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28/10/2021 | FRANCE | N°20LY00109

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 28 octobre 2021, 20LY00109


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et Mme C... B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le maire de Longvic a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section BN n° 23 située 7 route de Dijon, d'annuler l'arrêté du 9 août 2018 par lequel le président de Dijon Métropole a délégué son droit de préemption urbain à la commune de Longvic pour l'aliénation de cette parcelle, et de mettre à la charge de la commune de Longvic ou de Di

jon Métropole une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et Mme C... B... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le maire de Longvic a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section BN n° 23 située 7 route de Dijon, d'annuler l'arrêté du 9 août 2018 par lequel le président de Dijon Métropole a délégué son droit de préemption urbain à la commune de Longvic pour l'aliénation de cette parcelle, et de mettre à la charge de la commune de Longvic ou de Dijon Métropole une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802621 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du maire de Longvic du 14 août 2018 portant exercice du droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section BN ° 23 (article 1er), a mis à la charge de la commune de Longvic le versement d'une somme de 1 000 euros à M. et Mme A... (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2020 et le 6 octobre 2020, la commune de Longvic, représentée par Me Sevin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance, qui ne contenait l'exposé d'aucun moyen, n'était pas recevable, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la demande de première instance n'était pas accompagnée de la décision attaquée, en méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice administrative et était irrecevable pour ce second motif ;

- M. et Mme A... étaient dépourvus d'intérêt à agir à la date de saisine du tribunal administratif, n'ayant pas respecté les termes du compromis de vente leur faisant obligation de constituer une société civile immobilière et de présenter une offre de prêt, avant le 31 juillet 2018 ;

- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté de préemption est irrecevable, aucun moyen de légalité externe n'ayant été soulevé dans le délai du recours contentieux, et infondé, le président de Dijon Métropole ayant légalement pu déléguer le droit de préemption urbain au maire de Longvic ;

- elle justifie d'un projet dans le cadre de la mise en valeur du patrimoine bâti existant du centre-ville de Longvic et des abords du château ainsi que de la rivière de l'Ouche, la circonstance que M. et Mme A... soient occupants du bien préempté étant sans incidence sur la légalité de la décision de préemption.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Grenier, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de la commune de Longvic une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance était recevable ;

- ils sont recevables et fondés à soutenir que l'arrêté de préemption est entaché d'incompétence, eu égard au caractère d'ordre public de ce moyen, qui peut être soulevé après l'expiration du délai de recours contentieux ;

- la décision de préemption, qui vise à constituer une réserve foncière sans qu'une action ou une opération d'aménagement soit identifiée, méconnaît les exigences des articles L. 300-1 et L. 210-1 du code de l'urbanisme, l'immeuble en litige n'étant pas concerné par le projet d'aménagement évoqué par la commune ;

- à titre subsidiaire, le moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué est recevable et fondé, de même que le moyen tiré de l'absence de saisine pour avis de la direction régionale des finances publiques, en méconnaissance de l'article R. 231-21 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Grenier, représentant M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 août 2018, le maire de Longvic (Côte d'Or) a exercé le droit de préemption urbain à l'occasion de l'aliénation d'un immeuble à usage commercial et d'habitation situé 7 route de Dijon, cadastré section BN n° 23 de 342 m², accueillant " Le Bar du Pont ", exploité par M. et Mme A..., acquéreurs évincés. La commune de Longvic relève appel d'un jugement du 31 octobre 2019 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il annule cet arrêté du maire de Longvic du 14 août 2018.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, dès leur acte introductif enregistré le 9 octobre 2018, M. et Mme A... ont explicitement demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision de préemption prise par la commune de Longvic, au motif que cette dernière ne disposait d'aucun projet. Cette requête comportait ainsi dès son introduction l'énoncé des conclusions soumises au juge ainsi que l'exposé d'au moins un moyen renvoyant nécessairement aux conditions de mise en œuvre des décisions de préemption prévues aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ".

5. Contrairement à ce que soutient la commune, l'irrecevabilité résultant du défaut de production de la décision attaquée est susceptible d'être régularisée avant la clôture de l'instruction, sur invitation de la juridiction ou en réponse à une fin de non-recevoir ou même par une autre partie. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que la requête enregistrée le 9 octobre 2018 n'était pas accompagnée de l'arrêté attaqué du 14 août 2018 du maire de Longvic mais qu'elle a été valablement régularisée du fait de la production de cet arrêté par la commune le 13 novembre 2018 puis par les requérants le 21 novembre 2018.

6. En dernier lieu, l'acquéreur évincé par l'exercice du droit de préemption a intérêt à contester cette décision. La circonstance que la promesse de vente serait devenue caduque, faute pour l'acquéreur de s'être acquitté de toutes ses obligations, est sans incidence sur l'intérêt qu'il avait en sa qualité d'acquéreur évincé, dès lors que la promesse de vente n'est devenue caduque que postérieurement à la décision de préemption. Si la promesse est caduque lorsque, dans une promesse synallagmatique de vente, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu'à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n'est pas accomplie, il n'est pas établi qu'en l'espèce la promesse synallagmatique de vente serait devenue caduque antérieurement à la décision de préemption du 14 août 2018. Le seul projet de compromis de vente versé aux débats, incomplet, non signé et non paraphé, ne saurait en effet suffire à fixer au 31 juillet 2018 la date de caducité de la promesse synallagmatique conclue entre les vendeurs et les époux A.... En outre, ce projet, qui ne comporte en l'état aucune condition suspensive tenant à la constitution d'une société civile immobilière par les acquéreurs, ne mentionne aucune date pour la réitération de l'acte authentique et ne définit pas précisément l'éventuelle condition suspensive tenant à l'obtention d'un prêt, prévoit en tout état de cause que le délai de réitération de l'acte sera automatiquement prorogé d'une durée de quinze jours à compter de la réception par le notaire de la dernière des pièces nécessaires à la passation de l'acte, dont la purge du droit de préemption, qui n'est intervenue que le 14 août 2018. Par suite, M. et Mme A... avaient, en qualité d'acquéreurs évincés, conservé leur intérêt à attaquer l'arrêté en litige.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la commune de Longvic ne peuvent être accueillies.

Sur la légalité de l'arrêté de préemption :

8. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". Selon l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, (...) de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".

9. Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.

10. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Longvic a exercé son droit de préemption urbain en vue de la préservation du patrimoine bâti du bâtiment dit " Le bar du pont ", situé au cœur du centre-ville, à proximité directe du parc du château et de la rivière de l'Ouche en cours de réaménagement, la maîtrise foncière de la parcelle en litige étant jugée nécessaire à un aménagement cohérent et qualitatif.

11. L'îlot bâti accueillant " Le bar du pont ", dont il n'est pas contesté qu'il est effectivement exploité par les époux A..., n'est toutefois pas inclus dans le périmètre du projet de réaménagement d'ensemble du parc du château de Longvic et des rives adjacentes de l'Ouche, dont il est distant d'une trentaine de mètres. L'établissement n'est d'ailleurs mentionné ni sur la plaquette de présentation des travaux de réaménagement du centre-ville versée aux débats, ni dans les délibérations budgétaires relatives à ces travaux, ni dans les principales préconisations de l'étude relative à l'élaboration d'un schéma directeur d'aménagement du parc du château. La circonstance que la commune ait demandé l'inscription du bâtiment en litige au patrimoine identifié localement comme remarquable n'impose pas, par elle-même, sa maîtrise foncière. Par suite, si la commune établit la réalité d'un projet d'aménagement du centre-ville à proximité du bien préempté, elle ne justifie pas de l'insertion de ce même bien dans son projet d'ensemble, et donc de la réalité d'un projet d'action visant la parcelle en litige, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Longvic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le maire a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section BN n° 23.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Longvic, partie perdante, sur ce fondement. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Longvic le versement à M. et Mme A... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Longvic est rejetée.

Article 2 : La commune de Longvic versera à M. D... A... et Mme C... B... épouse A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Longvic et à M. et Mme A....

Copie en sera adressée à la métropole de Dijon.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.

2

N° 20LY00109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00109
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP BERLAND - SEVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-28;20ly00109 ?
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