Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 28 décembre 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2009472 du 31 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions préfectorales attaquées, et, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a condamné l'Etat à verser à son conseil, Me Bailly-Colliard, une somme de 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2021, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a jugé que les décisions litigieuses étaient entachées d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. A... ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est suffisamment motivée ;
- les stipulations de l'accord franco-algérien ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une mesure d'éloignement ;
- cette décision ne porte pas atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et n'est entachée, ni d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;
- il ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un délai de départ volontaire ;
- son comportement justifiait l'intervention d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; cette décision est proportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2021, M. B... A..., représenté par Me Bailly-Colliard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du préfet arrêt et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle par son conseil.
Il soutient que :
- le défaut d'examen complet de sa situation est établi ;
- il n'a pas fait l'objet de condamnations pénales et a adopté depuis plusieurs années un comportement exemplaire prenant à cœur son rôle de père ; le caractère actuel et grave de la mesure à l'ordre public n'est pas établi ;
- il démontre participer à l'entretien et à l'éduction de sa fille née en France dont il s'occupe depuis sa naissance ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien et les dispositions de l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour d'une durée de deux ans est manifestement disproportionnée.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère ;
- et les observations de Me Bailly-Colliard représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 28 décembre 2020 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et en lui interdisant un retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un appel incident, en cas d'annulation du jugement attaqué, M. A... demande à la cour d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de sa notification.
Sur le moyen d'annulation de l'arrêté retenu en première instance :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;(...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". Les stipulations de l'accord franco-algérien ne peuvent être utilement invoquées pour contester une mesure d'éloignement décidée en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
5. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2020 régulièrement notifié à M. B... A..., ressortissant algérien né le 19 avril 1990, au motif qu'il ne ressortirait pas de cet arrêté que le préfet se serait livré à un examen complet de sa situation personnelle préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement et aurait notamment omis d'apprécier si l'intéressé était susceptible de se voir délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en tant que parent d'une enfant française née en mai 2020, circonstance dont il a fait état lors de son audition par les services de la gendarmerie départementale de Vienne suite à son interpellation. Le magistrat désigné s'est fondé sur le principe selon lequel l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Il a annulé l'arrêté contesté devant lui en se prévalant de ce que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
6. Toutefois, il ressort de la lecture même de l'arrêté litigieux que, pour décider d'éloigner sans délai M. A..., le préfet de l'Isère n'a pas omis de mentionner que celui-ci avait déclaré être père d'un enfant français né le 11 mai 2020, tout en relevant que celui-ci, dépourvu de toute source légale de revenus et n'établissant pas résider au domicile de l'enfant, n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance, et ainsi en déduire que l'intéressé ne relevait pas des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 et ne pouvait à ce titre se prévaloir d'une protection contre l'éloignement. Le défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. A... n'est donc pas établi. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé pour ce motif l'arrêté du 28 décembre 2020 obligeant M. A... à quitter sans délai le territoire français.
7. Saisie par l'effet dévolutif de l'appel, après annulation du jugement attaqué, il appartient à la cour d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en appel que devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
8. Par un arrêté du 10 février 2020, régulièrement publié au recueil spécial des actes de la préfecture, le préfet de l'Isère a donné délégation de signature à M. Philippe Portal, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté litigieux, , que, suite à son entrée irrégulière sur le territoire français, M. A... n'a pas justifié avoir effectué de démarches en vue de régulariser sa situation administrative au regard de son droit au séjour. Il ressort également des pièces du dossier, et il n'est pas sérieusement contesté, que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public tenant à la commission de nombreuses infractions pénales constatées depuis 2017 tenant à des faits de vol, de recel, de trafic de drogue ou encore de violences conjugales. Cette circonstance était suffisante pour justifier que le préfet de l'Isère décide, en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'obliger à quitter le territoire français, alors même qu'en qualité de parent d'enfant français, à condition de démontrer qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant, il aurait pu prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère a pu, par une décision suffisamment motivée en fait comme en droit, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider d'obliger M. A... à quitter sans délai le territoire français.
10. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire français, notamment du caractère répété des délits commis sur le territoire français depuis son entrée irrégulière, et des violences conjugales à l'origine de son interpellation, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français sans délai à raison de la menace à l'ordre public que constitue son comportement, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était séparé de la mère de son enfant et ne voyait cette dernière que très occasionnellement La circonstance que, postérieurement au jugement de première instance, la mère de l'enfant est décédée ne peut être utilement invoquée en appel dans le cadre du recours de M. A... contre l'arrêté litigieux
11. Enfin, M. A..., qui ne présente aucune garantie de représentation, n'est pas davantage fondé à soutenir qu'en décidant de l'obliger à quitter sans délai le territoire français, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. M. A... soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est manifestement disproportionnée, en se prévalant de sa qualité de père d'un enfant français qu'il qualifie de circonstances humanitaires, au sens de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des motifs de l'arrêté litigieux, que pour décider d'assortir la mesure d'éloignement sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet s'est fondé notamment sur les dispositions du huitième alinéa du III de cet article et l'ensemble des motifs évoqués aux points 6, 9 et 10 du présent arrêt quant à la durée et aux conditions de son séjour en France et au comportement délictuel répété de l'intéressé depuis la date alléguée de son entrée sur le territoire français, que le préfet a pu, sans erreur d'appréciation, considérer que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, M. A... ne démontre pas le caractère disproportionné de la décision d'interdiction de retour tant dans son principe que dans sa durée.
13. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.
N° 21LY00316 2