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31/03/2022 | FRANCE | N°20LY02010

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 31 mars 2022, 20LY02010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Lyon, qui a transféré la demande au tribunal administratif de Lyon en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, d'annuler la décision du 15 juin 2018, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1908932 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Lyon, qui a transféré la demande au tribunal administratif de Lyon en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, d'annuler la décision du 15 juin 2018, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1908932 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, et un mémoire, enregistré le 29 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Loncke, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 mai 2020 ;

2°) de faire droit à sa demande de pension au titre d'une infirmité affectant sa cheville gauche, au taux de 20 % ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins de déterminer les séquelles pour son genou droit d'un accident de service survenu le 16 mars 2011 et l'infirmité affectant sa cheville gauche résultant de trois entorses successives en service ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par son conseil à la part participative de l'État à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- il établit avoir été victime de trois entorses à la cheville gauche, les 28 juin 2010, 29 septembre 2011 et 7 janvier 2012 constituant chacune un accident de service ;

- il établit avoir été victime d'un accident de ski en service le 16 mars 2011 dont il a conservé des séquelles traumatiques au genou droit malgré des interventions chirurgicales ;

- l'ensemble a conduit à sa réforme ;

- les conséquences de ses infirmités font obstacle à l'exercice de la profession dans laquelle il s'est reconverti ;

- il est fondé à demander une expertise médicale à fin de déterminer l'infirmité qui affecte son genou droit ;

- le taux d'invalidité de l'infirmité dont il reste atteint à la cheville gauche et au titre de laquelle il a demandé une pension doit, le cas échéant par expertise médicale, être fixé à 20 %, en tous cas est supérieur au taux minimal de 10 % ; l'administration et le tribunal ont omis de prendre en compte l'ankylose globale relevée par l'expert pour la détermination de ce taux ;

- il justifie d'une aggravation de son infirmité en 2018 par l'évolution de l'ankylose et l'apparition d'une prosupination, limitant la station debout prolongée et le port de charges lourdes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- il appartiendrait, le cas échéant, à M. B... d'établir le lien entre l'infirmité alléguée et le service, si le taux d'invalidité retenu était supérieur à 10 % ;

- la demande de pension n'a été présentée qu'au titre des séquelles d'entorses de la cheville et non de lésions du genou droit ; la demande d'expertise portant sur ces dernières ne peut dès lors qu'être rejetée comme étrangère au litige ;

- le taux de l'infirmité affectant la cheville gauche de M. B... est, selon le guide barème d'évaluation, inférieur à 10 % et par suite insusceptible d'ouvrir droit au versement d'une pension en application de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; l'ankylose globale relevée ne constitue pas l'ankylose complète de la nomenclature du guide barème.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Loncke, pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1 M. A... B..., engagé volontaire dans l'armée de terre le, a été rayé des contrôles le au grade de par voie de réforme avec retraite anticipée à jouissance immédiate pour inaptitude définitive. Il a sollicité le 19 juillet 2016 une pension pour des séquelles d'entorses à la cheville gauche qu'il attribue à trois accidents successifs survenus lors du service les 28 juin 2010, 29 septembre 2011 et 7 janvier 2012. Par une décision du 15 juin 2018, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. B... fait appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon, à qui le litige a été transféré par le tribunal des pensions de Lyon en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté son recours contre ce refus.

Sur l'étendue du litige :

2 Il est constant que la demande de pension militaire d'invalidité de M. B..., rejetée par la décision du 15 juin 2018 en litige, a été présentée le 19 juillet 2016 au titre exclusif de séquelles d'entorses de la cheville gauche. Dès lors, M. B... ne peut utilement, d'une part, faire état des lésions qui affecteraient son genou droit à la suite d'un événement survenu en service le 16 mars 2011, d'autre part, et en tout état de cause, demander dans le cadre du présent litige que soit ordonnée une expertise aux fins de déterminer l'infirmité affectant ce dernier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3 Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui reprend les dispositions de l'ancien article L. 6 de ce même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande (...). "

4 En vertu de ces dispositions, le degré d'invalidité s'apprécie à la date de la demande, sans qu'il puisse être tenu compte d'aggravations survenues après cette date et sans qu'il y ait à rechercher si l'aggravation des infirmités postérieurement à la date de la demande de pension présente un lien avec le service.

5 Il suit de là, en premier lieu, que M. B... ne peut utilement faire état, à l'appui de son recours contre la décision en litige par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension présentée le 19 juillet 2016, des constatations médicales effectuées en 2018 dans les suites de l'intervention chirurgicale qu'il a subie en 2013 et qui, au surplus, portent pour partie sur des éléments médicaux relatifs à l'état à cette même date de son genou droit, étrangers au litige.

6 En second lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de M. B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service (...). " Toutefois, aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % (...) ". L'article L. 9 de ce code renvoie à un décret le soin de fixer " les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général ". Aux termes de l'article L. 26 de ce code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ".

7 Il résulte de ces dispositions que, pour estimer si les infirmités invoquées par le demandeur d'une pension militaire d'invalidité sont de nature à justifier un taux d'invalidité permettant d'atteindre le seuil minimum prévu par les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les recommandations du guide-barème n'étant pas impératives hors le cas des amputations et exérèses d'organe, il y a lieu de rechercher la gêne fonctionnelle subie par l'intéressé en raison de l'infirmité qu'il fait valoir à la date de sa demande.

8 M. B... fait valoir, sans être sérieusement contredit par l'administration, qu'après la ligamentoplastie externe qu'il a subie le 18 décembre 2013 à la cheville gauche, et un nouveau traumatisme en juin 2016, dont le traitement par kinésithérapie a été décevant, il conserve un déficit de flexion dorsale de 20° assorti d'une ankylose globale de l'articulation.

9 Il ressort de l'expertise pratiquée le 12 février 2018 par le médecin de l'administration que, si la flexion plantaire de la cheville gauche de M. B... était réduite de 50 % par comparaison avec sa cheville droite pour atteindre 20°, cette valeur restait supérieure au seuil de 15° de référence pour la fonctionnalité normale de cette articulation à la marche, tandis que la flexion dorsale des deux chevilles était identique et dans une valeur normale. Cette même expertise a relevé une supination de la cheville gauche de 10°, rendant la fonctionnalité de celle-ci inférieure de moitié à la cheville droite. En revanche, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... serait affecté, comme il l'allègue, d'une ankylose de la cheville, le terme d'ankylose " globale ", et non totale, mentionné dans le rapport d'expertise devant s'entendre dans le contexte de la description objective de l'état de l'intéressé comme la raideur de l'articulation mesurée cliniquement par les valeurs des rotations. Dans ces conditions, et sans que la motivation de la décision en litige non plus que les écritures contentieuses ne révèlent que la ministre des armées se serait, à tort, estimée liée par les recommandations du guide-barème, c'est sans erreur d'appréciation qu'elle a estimé à un taux inférieur à 10 % la gêne fonctionnelle résultant de l'infirmité affectant la cheville gauche de M. B... et, par application des dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicable à l'espèce, a opposé à sa demande de pension le seuil de taux minimal qu'elles fixent pour rejeter cette dernière, sans qu'il y ait eu lieu d'examiner l'imputabilité de cette infirmité au service.

10 Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il suit de là que, sans qu'il y ait lieu de faire droit au surplus de sa demande d'expertise, sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.

Le président, rapporteur,

D. Josserand-Jaillet

Le président assesseur,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 20LY02010 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02010
Date de la décision : 31/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-01-02-03-01 Pensions. - Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. - Conditions d'octroi d'une pension. - Imputabilité. - Lien de causalité médicale.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LONCKE CÉCILE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-03-31;20ly02010 ?
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