Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de La Terrasse à lui verser la somme de 13 776 euros en réparation de ses préjudices résultant de la chute dont il a été victime le 29 janvier 2017 et de mettre à la charge de la commune de La Terrasse, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1706182 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2020 et un mémoire enregistré le 21 août 2020, M. B..., représenté par Me Billet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706182 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner la commune de La Terrasse à lui verser la somme de 21 751 euros, subsidiairement de 13 776 euros, en réparation de ses préjudices résultant de sa chute, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2017 ;
3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
4°) de mettre à la charge de la commune de La Terrasse la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa chute sur une plaque de verglas, recouverte de neige, révèle un défaut d'entretien normal de la voirie communale, la commune ayant reconnu des défaillances dans les opérations de déneigement des trottoirs ;
- le maire a manqué à ses obligations résultant des dispositions des articles L. 2542-3, L. 2542-4 et L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales de sorte que la responsabilité pour faute de la commune est engagée ;
- il justifie des circonstances de sa chute sur le trottoir de l'avenue du Grésivaudan, à proximité de l'arrêt de bus " Centre Bourg " et de la place de la Cave ;
- il rapporte la preuve du lien entre sa chute et la défaillance de la commune ;
- il n'a pas commis d'imprudence ;
- le rapport d'expertise amiable qu'il produit permet d'établir la réalité de son préjudice ;
- il a droit à :
* la somme de 5 975 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* la somme de 8 000 euros au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;
* subsidiairement, la somme de 6 000 euros au titre de l'ensemble de ses préjudices extrapatrimoniaux ;
* la somme de 540 euros au titre des dépenses de santé qu'il a engagées ;
* la somme de 7 236 euros au titre de la perte de gains professionnels.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 13 avril 2020, la commune de La Terrasse, représentée par Me Wien, conclut :
1°) au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;
2°) subsidiairement, à ce que soit ordonnée avant dire droit une expertise médicale et à ce que soient déduits de l'indemnité due les débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône postérieurs à la consolidation à hauteur de 106,48 euros ;
3°) et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre la chute de M. B... et l'entretien du trottoir n'est pas rapporté ;
- il appartenait à M. B..., qui connaissait les lieux, de prendre toutes précautions utiles au regard de la forte chute de neige qui s'était produite dans la nuit et de l'épisode de froid qui a accentué la formation de verglas ;
- l'imprudence de la victime exonère la commune de sa responsabilité ;
- l'expertise produite par M. B... n'a pas été réalisée contradictoirement ;
- la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ne justifie pas que les actes de kinésithérapie postérieurs à la consolidation, exposés à hauteur de 106,48 euros, soient en lien avec le dommage.
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône indique ne pas entendre intervenir dans cette instance et que le montant de ses débours s'élève à la somme de 2 815,98 euros.
Par un courrier du 13 septembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que M. B... ne peut invoquer pour la première fois en appel, à l'appui de ses conclusions, le moyen tiré de la carence fautive qu'aurait commise le maire de La Terrasse dans l'exercice de ses pouvoirs de police, dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, repose sur une cause juridique distincte du moyen tiré de la responsabilité sans faute de la commune, seul invoqué en première instance.
Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2021, M. B... a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.
Il soutient que le régime de responsabilité pour défaut d'entretien normal est un régime pour faute présumée et qu'ainsi sa demande de première instance n'était pas fondée sur le régime de la responsabilité sans faute.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Billet, représentant M. B..., et de Me Tabouzi-Janot, représentant la commune de La Terrasse.
Une note en délibéré, présentée par M. B..., a été enregistrée le 23 novembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Le dimanche 29 janvier 2017, aux environs de 8 h 15, alors qu'il regagnait son domicile à pied après avoir effectué des achats, M. B... indique avoir fait une chute sur le trottoir de l'avenue du Grésivaudan, dans la commune de La Terrasse, en dérapant sur une plaque de verglas recouverte de neige. M. B... relève appel du jugement du 31 décembre 2019, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de La Terrasse à réparer les conséquences dommageables de cet accident à raison d'un défaut d'entretien normal de la voie publique.
Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a été régulièrement mise en cause. Il y a lieu, ainsi que le demande M. B..., de déclarer le présent arrêt commun à la caisse.
Sur la responsabilité de la commune de La Terrasse :
3. En premier lieu, il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapprochement entre le plan des lieux et les attestations de l'épouse du requérant, du gérant d'un café, situé avenue du Grésivaudan dans le bourg de la commune de La Terrasse, ainsi que d'une cliente de cet établissement, que M. B..., après y avoir pris une consommation le dimanche 29 janvier 2017 aux alentours de 8 heures, a fait une chute alors qu'il circulait à pied sur le trajet de retour à son domicile, situé au n° 185 de cette même avenue et distant de quelques centaines de mètres. Au vu du rapprochement de ces éléments concordants, il peut être tenu pour établi que l'accident dont a été victime M. B... s'est produit sur le trottoir de l'avenue du Grésivaudan, qu'il a nécessairement dû emprunter pour regagner son domicile. En outre, il résulte des indications fournies par M. B..., corroborées par des témoignages des maires successifs de La Terrasse en date du 3 mars 2017 et du 5 février 2018 ainsi que d'une conseillère municipale, que d'importantes chutes de neige se sont accumulées les jours précédant l'accident, et, en dernier lieu, durant la nuit du samedi 28 au dimanche 29 janvier 2017, recouvrant ainsi un sol déjà verglacé.
5. Toutefois, la chute de M. B... due à la présence d'une plaque de verglas sur le trottoir a eu lieu en hiver, un dimanche, à une heure matinale, après d'abondantes chutes de neige survenues dans la nuit, sur le territoire d'une commune située dans la vallée du Grésivaudan (Isère), en zone de montagne, et à un endroit dont il n'est pas soutenu qu'il constituerait un axe de passage particulièrement fréquenté pour les piétons. Eu égard à ces circonstances de temps et de lieu, l'accumulation de neige tombée dans les heures qui ont précédé l'accident, masquant la présence du verglas sur le sol, ne pouvait manquer d'être connue de la victime, par ailleurs moniteur de ski, qui réside dans la rue où a eu lieu l'accident et qui avait nécessairement emprunté le même trajet quelques minutes auparavant. Dans ces conditions, cette accumulation de neige sur un sol verglacé n'excédait pas les risques contre lesquels les usagers doivent se prémunir en prenant toutes précautions utiles et dont ils sont tenus de supporter les conséquences. Par suite, la responsabilité de la commune de La Terrasse n'est pas engagée à l'égard de M. B... à raison d'un prétendu défaut d'entretien normal de la voirie publique.
6. En second lieu, pour soutenir que la commune de La Terrasse était responsable des préjudices résultant de la chute dont il a été victime sur la chaussée, M. B... s'est borné devant le tribunal administratif à invoquer la responsabilité sans faute de la collectivité en raison du défaut d'entretien normal de la voie publique. En appel, il se prévaut, en outre, de la faute que le maire aurait commise au titre de ses pouvoirs de police. Cette dernière prétention, fondée sur une cause juridique distincte de celle soumise aux premiers juges, constitue une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le maire aurait commis une carence fautive dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, ni, en tout état de cause, des articles L. 2542-3 et L. 2542-4 du même code, applicables aux seules communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. En tout état de cause, au vu ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt, il ne résulte pas de l'instruction que le maire de La Terrasse aurait commis une carence fautive dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de La Terrasse sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de La Terrasse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de La Terrasse et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président de la formation de jugement,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.
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N° 20LY00881