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19/04/2022 | FRANCE | N°21LY01072

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 19 avril 2022, 21LY01072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire du 28 mai 2019 portant rejet du recours administratif qu'il avait présenté à l'encontre de la décision du 16 avril 2019 lui refusant l'accès aux centres nucléaires de production d'électricité (CNPE) de la société EDF.

Par un jugement n° 1902044 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire du 28 mai 2019 portant rejet du recours administratif qu'il avait présenté à l'encontre de la décision du 16 avril 2019 lui refusant l'accès aux centres nucléaires de production d'électricité (CNPE) de la société EDF.

Par un jugement n° 1902044 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 6 avril 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er juillet 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902044 du 4 février 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter les demandes de M. A....

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de motivation ;

- le moyen retenu par les premiers juges est infondé, la décision litigieuse n'étant pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est employé de la société qui a sollicité le 11 février 2019 une autorisation d'accès au centre nucléaire de production d'électricité de Chinon. Il s'est vu opposer un refus de la part de l'opérateur de la centrale, la société EDF, après avis défavorable du préfet d'Indre-et-Loire du 4 avril 2019. Suite à son recours administratif exercé le 6 mai 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a confirmé cette décision le 28 mai suivant. Par jugement du 4 février 2021, dont la ministre de la transition écologique relève appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la ministre de la transition écologique, le jugement du tribunal administratif de Dijon ne se borne pas à faire état des énonciations des parties. Il comporte l'exposé des motifs sur lesquels son dispositif est fondé. Il est ainsi suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, en application des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense, les centres nucléaires de production d'électricité constituent des installations d'importance vitale, c'est-à-dire des établissements dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation. Les articles L. 1332-2-1 et R. 1332-22-1 du même code prévoient que l'opérateur d'un de ces établissements doit expressément en autoriser l'accès aux personnes physiques ou morales appelées à y intervenir, après avis du préfet compétent faisant suite à une enquête administrative destinée à vérifier, notamment par la consultation de traitements automatisés de données personnelles que les caractéristiques de ces personnes ne sont pas incompatibles avec un tel accès. L'article R. 1332-33 du code précité institue un recours administratif préalable obligatoire devant le ministre coordonnateur du secteur d'activités concerné, en l'espèce le ministre de la transition écologique et solidaire en charge de l'énergie, et dispose que le silence gardé pendant deux mois vaut décision implicite de rejet.

4. D'autre part, en application de l'article L. 2312-4 du code de la défense, une juridiction française peut demander, dans le cadre d'une procédure engagée devant elle, la déclassification et la communication d'informations protégées au titre du secret de la défense nationale à l'autorité administrative en charge de la classification, laquelle doit saisir sans délai la commission consultative du secret de la défense nationale. En outre, il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige. A ce titre, dans l'hypothèse où l'autorité administrative en charge de la déclassification estimerait que la classification et le refus de communication de tout ou partie des rapports seraient justifiés par le secret de la défense nationale, elle devrait néanmoins apporter tous éléments d'information sur les raisons de l'exclusion des documents en cause, dans des formes préservant le secret de la défense nationale, de façon à permettre au juge de se prononcer en connaissance de cause sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que le refus d'accès de M. A... à la centrale nucléaire de Chinon est motivé par sa proximité avec la mouvance de l'islam radical et d'individus connus pour des faits de droit commun liés à l'économie souterraine mais également en raison d'une fragilité liée à des dettes. La ministre de la transition écologique se prévaut d'une fiche élaborée par le commandement spécialisé pour la sureté nucléaire (Cossen) qui a été chargé de l'enquête administrative préalable à l'avis défavorable du préfet d'Indre-et-Loire, et par une " note blanche " se bornant à réitérer les reproches vus ci-dessus.

6. D'une part, les allégations de la ministre de la transition écologique ainsi que les documents produits indiquant une proximité de M. A... avec l'islam radical ou sa fréquentation d'individus impliqués dans des faits de droit commun liés à l'économie souterraine, formellement contestées par l'intéressé, ne s'appuient sur aucun élément suffisamment circonstancié. Seule l'existence d'une dette de faible montant est établie mais ne saurait suffire à caractériser une incompatibilité avec l'accès envisagé. D'autre part, il n'est justifié d'aucune saisine de la commission consultative du secret de la défense nationale en application de l'article L. 2312-4 du code de la défense alors que la ministre indique elle-même que les informations concernant les individus dont la fréquentation est reprochée à M. A... sont contenues dans une note du 1er avril 2021 classée " confidentiel défense " rédigée par le service du haut fonctionnaire de défense et de sécurité de son ministère, au demeurant postérieure à la décision attaquée. Enfin, la ministre n'a pas déféré à l'injonction des premiers juges d'apporter tous éléments d'information de nature à leur permettre de se prononcer en connaissance de cause sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant apporté le moindre commencement de preuve quant à ses allégations sur une proximité de M. A... avec l'islam radical ainsi qu'avec des personnes connues pour des faits de droit commun liés à l'économie souterraine. Il s'ensuit qu'en refusant l'accès à la centrale nucléaire de Chinon, le ministre de la transition écologique et solidaire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, la ministre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 28 mai 2019 portant refus d'accès au centre nucléaire précité opposée à M. A....

7. Il découle de tout ce qui précède que la requête de la ministre de la transition écologique doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et à M. A....

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

Le rapporteur,

J.-P. GayrardLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY01072 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01072
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-19;21ly01072 ?
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