Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 27 février 2019 A... laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de son fils.
A... un jugement n° 1902971 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
A... une requête enregistrée le 9 avril 2021 et un mémoire enregistré le 30 août 2021, M. B..., représenté A... Me Gerin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cette décision ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de faire droit à sa demande de regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros A... jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a entaché sa décision d'un vice de procédure en recueillant l'avis du maire de sa commune avant de rejeter sa demande de regroupement familial, alors qu'un tel avis n'est pas requis s'agissant des ressortissants algériens ;
- le préfet s'est à tort estimé lié A... la condition tenant au caractère stable et suffisant de ses ressources pour refuser de faire droit à sa demande de regroupement familial ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en ce qu'il dispose de ressources stables et suffisantes ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 9 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans, a déposé une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse et de son fils alors mineur, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 2 février 2016. Il relève appel du jugement du 11 février 2021 A... lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 27 février 2019 refusant de faire droit à sa demande de regroupement familial.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que ceux qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial A... l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1- Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; 2- Le demandeur ne dispose ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée A... l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources A... le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. Le maire, saisi A... l'autorité administrative, peut émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l'article L. 411-5. Cet avis est réputé rendu à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier A... l'autorité administrative ".
3. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a, toutefois, pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. La portée des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien est équivalente à celle des dispositions, alors en vigueur, des articles L. 411-1 à L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'autorisation de regroupement familial, et notamment à celle de l'article L. 411-5 de ce code, qui énumère les motifs de refus d'une demande d'autorisation de regroupement familial. A... suite, les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que le préfet doit consulter le maire de la commune de résidence du demandeur du regroupement familial sur les conditions de ressources et de logement de ce dernier avant de rejeter une demande de regroupement familial, motif pris de l'insuffisance de ressources ou de logement du demandeur, peuvent être appliquées au ressortissant algérien demandeur d'une autorisation de regroupement familial. Dès lors, en recueillant l'avis du maire de la commune de résidence de M. B..., le préfet de l'Isère n'a, en tout état de cause, pas entaché sa décision d'un vice de procédure.
5. En deuxième lieu, il résulte des stipulations citées au point 2 que le préfet peut rejeter une demande de regroupement familial au motif que le demandeur ne justifie pas disposer de ressources stables et suffisantes, sans toutefois être tenu de le faire. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet de l'Isère se serait cru lié A... le caractère insuffisant et l'absence de stabilité de ses ressources pour rejeter sa demande. Au contraire, le préfet s'est notamment livré à un examen de la situation de l'intéressé au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A... suite, ce moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort de la décision contestée que, pour refuser à M. B... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son fils, le préfet de l'Isère a estimé, d'une part, que les revenus de M. B... sur la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande étaient inférieurs au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée de 1 140 euros nets A... mois et, d'autre part, que les ressources de l'intéressé provenaient de contrats de travail à temps partiel à hauteur de 99,71 euros A... mois et, pour l'essentiel, de versements A... Pôle emploi d'aides au retour à l'emploi, et ne présentaient pas une stabilité suffisante. Si, ainsi que le fait valoir M. B..., les revenus issus de l'allocation d'aide au retour à l'emploi devaient, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, être pris en compte pour évaluer le caractère suffisant de ses ressources, en revanche, de tels revenus ne présentent, A... principe, aucune garantie de stabilité. M. B... ne soutient pas que, postérieurement à la période de référence, ses revenus auraient présenté davantage de stabilité. Il suit de là, qu'à la date de la décision attaquée, M. B... ne justifie pas de ressources stables pour subvenir aux besoins de sa famille. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif tiré de l'absence de stabilité des ressources. Dans ces conditions, le préfet a pu estimer légalement et sans commettre d'erreur de fait, pour refuser le regroupement familial sollicité en faveur de l'épouse et du fils de M. B..., que les ressources de l'intéressé ne présentaient pas le caractère de stabilité requis A... les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande même dans le cas où l'étranger demandeur du regroupement ne justifierait pas remplir l'une des conditions de fond prévues A... les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé A... les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. S'il est constant que M. B... est entré en France au cours de l'année 2003 et a obtenu un certificat de résidence en 2010, qu'il est marié depuis 1987 à une compatriote, avec laquelle il a eu cinq enfants nés entre 1987 et 1998, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le requérant n'a présenté sa demande de regroupement familial que le 2 février 2016 et que, depuis 2003 il a toujours vécu séparé de son épouse et, d'autre part, que les cinq enfants du couple, tous majeurs à la date de la décision, résident depuis leur naissance en Algérie auprès de leur mère. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui est dépourvu d'emploi, serait dans l'impossibilité de se rendre en Algérie pour voir son épouse et ses enfants, ni que ceux-ci ne pourraient pas lui rendre visite régulièrement en France. M. B... ne fait pas davantage valoir de circonstance qui s'opposerait à son retour dans son pays d'origine pour y reconstituer la cellule familiale. Dans ces conditions, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B..., de son épouse et du plus jeune de leurs enfants au respect de leur vie privée et familiale garanti A... les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. A... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.
N° 21LY01158 2