Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le préfet du Cantal a retiré son autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise sur la commune de.
Par un jugement du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 janvier 2021 et le 5 octobre 2021, M. A... représenté par Me Arsac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 novembre 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui restituer son autorisation d'exploiter ;
3°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision est entachée d'erreur de droit, pour avoir ajouté aux dispositions réglementaires applicables ; le préfet en situation de compétence liée ne pouvait refuser le renouvellement de l'autorisation sollicitée dès lors qu'il remplit les conditions fixées par la réglementation ;
- la décision est entachée d'erreur de fait, en l'absence de cessation d'exploitation de l'autorisation dont il est titulaire, régulièrement exploitée depuis le 16 mai 1994 et jusqu'au 2 octobre 2014, renouvelée par décision du préfet du Cantal du 23 décembre 2014, sur avis favorable du maire de Ruynes-en-Margeride, commune de rattachement, et qui demeure valide en application de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 jusqu'à son terme ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation de sa situation ; la liquidation judiciaire de son entreprise personnelle prononcée en 2009 par jugement du tribunal de commerce d'Aurillac n'a entrainé aucune cessation de l'exercice de son activité, pour laquelle il dispose, à titre personnel, d'une autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise, activité qu'il a poursuivie personnellement sur la même commune de rattachement ;
- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2021, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.
Il expose que :
- le signataire de la décision litigieuse dispose d'une délégation régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Cantal ;
- l'autorité d'exploiter délivrée à l'établissement véhicule de petite remise " a cessé après la liquidation judiciaire de celui-ci, prononcée par jugement du tribunal de commerce d'Aurillac le 1er décembre 2009 ;
- l'autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise est personnelle, intransmissible et incessible, et est attachée à la commune d'exploitation du véhicule ; l'abrogation des dispositions relatives à ce régime par la loi du 1er octobre 2014 empêche toute nouvelle délivrance d'une autorisation d'exploiter, seules les autorisations régulièrement exploitées au 2 octobre 2014 demeurant valides jusqu'à leur terme ; postérieurement à la liquidation judiciaire de son établissement, M. A... n'établit pas la validité, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables à compter du 2 octobre 2014, de l'autorisation d'exploiter sur la commune de Ruynes-en-Margeride un véhicule de petite remise ;
- l'exploitation d'une activité de taxi sur une autre commune est sans incidence sur la bien-fondé de la décision attaquée ;
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des transports ;
- l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 ;
- la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 ;
- la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 relative à l'exploitation des voitures dites de petite remise, notamment ses articles 2 et 3 ;
- le décret n° 77-1308 du 29 novembre 1977 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 avril 2022 :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, rapporteure,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Arsac, représentant M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Par lettre du 6 décembre 2017, M. A..., exploitant d'un véhicule de petite remise sur la commune de Ruynes-en-Margeride et titulaire d'une autorisation d'exploiter un tel véhicule délivrée par le préfet du Cantal, le 16 mai 1994, sur le fondement des dispositions de la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 et du décret du 29 novembre 1977, a signalé auprès de l'autorité administrative compétente le changement du véhicule affecté à cette activité, afin qu'il soit procédé à la mise à jour de sa carte d'autorisation d'exploiter ce véhicule. Par décision du 19 décembre 2017, le préfet du Cantal, assimilant la mise en liquidation judiciaire de l'établissement le 1er décembre 2009 à une cessation de l'exploitation du véhicule de petite remise et se fondant sur les dispositions, d'une part, de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 abrogeant les dispositions de la loi du 3 janvier 1977 empêchant toute nouvelle autorisation à compter de son entrée en vigueur et, d'autre part, de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 en vertu desquelles toute autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise délivrée antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2010 cesse définitivement d'être valide dès l'arrêt de l'activité du titulaire, a rejeté la demande regardée comme une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter une petite remise sur la commune de Ruynes-en-Margeride. Ce refus valait rejet de la demande de M. A... de mise à jour de son autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise. Le préfet du Cantal a également enjoint à l'intéressé de restituer aux forces de l'ordre sa carte d'autorisation. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 décembre 2017 du préfet du Cantal.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 relative à l'exploitation des voitures dites de " petite remise ", alors en vigueur : " Les propriétaires de voitures de petite remise régulièrement déclarées et effectivement exploitées à la date de publication de la présente loi pourront, à titre intransmissible et incessible, continuer leur exploitation, (...) ".
3. Aux termes de l'article 6 du décret n° 77-1308 du 29 novembre 1977 portant application de la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 relative à l'exploitation des voitures dites de " petite remise " : " La personne qui sollicite une autorisation d'exploiter une ou plusieurs voiture de petite remise doit répondre aux conditions suivantes:/ Etre titulaire du permis de conduire de la catégorie B depuis plus d'un an ;/ N'avoir encouru aucune condamnation à une peine d'emprisonnement pour des infractions au code de la route ;/ Savoir lire et écrire le français ;/ N'avoir pas fait l'objet d'une mesure d'annulation ou de suspension du permis de conduire pour une durée supérieure à six mois ;/ Avoir satisfait depuis moins de trois mois à la visite médicale réglementaire prévue par l'article R. 127 du code de la route ;/ N'avoir pas fait précédemment l'objet à titre de sanction du retrait définitif d'une autorisation d'exploitant " Taxi " ou d'un certificat de capacité à la conduite des taxis ;/ N'avoir pas fait l'objet d'une suspension provisoire d'autorisation d'exploitation de voiture de petite remise ;/ Les mêmes conditions que celles prévues ci-dessus s'imposent également à tout conducteur de voiture de petite remise. ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'exploiter une voiture de petite remise qui a fait l'objet d'un avis favorable du maire ou de l'autorité investie du pouvoir de police ne peut être refusée par le préfet que si la personne qui sollicite l'autorisation ne remplit pas l'une des conditions énumérées à l'article 6 du décret du 29 novembre 1977.
4. Il est constant que M. A... bénéficiait d'une autorisation d'exploiter sur la commune de Ruynes-en-Margeride un véhicule de petite remise dont il était propriétaire, délivrée le 16 mai 1994 par le préfet du Cantal. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que cette autorisation a été renouvelée par le préfet du Cantal à chaque déclaration de changement de véhicule de petite remise affecté à son activité par M. A... et, en dernier lieu, le 23 décembre 2014, soit postérieurement au 2 octobre 2014, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur abrogeant les dispositions relatives aux voitures de petite remise et empêchant la délivrance de toute nouvelle autorisation. Il n'est pas contesté qu'à la date de la décision litigieuse, M. A... remplissait les conditions énumérées à l'article 6 précité du décret du 29 novembre 1977. Le préfet du Cantal ne pouvait dès lors refuser de renouveler son autorisation d'exploiter le nouveau véhicule de petite remise affecté à son activité. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la liquidation judiciaire de l'établissement " Pierre-Jean A... " prononcée par jugement du tribunal de commerce d'Aurillac le 1er décembre 2009 aurait entrainé la cessation de l'exploitation par M. A... sur la commune de Ruynes-en-Margeride du véhicule de petite remise dont il était propriétaire pour lequel il était personnellement titulaire de l'autorisation d'exploitation. Le renouvellement par l'autorité administrative compétente de l'autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise régulièrement déclaré aux fins d'une exploitation effective par le propriétaire M. A..., en dernier lieu le 23 décembre 2014, atteste d'une exploitation continue non sérieusement contestée en défense.
5. En outre, le préfet du Cantal ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées de l'article 3 de loi du 3 janvier 1977 relative à l'exploitation des voitures dites de petite remise, qui bien que n'ayant pas été abrogées par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, ne s'appliquent qu'aux propriétaires de voiture de petite remise régulièrement déclarées et effectivement exploitées à la date de publication de cette loi, alors qu'il est constant que l'autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise a été délivrée à M. A... postérieurement le 16 mai 1994. Aucune disposition légale ou réglementaire ne permettait au préfet du Cantal de refuser à M. A..., propriétaire d'un véhicule de petite remise régulièrement déclaré, le renouvellement de l'autorisation dont il est titulaire d'exploiter effectivement celui-ci. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'illégalité justifiant son annulation.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 décembre 2017 du préfet du Cantal portant retrait de son autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise sur Ruynes-en-Margeride.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler cette décision et d'enjoindre au préfet du Cantal de restituer à M. A... son autorisation d'exploiter.
Sur les frais d'instance :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La décision du préfet du Cantal du 19 décembre 2017 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Cantal de restituer la carte professionnelle de M. A... après mise à jour de l'autorisation d'exploiter un véhicule de petite remise sur Ruynes-sur-Margeride.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros an application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au préfet du Cantal. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président-assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2022.
Le rapporteur,
E. Conesa-TerradeLe président,
F. Pourny
Le greffier,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00026