. H... I..., Mme B... I..., Mme A... I... et Mme D... I... on

t demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à répare...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 75 200 euros, en réparation de ses préjudices d'affection et d'accompagnement liés à la vaccination en décembre 2009 de sa fille F... contre le virus de la grippe H1N1, puis Mme F... I..., Mme C... G... épouse I..., M. H... I..., Mme B... I..., Mme A... I... et Mme D... I... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à réparer leurs préjudices et d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1707309 - 1709000 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 28 février 2019, 29 juillet 2019, 13 mai 2020, 12 octobre 2020, 27 octobre 2020 et 5 octobre 2021, les consorts I..., représentés par Me Joseph-Oudin, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1707309 - 1709000 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser les sommes suivantes :

a) Pour Mme F... I... :

au titre des frais d'assistance par tierce personne 328 960 euros ;

au titre des frais d'aide scolaire 205 600 euros ;

au titre du préjudice scolaire, universitaire et de formation 50 000 euros ;

au titre de son déficit fonctionnel temporaire 92 700 euros ;

au titre des souffrances endurées 25 000 euros ;

au titre du préjudice esthétique temporaire 10 000 euros ;

au titre du préjudice d'agrément 10 000 euros ;

b) Pour Mme C... I... :

au titre de frais d'accompagnement et d'hébergement 995,44 euros ;

au titre de frais de déménagement 1 605,77 euros ;

au titre de dépenses de santé 1 785,70 euros ;

au titre de l'incidence professionnelle 5 000 euros ;

au titre du préjudice d'affection 20 000 euros ;

au titre de bouleversements dans les conditions d'existence 15 000 euros ;

c) Pour M. H... I... :

au titre du préjudice d'affection 20 000 euros ;

au titre des bouleversements dans les conditions d'existence 15 000 euros ;

d) Pour Mme B... I...

au titre du préjudice d'affection 10 000 euros ;

au titre des bouleversements dans les conditions d'existence 8 000 euros ;

e) Pour Mme A... I... :

au titre du préjudice d'affection 10 000 euros ;

au titre des bouleversements dans les conditions d'existence 8 000 euros ;

f) Pour Mme D... I... :

au titre du préjudice d'affection 10 000 euros ;

au titre des bouleversements dans les conditions d'existence 8 000 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire-droit une expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les données acquises de la science n'excluent pas l'existence d'un lien de causalité entre le vaccin Panenza et la survenue de narcolepsie avec cataplexie ; il existe au contraire des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes confirmant ce lien de causalité ; le cas de F... I... répond à l'essentiel des critères établissant ce lien de causalité ;

- ils sont en droit d'obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices.

Par des mémoires enregistrés les 11 juin 2019, 16 octobre 2020 et 2 septembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants sont infondés.

Un mémoire, enregistré le 10 novembre 2021, présenté pour la famille I... n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 10 novembre 2021, présenté pour l'ONIAM, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 25 janvier 2022, l'ONIAM a présenté à la cour une demande d'inscription de faux contre six pièces produites par les consorts I... :

Il soutient que les hospices civils de Lyon l'ont informé que l'auteur désigné de cinq pièces produites par les requérants conteste les avoir signées et a porté plainte devant la police et alerté l'ordre des médecins tandis que l'hôpital a fait un signalement auprès du procureur de la République. L'auteur d'une sixième pièce a également contesté l'avoir signée.

Par deux mémoires, enregistrés les 22 novembre 2021 et 28 janvier 2022, les consorts I... ont indiqué ne pas s'opposer à ce que ces pièces soient écartées des débats.

Ils font valoir que les expertises ne se fondaient pas sur ces pièces pour conclure à l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la pathologie et alors que l'ONIAM a reconnu leur droit à réparation le 8 juillet 2015.

Un mémoire, enregistré le 28 février 2022, présenté pour l'ONIAM n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Deux mémoires, enregistrés les 25 et 27 avril 2022, présentés pour l'ONIAM n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Mme I... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale selon décision du 27 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me de Noray, représentant les consorts I... ;

- et les observations de Me Saumon, représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... I..., née le 23 juin 2005, a été vaccinée les 8 et 28 décembre 2009 contre le virus de la grippe aviaire H1N1 au moyen du vaccin Panenza développé par le laboratoire pharmaceutique Sanofi Pasteur. Elle a présenté des signes d'asthénie au cours de l'été 2010 ; une hypersomnie a été diagnostiquée le 14 janvier 2011 avec suspicion de narcolepsie avec cataplexie confirmée le 12 septembre suivant. Le 4 mars 2014, les consorts I... ont saisi l'Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), lequel a désigné un expert, le Dr E..., qui a remis son rapport le 15 septembre suivant. Par lettre du 8 juillet 2015, l'ONIAM a reconnu l'imputabilité de la maladie au vaccin Panenza et fait une proposition d'indemnisation provisionnelle de 180 987,49 euros pour la jeune F..., qui a été acceptée selon courrier du 28 septembre 2015 et versée le 7 octobre suivant. En revanche, par lettre du 8 juillet 2015, l'ONIAM a rejeté la demande d'indemnisation de Mme C... G... épouse I..., mère de la victime. Par lettre du 19 octobre 2017, l'ONIAM a refusé de procéder à l'indemnisation complémentaire annoncée dans sa lettre du 8 juillet 2015.

2. Par requête enregistrée le 6 septembre 2015 sous le n° 1507881, Mme C... I..., mère de F..., a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection et d'accompagnement. Par ordonnance du 27 septembre 2016, la présidente de la 1ère chambre du tribunal a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable. Par arrêt du 9 février 2017, sous le n° 16LY03926, la cour a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Lyon qui l'a enregistrée sous le n° 1707309, Mme C... I... ayant porté ses prétentions au montant de 75 200 euros. Par requête enregistrée le 19 décembre 2017, sous le n° 1709000, Mme F... I..., Mme C... G... épouse I..., sa mère, M. H... I..., son père, Mmes B..., Delya et D... I..., ses sœurs, ont demandé d'annuler la décision du 19 octobre 2017 et d'ordonner une expertise. Par jugement n° 1707309-1709000 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces deux demandes.

3. Par requête enregistrée le 20 février 2019, les consorts I... demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures, d'annuler le jugement précité et de condamner l'ONIAM à verser la somme globale de 722 260 euros pour F..., de 44 386,91 euros pour Mme C... I... , de 35 000 euros pour M. H... I... , et enfin de 18 000 euros chacune pour Mmes B..., Delya et D... I.... En cours d'instance, une nouvelle procédure amiable a débuté le 13 mai 2020 entre les consorts I... et l'ONIAM, avec une nouvelle expertise effectuée par les Drs Gueguen et Treluyer et déposée le 2 mars 2021, et a donné lieu à une décision de rejet d'indemnisation par l'ONIAM le 18 juin 2021. Enfin, par requête du 26 novembre 2021, complétée le 25 janvier 2022, l'ONIAM a fait deux requêtes en inscription de faux.

Sur la requête en inscription de faux :

4. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. "

5. L'ONIAM soutient que les pièces suivantes produites par les consorts I... constitueraient des faux : une demande de prise en charge individuelle du 12 mai 2014, un rapport de consultation du 25 novembre 2014, un rapport de consultation du 5 février 2016, un compte-rendu d'hospitalisation du 29 août 2016, un rapport de consultation du 5 juillet 2017, un certificat médical du 23 décembre 2020 et un compte-rendu d'hospitalisation du 5 décembre 2013. Par mémoires enregistrés les 22 novembre 2021 et 28 janvier 2022, les consorts I... ont déclaré ne pas entendre se servir de ces pièces. Il y a lieu, par suite, d'écarter ces pièces des débats, sans qu'il soit besoin d'attendre une éventuelle décision du juge pénal saisi pour faux et usage de faux afin de statuer sur le présent litige.

6. Si l'ONIAM demande également que soit écartée des débats l'expertise amiable des Drs Guéguen et Treluyer, devant lesquels avaient été produits les pièces listées au point précédent, il ne ressort pas des termes du rapport d'expertise que celui-ci soit fondé sur ces dernières pour établir ses conclusions alors que, comme indiqué au point 1, le diagnostic de narcolepsie avec cataplexie de Mme F... I... a été posé après une polysomnographie effectuée le 18 mai 2011 et confirmé le 12 septembre suivant, puis le 14 mars 2012, soit antérieurement aux pièces médicales litigieuses et que d'autres pièces plus récentes confirment ce diagnostic.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

7. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population (...) ". Aux termes de l'article L. 3131-4 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22. / L'offre d'indemnisation adressée par l'office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, et, plus généralement, des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du même chef de préjudice. / L'acceptation de l'offre d'indemnisation de l'office par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la réparation incombant à l'ONIAM bénéficie à toute victime, c'est-à-dire tant à la personne qui a subi un dommage corporel du fait de l'une de ces mesures qu'à ceux de ses proches qui en subissent directement les conséquences.

8. Par arrêté du 4 novembre 2009, la ministre de la santé et des sports a lancé une campagne de vaccination contre l'épidémie de grippe aviaire issue du virus H1N1 en application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. Il résulte de l'instruction que la jeune F... I... a été vaccinée les 8 et 28 décembre 2009 au moyen du vaccin Panenza développé par la société Sanofi Pasteur alors qu'elle était âgée de quatre ans. Il n'est pas sérieusement contesté que F... a présenté des signes d'asthénie au cours de l'été 2010 et des tests effectués du 18 au 20 mai 2011 ont mis en évidence une hypersomnie centrale faisant suspecter une narcolepsie confirmée le 12 septembre 2011. Par son jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a jugé que le lien de causalité entre la vaccination au Panenza et la narcolepsie n'était pas établi en raison d'une confusion par l'expert désigné par l'ONIAM en 2014 (le Dr E...) entre le type de vaccin injecté (Pandemrix au lieu du Panenza), d'une étude de décembre 2016 du Pr. J..., chef du centre de référence national sur la narcolepsie et l'hypersomnie idiopathique du centre hospitalier universitaire de Montpellier affirmant que " Le lien avec les vaccins autres que le Pandemrix (à savoir le Panenza, vaccin sans adjuvant) dans la genèse de la narcolepsie ne peut à ce jour être retenu " et d'une note de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) du 19 septembre 2013 indiquant seulement 3 cas de narcolepsie sur 1,6 millions de personnes vaccinées par Panenza contre 56 cas de narcolepsie pour 4,1 millions de personnes vaccinées par Pandemrix.

9. Il résulte toutefois de l'instruction qu'en premier lieu, si l'expert désigné en 2014 par l'ONIAM a mentionné à tort le vaccin Pandemrix dans son rapport à une reprise, il mentionne également le vaccin Panenza à deux reprises et, par attestation du 27 février 2019, produite en cause d'appel, il a indiqué que la première mention erronée était une erreur de plume et qu'il avait bien pris en compte le type de vaccin dans ses conclusions alors, au demeurant, que les premières études alors disponibles, notamment l'étude Narcoflu du projet européen Vaesco de 2012, ne faisaient alors aucune distinction entre les divers types de vaccin. En deuxième lieu, par lettre du 14 février 2019, le Pr. J... a souhaité préciser la portée de sa déclaration de décembre 2016 en indiquant que : " Je maintiens l'exactitude de la phrase que j'avais donc écrite en décembre 2016 à savoir : " le lien avec les vaccins autre que le Pandemrix (à savoir le Panenza, vaccin sans adjuvant) dans la genèse de la narcolepsie ne peut à ce jour être retenu ". Toutefois il ne faut pas que cette phrase soit en effet mal interprétée : en effet, en l'état des données des connaissances actuelles (scientifiques, immunologiques, clinique...) en février 2019, il n'y a pas suffisamment d'arguments pour affirmer ou infirmer l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination par le Panenza, ou autre vaccin de la grippe sans adjuvant, et la narcolepsie. Chaque dossier doit donc être examiné au cas par cas pour évaluer l'imputabilité. ". En dernier lieu, comme il sera indiqué plus loin, si les statistiques attestent d'un plus grand nombre de cas de narcolepsie dans la population vaccinée par Pandemrix, il existe néanmoins un nombre significatif de cas de narcolepsie apparus parmi les personnes vaccinées au moyen du produit Panenza. Il découle de ce qui précède que les consorts I... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur les trois motifs sus indiqués pour retenir l'absence de lien de causalité entre la vaccination au Panenza de la jeune F... et la narcolepsie qu'elle a présentée plus tard. Il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens développés par les parties dans le cadre spécifique de responsabilité sans faute de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique appliquée à une campagne de vaccination pour lutter contre un risque d'épidémie.

10. Saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire ou effectuée dans le cadre de mesures prescrites en cas de menace d'épidémie, il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant le juge, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il appartient ensuite au juge, soit, s'il en était ressorti, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.

11. En premier lieu, l'ONIAM ne peut utilement se prévaloir de la notice et du résumé des caractéristiques du vaccin Panenza, qui n'indiquent pas la narcolepsie dans les effets indésirables connus, pour établir l'absence de lien de causalité entre ce produit de santé et la survenue de narcolepsie chez des personnes vaccinées. Si l'ONIAM fait état de seulement douze déclarations de narcolepsie à la suite d'une vaccination par Panenza contre 119 cas faisant suite à une vaccination par Pandemrix au 23 janvier 2019, et d'une incidence d'environ 0,5 pour 100 000 personnes par an, peu différente entre la population générale et la population vaccinée au Panenza, comme l'oppose les requérants, ce raisonnement présente de nombreux biais méthodologiques tenant à la durée d'observation, la campagne de vaccination n'ayant duré qu'environ deux mois, à l'âge des personnes vaccinées, les enfants présentant une moindre prévalence à la narcolepsie, ou au faible nombre de déclarations au regard des cas potentiels.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la littérature médicale produite par les parties ainsi que des deux rapports d'expertise diligentés par l'ONIAM, qu'aucun consensus n'a encore eu lieu parmi la communauté scientifique sur l'absence de lien de causalité entre les cas de narcolepsie déclarés et le vaccin Panenza. Ainsi, dans un premier temps, seul le vaccin Pandemrix a été considéré comme pouvant provoquer la narcolepsie en raison d'un adjuvant, absent dans le vaccin Panenza ; toutefois, un autre vaccin, l'Arepanrix, utilisant le même adjuvant, n'a entrainé aucun risque accru de narcolepsie. Ensuite, a été évoqué le procédé de fabrication du vaccin Pandemrix tenant à une plus grande quantité de nucléoprotéines du virus et à une modification de structure de cette nucléoprotéine mais le vaccin Panenza présente une concentration similaire de nucléoprotéine du virus H1N1. L'état des connaissances à ce jour retient que la narcolepsie est une maladie auto-immune touchant essentiellement une population porteur d'un allèle (HLA DQB1 0602) intervenant dans la sécrétion de l'hypocrétine, neurotransmetteur secrété par l'hypothalamus et impliqué dans la régulation de l'éveil, du métabolisme et de l'excitation, et provoqué par des infections à Influenza ou, dans le cas de vaccination, des antigènes de souche virale, plus précisément une séquence d'ADN encore indéterminée située sur la nucléoprotéine du virus. L'expertise diligentée par l'ONIAM en 2021 (Drs Gueguen et et Treluyer) indique que : " de nombreuses études montrent que c'est l'antigène du vaccin qui est associé à la réponse immunitaire dirigée contre les neurones produisant l'hypocrétine et non l'adjuvant. Or, il a aussi été montré que les deux présentations du vaccin déclenchent quantitativement la même réponse immunitaire, l'augmentation de la quantité d'antigène pour le Panenza comparé au Pandemrix compensant l'absence d'adjuvant ". Enfin, si dans leurs dernières écritures, l'ONIAM évoque une nouvelle hypothèse portant sur les effets de deux excipients du vaccin Pandemrix, l'octoxynol et le polysorbate, et les consorts I..., celle de l'effet du thimérosal compris dans le vaccin Panenza, il s'agit encore de théories n'ayant pas obtenu le consensus de la communauté scientifique. Il s'ensuit qu'en l'état des connaissances scientifiques en débat devant la cour, il ne peut être exclu que le vaccin Panenza puisse provoquer une narcolepsie parmi les personnes vaccinées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de la grippe aviaire de 2009/2010. Au demeurant, comme l'opposent les requérants, l'ONIAM a d'abord reconnu l'existence d'un lien causal en procédant à l'indemnisation des victimes vaccinées par Panenza, comme la jeune F... par protocole transactionnel du 8 juillet 2015 ; si, par orientation du 17 janvier 2017, l'ONIAM a écarté le principe d'indemnisation des personnes vaccinées au Panenza en retenant que les précédentes études avaient établi un lien causal avec le vaccin Pandemrix, par une nouvelle orientation du 24 mars 2019, il a de nouveau accepté d'examiner les demandes concernant des personnes vaccinées par Panenza, comme dans le cas de F....

13. En troisième lieu, l'ONIAM soutient que F... ne présente pas une pathologie en lien avec la vaccination H1N1 dès lors, notamment, qu'elle ne serait pas atteinte d'une narcolepsie de type 1 mais de type 2 en raison de son taux normal d'hypocrétine, alors que seul le premier type a été recensé pour les personnes reconnues malades à la suite d'une vaccination H1N1. Toutefois, comme l'opposent les requérants, la typologie des narcolepsies est déterminée par quatre critères dits de " Brighton " que sont la survenue de cataplexie, l'hypersomnolence diurne, les latences d'endormissement et enfin un taux de concentration du LCR HCRT1 inférieur à 110 pg/ml. D'abord, l'ONIAM se prévaut du compte-rendu d'un neuro-pédiatre du 18 novembre 2010, du compte-rendu de consultation du 14 janvier 2011 et d'une polysomnographie du 18 mai 2011 qui avaient conclu seulement à une hypersomnie centrale ; néanmoins les deux derniers comptes-rendus ont aussi évoqué une suspicion de narcolepsie, laquelle n'a été confirmée que le 12 décembre 2011. L'ONIAM se prévaut ensuite d'un avis médical du Pr. J... du 18 décembre 2017 qui souligne l'absence de déficience en hypocrétine au vu d'une ponction lombaire effectuée le 18 mai 2011 (taux d'orexine relevé de 279 pg/ml supérieur au taux maximal de 110 pg/ml selon le 4° critère de Brighton). Mais, dans cet avis du 18 décembre 2017, le Pr J... conclut seulement que : " L'absence de déficience en hypocrétine est étonnante et atypique dans ce contexte de narcolepsie avec cataplexie cliniquement défini " sans donc remettre en cause le diagnostic initial. En outre, le rapport d'expertise des Drs Gueguen et Treluyer fait état d'un taux de 30 pg/ml dans le liquide céphalo rachidien qui est bien en deçà du taux limite précité, selon le résultat de la ponction lombaire fait le 14 mars 2012. Si le médecin qui suit la jeune F... indique à partir de 2018 un diagnostic d'hypersomnie centrale et non plus de narcolepsie, les autres médecins, et notamment le Pr J..., ont tous qualifié la narcolepsie de F... comme étant du type 1 au vu des nombreux examens pratiqués. Ensuite, l'ONIAM oppose qu'il n'est pas établi que F... serait porteuse de l'allèle incriminée dans la survenue de la maladie auto-immune mais en se fondant seulement sur le passage suivant de l'avis médical précité du Pr. J... : " il semble qu'elle soit HLA DQB1-0602 ". Mais un compte-rendu d'analyses biologiques du 18 mai 2011 indique la présence des molécules HLA DRB1 15.01 et DQA1 01.02 associées à la narcolepsie et complété par la mention " HLA DQB1 06.02 sur résultat ponction lombaire du 14 mars 2012 " ; en outre, un compte-rendu du 18 mai 2011 indique : " La biologie est normale. On note la présence d'un HLA associé à la narcolepsie. ", mention reprise dans diverses autres pièces médicales comme un compte-rendu du 30 août 2011 : " Typage HLA : typage associé à la narcolepsie ". Il découle de tous ses éléments que la jeune F... présente une narcolepsie de type 1.

14. En dernier lieu, comme l'opposent les requérants, un faisceau d'indices suffisamment graves, précis et concordants établissent le lien de causalité entre la vaccination par Panenza et la narcolepie de Mme F... I.... D'une part, il n'est pas sérieusement contesté le court délai d'apparition des symptômes après la vaccination attestée par une ordonnance d'un pédiatre du 27 septembre 2010 indiquant une asthénie inhabituelle et d'un compte-rendu du 14 janvier 2011 évoquant une hypersomnie. Il est constant qu'aucun antécédent familial ou personnel n'a été rapporté alors que toute la famille I... a été vaccinée contre le virus H1N1. Enfin, comme évoqué au point précédent, la jeune F... remplit les quatre critères de Brighton avec une hypersomnie diurne, des épisodes de cataplexie, des latences d'endormissement d'environ 3 à 5 minutes et enfin un taux bas d'hypocrétine.

15. Il découle de tout ce qui précède que la responsabilité de l'ONIAM peut être engagée sur le fondement de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique. Il y a donc lieu d'annuler le jugement n° 1707309-1709000 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon et de condamner l'ONIAM à réparer le préjudice subi par la victime et ses proches.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant de Mme F... I... :

16. S'agissant des frais d'assistance par tierce personne, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

17. D'une part, les consorts I... demandent qu'il soit reconnu un besoin d'assistance classique de cinq heures par jour et un taux horaire de 16 euros par jour (23 euros le dimanche), pour la période du 1er juin 2010 au 3 septembre 2021. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise établis contradictoirement entre l'ONIAM et les requérants, que le besoin d'assistance par tierce personne, assurée par les membres de la famille et concernant l'aide à l'habillage, à la toilette, à la prise de médicaments, au déplacement et aux devoirs scolaires, est de cinq heures par jour en période de vacances scolaires seulement et non toute l'année. En outre, selon protocole transactionnel signé le 28 septembre 2015, les consorts I... ont accepté une indemnité de 134 180,76 euros pour une période allant jusqu'au 22 juin 2018 ; la jeune F... n'a donc droit qu'à une indemnisation courant du 23 juin 2018 au 23 mai 2022, date du présent arrêt, compte non tenu des périodes d'hospitalisation du 12 au 22 novembre 2018 et du 14 au 25 janvier 2019. De plus, en application des principes rappelés au point précédent, il y a lieu de prendre un taux horaire correspondant au salaire minimum de croissance augmenté des cotisations patronales et une durée annuelle de 412 jours pour prendre en compte les dimanches et jours fériés ainsi que les congés annuels. Enfin, suite à une mesure d'instruction du 31 mars 2022, les requérants ont indiqué que Mme I... percevait une allocation journalière de présence parentale (AJPP) pour s'occuper de la jeune F... mais également de sa sœur D..., ainsi qu'une allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Il résulte des dispositions de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale que si l'AEEH est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il en va de même de l'AJPP, prévue à l'article L. 544-1 du même code, au bénéfice de la personne qui assume notamment la charge d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Il suit de là que le montant de ces allocations et de leur complément éventuel peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Il conviendra donc de déduire la part des montants de ces sommes perçues pendant la période du 23 juin 2018 au 23 mai 2022 afférent à la jeune F.... Les consorts I... n'ayant produit qu'une attestation de droits de la caisse d'allocation familiale (CAF) du Rhône d'avril 2019 à mars 2022, ils sont invités à produire devant l'ONIAM une attestation de droits de leur précédente CAF dans l'Ain et une attestation actualisée au 23 mai 2022 de la CAF du Rhône pour procéder à la liquidation exacte de ce chef de préjudice.

18. D'autre part, les consorts I... demandent que soit pris en charge les frais afférents à l'assistance scolaire, comprenant une aide au rattrapage scolaire à domicile et à la stimulation en cours, pour un besoin estimé à deux heures par jour et un coût horaire de 25 euros, pour la même période que celle indiquées au point précédent. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertises précités, que le besoin ne peut concerner que le rattrapage des cours à domicile pendant les seules périodes scolaires dès lors que les consorts I... ont obtenu un projet d'accueil individualisé applicable depuis 2012 et jusqu'en 2022 s'agissant de l'aide à l'école. En outre, comme précédemment, le protocole transactionnel signé le 28 septembre 2015 a indemnisé les frais d'assistance pour les activités scolaires pour un montant de 28 590,73 euros et pour une période allant jusqu'au 22 juin 2018 ; ainsi la période d'indemnisation court du 23 juin 2018 au 23 mai 2022, date du présent arrêt. Enfin, dès lors que le rattrapage scolaire est assuré par la mère et la sœur ainée de la jeune F..., il y a lieu de retenir le coût d'une aide non spécialisée, soit un taux horaire correspondant au salaire minimum de croissance augmenté des cotisations patronales et en retenant une durée annuelle de 412 jours pour prendre en compte les dimanches et jours fériés ainsi que les congés annuels. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en accordant la somme de 23 253 euros.

19. S'agissant du préjudice scolaire, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertises devant l'ONIAM, que la narcolepsie provoque une pénibilité dans le suivi scolaire, comme en attestent de nombreuses attestations produites par les requérants. Toutefois il résulte de l'instruction qu'une part des difficultés de suivi scolaire est liée à des problèmes de dyslexie et de dysorthographie sans lien avec la pathologie, et la jeune F... a pu suivre une scolarité classique jusqu'en troisième puis a intégré un certificat d'aptitude professionnel " carosserie " en lycée professionnel. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 12 000 euros.

20. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction, et notamment du dernier rapport d'expertise, que la jeune F... a connu une période de déficit fonctionnel temporaire total au cours de ses hospitalisations pour une durée de 28 jours, et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75 % le reste du temps en raison, au-delà de la pathologie, de la lourdeur du suivi médical et des effets indésirables du traitement médicamenteux. Si les requérants demandent l'application d'un taux journalier de 30 euros, il sera fait usage du taux habituel de 16 euros. Par protocole transactionnel du 8 juillet 2015, l'ONIAM a déjà indemnisé ce chef de préjudice pour la période allant jusqu'au 24 juillet 2014, pour un montant de 12 016 euros. Il s'ensuit que l'indemnisation ne doit couvrir que la période allant du 25 juillet 2014 au 23 mai 2022 avec un déficit fonctionnel temporaire total de 33 jours correspondant à deux bilans de narcolepsie les 29 et 30 juillet 2014, et du 4 au 8 juillet 2016, une hospitalisation de jour le 22 août 2016, une session d'" éducation thérapeutique " du 26 au 29 mars 2018, une hospitalisation du 12 au 22 novembre 2018 et un séjour dans un service de soins de suite et de réadaptation (SSR) du 14 au 25 janvier 2019. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant au montant de 34 424 euros.

21. S'agissant des souffrances endurées, les seconds experts les ont estimées à 5 sur 7 alors que le premier expert les avait évaluées à 3,5 sur 7, en relevant des manifestations cliniques mal maitrisées, de nombreuses hospitalisations, de l'agressivité et beaucoup de moqueries à l'école, des manifestations d'angoisse et de dépression liées au traitement par Prozac. Toutefois, par protocole transactionnel du 8 juillet 2015, les consorts I... ont accepté l'indemnisation de ce chef de préjudice par l'octroi d'une somme de 4 400 euros et sur la base de l'évaluation du premier expert. Néanmoins, il résulte de l'instruction qu'une aggravation des souffrances endurées, justifiant l'augmentation du taux choisi par les seconds experts, peut être constatées, notamment en termes de souffrance morale comme en attestent divers témoignages. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en octroyant une somme de 8 000 euros.

22. S'agissant du préjudice esthétique temporaire, les seconds experts l'ont évalué à 5 sur 7 tenant à l'obésité sévère de la victime et la survenue de nombreuses cataplexies du visage alors que le premier expert avait retenu un taux de 4 sur 7 mais pour les mêmes manifestations (cataplexies avec chute imprévisible en public et en raison du surpoids). Or, par protocole transactionnel signé le 24 septembre 2015, les consorts I... ont été indemnisés de ce chef de préjudice à hauteur de 1 800 euros. Il s'ensuit qu'en l'absence d'une aggravation de ce préjudice depuis 2015, la jeune F... ne peut obtenir d'indemnisation à ce titre.

23. S'agissant du préjudice d'agrément, la victime fait valoir qu'elle doit être surveillée lors de toute activité sportive et qu'elle a dû arrêter la natation dès 2011, puis le football en 2015 ; elle soutient également que le traitement médicamenteux suivi influe sur sa psyché er rend difficile ses relations sociales. Toutefois, l'état de l'intéressée n'étant pas consolidé à ce jour, il n'est pas possible de procéder à sa liquidation par le présent arrêt.

24. Il découle des points 16 à 23 que, sans qu'il besoin de procéder à une nouvelle expertise, le préjudice de Mme F... I... restant à indemniser à la date du présent arrêt s'établit à la somme de 77 677 euros, outre la somme représentative des frais d'assistance par tierce personne calculée selon les modalités indiquées au point 17.

S'agissant de Mme C... I...

25. En premier lieu, Mme C... I... demande à la cour à être remboursée de ses frais de déplacement exposés pour accompagner sa fille à Lyon ou à Montpellier pour son suivi médical. Au vu des justificatifs de frais de péage, de notes de restaurant et d'un récapitulatif des frais produits, il sera accordée la somme demandée de 995,44 euros.

26. En deuxième lieu, si la requérante soutient qu'elle a exposé des frais de déménagement d'Arbent à Lyon en novembre 2018, l'attestation d'un médecin évoquant l'intérêt d'un rapprochement sur Lyon ne suffit pas à établir l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct et certain entre ce déménagement et l'état de santé de sa fille. Il ne sera donc rien accordé à ce titre.

27. En troisième lieu, Mme C... I... demande à être remboursée de dépenses de santé exposées pour sa fille et restées à sa charge concernant des honoraires de psychologue, d'ergothérapeute ou de diététicien de 2011 à 2018. Au vu des justificatifs fournis et dès lors que les soins et prestations dispensés sont en lien avec la pathologie de F..., il y a lieu de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 1 785,70 euros à ce titre.

28. En quatrième lieu, la requérante soutient qu'en raison de la prise de congés de présence parentale en 2013 puis 2017 pour sa fille F..., son évolution professionnelle a été freinée. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de santé de sa fille ait eu une incidence professionnelle pour sa mère, celle-ci ayant pu continuer à exercer normalement son activité salariée d'animatrice de contrôle qualité au sein d'une entreprise de 2014 à 2018, puis ayant bénéficié d'un congé de présence parentale pour s'occuper de ses filles F... et D....

29. En dernier lieu, Mme C... I... fait valoir que la pathologie de sa fille F... est à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence tenant aux troubles affectant sa fille depuis l'âge de cinq ans, à son anxiété quant à son avenir et à son sentiment de culpabilité de l'avoir fait vacciner. Il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en accordant la somme de 8 000 euros.

30. Il découle des points 25 à 29 que le préjudice personnel de Mme C... I... s'établit à la somme de 10 781,14 euros.

S'agissant de M. I... :

31. M. I... fait également valoir un préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence. Compte tenu de ce qu'il est divorcé depuis 2014 et que Mme I... assure seule la prise en charge de sa fille F..., il sera fait une juste réparation de ces préjudices personnels en lui allouant la somme de 4 000 euros.

S'agissant d'Anissa, Delya et D... I... :

32. Les sœurs de la jeune F... invoquent des relations conflictuelles avec celle-ci liées aux effets de son traitement et à l'accaparement de leur mère, soulignent leur propre investissement pour lui venir en aide, notamment sur le plan scolaire. Leur préjudice moral et les troubles dans leurs conditions d'existence liés à la pathologie de leur sœur seront indemnisés par le versement d'une somme de 2 000 euros chacune.

Sur les frais liés au litige :

33. D'une part, les consorts I..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allèguent pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui a été allouée à Mme I.... D'autre part, l'avocat des consorts I... n'a pas demandé que lui soit versée par l'ONIAM la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707309 - 1709000 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. et Mme I..., en qualité de représentants légaux de leur fille F..., la somme de 77 677 euros, outre la somme représentative des frais d'assistance par tierce personne calculée selon les modalités indiquées au point 17.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser la somme de 10 781,14 euros à Mme C... I..., celle de 4 000 euros à M. I... et celle de 2 000 euros chacune à Mmes B..., Delya et D... I....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... I..., à Mme C... G... épouse I..., à M. H... I..., à Mme B... I..., à Mme A... I... et Mme D... I..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et aux caisses primaires d'assurance maladie de l'Ain et de la Loire.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2022.

Le rapporteur,

J.-P. GayrardLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 19LY00750 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00750
Date de la décision : 23/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : JASPER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-23;19ly00750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award