Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge de l'obligation de payer la somme de 170 899 euros, notifiée par mise en demeure du 29 mai 2017, tenant lieu de commandement de payer, correspondant à des droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 121 723 euros, des majorations à hauteur de 48 689 euros et des intérêts de retard à hauteur de 487 euros.
Par un jugement n° 1708452 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2019, M. B..., représenté par Me Lichtenstern, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2019 et lui accorder la décharge de l'obligation de payer la somme de 170 899 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la créance détenue par l'administration fiscale sur la SARL Hexgo construction n'existe plus dès lors que cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés à la suite de la clôture de la liquidation judiciaire le 31 juillet 2014 ; à défaut pour l'administration d'avoir retrouvé son droit de poursuite individuel en sollicitant la désignation préalable d'un mandataire ad hoc chargé de représenter la société liquidée, la créance fiscale a disparu en vertu de l'article L. 643-11 du code de commerce ; la condamnation à la solidarité par l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 22 mars 2017 étant postérieure à la disparition de la créance, aucun règlement ne peut être exigé de lui ;
- il ne peut y avoir de solidarité sans débiteur principal puisque cette obligation s'exerce solidairement avec le redevable légal ;
- l'administration était tenue, en application de l'article L. 622-24 du code de commerce et du paragraphe 20 du BOI-REC-EVTS-10-30 du 1er juillet 2015, d'une part, de déclarer provisoirement la créance de taxe sur la valeur ajoutée, antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire, entre les mains du liquidateur par lettre recommandée avec avis de réception ou en main propre contre récépissé dans le délai de deux mois suivant la parution du jugement au BODACC et, d'autre part, en l'absence de réclamation de la société à l'encontre de ces impositions, d'émettre un avis de mise en recouvrement à l'encontre de la société Hexgo Construction avant le 5 janvier 2011 puis de déclarer définitivement sa créance ;
- en méconnaissance du paragraphe 230 du BOI-REC-EVTS-10-30 du 1er juillet 2015, aucune créance fiscale n'a été dénoncée en copie à la société Hexgo ou à M. B... ;
- les bordereaux de déclaration de créances sont irréguliers ;
- les avis de mise en recouvrement des 23 avril 2010 et 10 mai 2010 sont irréguliers en vertu des articles L. 256 et R. 256-8 du livre des procédures fiscales dès lors que le nom du signataire est illisible ;
- l'administration n'établit pas que le signataire avait reçu une délégation régulièrement publiée pour viser les avis de mise en recouvrement ;
- l'administration a méconnu le principe de loyauté ainsi que les droits de la défense dès lors qu'il n'a jamais été destinataire d'aucun acte de procédure postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ni d'aucun acte de recouvrement ;
- en l'absence d'avis de mise en recouvrement adressé avant la mise en demeure litigieuse, en application de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, les poursuites sont prématurées ;
- l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 22 mars 2017 ne constitue pas un titre exécutoire régulier et méconnaît l'article L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution ; à titre subsidiaire, cet arrêt ne contient aucune référence à des majorations ou pénalités, il n'est donc pas débiteur solidaire des pénalités.
Par un mémoire, enregistré le 17 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 4 août 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 3 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Lichtenstern pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité, la SARL Hexgo Construction s'est vu notifier deux avis de mise en recouvrement les 23 avril 2010 et 10 mai 2010, le premier concernant l'imposition forfaitaire annuelle sur les sociétés pour la période de décembre 2008 au 30 novembre 2009 et le second concernant la taxe sur la valeur ajoutée pour la période de décembre 2005 à octobre 2009, assortis de pénalités et d'intérêts de retard. Par un arrêt du 22 mars 2017 devenu définitif, la Cour d'appel de Lyon a déclaré M. B... débiteur solidaire, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, des impositions supplémentaires et des pénalités ainsi dues par la SARL Hexgo Construction, dont il était le gérant de droit. En vue de l'exécution de ce jugement, le pôle de recouvrement spécialisé de la Loire a notifié à M. B... le 29 mai 2017 une mise en demeure valant commandement de payer la somme globale de 170 899 euros correspondant à la créance fiscale de la SARL Hexgo Construction. L'opposition à poursuites formée par M. B... a été rejetée le 22 septembre 2017. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme ainsi mise à sa charge.
Sur la décharge de l'obligation de payer :
2. En premier lieu, M. B... réitère en appel sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit à l'appui de celui-ci le moyen tiré de l'inexistence de la créance détenue par l'administration fiscale sur la SARL Hexgo Construction dès lors, selon lui, que celle-ci a été radiée du registre du commerce et des sociétés et que cette société et la créance fiscale en cause ont disparu le 31 juillet 2014 à la suite de la clôture de la liquidation judiciaire. Il y a lieu pour la Cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 15 à 17 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, si M. B... estime que la solidarité fiscale à laquelle il a été condamné ne peut s'exercer en l'absence du débiteur principal, la SARL Hexgo Construction ayant disparu, la mise en jeu de la solidarité permet à l'administration de recouvrer l'intégralité des sommes dues auprès de l'un ou l'autre des débiteurs solidaires. En outre, si M. B... peut contester devant le juge de l'impôt l'existence, le bien-fondé et l'exigibilité de la dette, il ne peut contester devant lui le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, M. B... reprend devant la Cour le moyen soulevé devant les premiers juges tiré de ce que l'administration fiscale n'aurait pas déclaré ses créances et de ce qu'aucun avis de mise en recouvrement n'aurait précédé la déclaration de créances à titre définitif. Le jugement attaqué a répondu à ce moyen au point 11 par des motifs qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter.
5. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 230 du BOI-REC-EVTS-10-30 du 1er juillet 2015 : " Les déclarations de créances sont adressées au mandataire judiciaire ou au liquidateur par lettre recommandée avec accusé de réception ou lui sont remises " en main propre " contre récépissé. (..) Simultanément, la déclaration doit être dénoncée en copie au débiteur avec indication des délais et voies de recours relatifs aux oppositions à poursuites. "
6. Il ne résulte pas de l'instruction que les déclarations de créances effectuées par l'administration auprès du mandataire judiciaire dans le cadre de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL Hexgo Construction auraient été adressées à la société ou à M. B... ainsi que le soutient ce dernier. Toutefois, l'absence de notification des déclarations de créances au débiteur n'a pas de conséquence sur leur régularité ni sur l'exigibilité des sommes en cause mais ont pour conséquence de faire obstacle à ce que les débiteurs concernés se voient opposer les délais de recours concernant les oppositions à poursuites. M. B... ne soulevant pas à ce titre de conséquence de cette irrégularité sur l'éventuelle prescription de l'action en recouvrement de l'administration, le moyen doit être écarté.
7. En cinquième lieu, en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, relèvent du juge de l'exécution les contestations relatives au recouvrement qui portent sur la régularité en la forme de l'acte de poursuites, et du juge de l'impôt celles qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et l'exigibilité de la somme réclamée.
8. Il n'appartient pas au juge administratif de connaître du moyen tiré de l'irrégularité des bordereaux des déclarations de créances, qui constituent des actes de poursuites, dès lors que ce moyen se rattache à la régularité en la forme d'un acte de poursuite relevant du juge judiciaire. Par suite, M. B... n'est pas recevable à contester devant la cour, sur le terrain de la loi fiscale ou de la doctrine administrative, la régularité en la forme des bordereaux de déclarations de créances. Au demeurant, alors qu'en vertu de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, les actes de poursuites ont pour effet d'interrompre la prescription quadriennale, l'appelant ne soutient pas, en l'espèce, que les irrégularités qui entacheraient lesdits bordereaux auraient un effet sur la prescription de ces créances.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat. / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article L. 257 A du même livre, applicable à la date d'émission des avis de mise en recouvrement litigieux : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents du service des impôts ayant au moins le grade de contrôleur. " Aux termes de son article R. 256-8 du même livre : " (...) L'autorité administrative habilitée à signer et rendre exécutoires les avis de mise en recouvrement, mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 256, est le directeur des services fiscaux (...) ".
10. Les dispositions précitées du livre des procédures fiscales donnent compétence aux agents chargés du contrôle exerçant dans un service des impôts, sous l'autorité du comptable de la direction générale des impôts et concurremment avec lui, à l'effet de viser et de rendre exécutoires les avis de mise en recouvrement. Un avis de mise en recouvrement constitue un titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration. Le contribuable auquel il est notifié doit être à même de vérifier que son signataire est effectivement l'autorité compétente en vertu des dispositions précitées du livre des procédures fiscales.
11. D'une part, les avis de mise en recouvrement édictés les 23 avril 2010 et 10 mai 2010 à l'encontre de la SARL Hexgo Construction qui sont signés comportent le prénom, le nom et la qualité de son signataire, à savoir Mme C... D..., contrôleur des impôts. Si le prénom et le nom du signataire sont effectivement difficilement lisibles, ces mentions le sont assez pour permettre d'identifier sans ambiguïté l'auteur de ces avis.
12. D'autre part, ces avis ont été signés par un agent ayant le grade de contrôleur qui était alors affecté au service des impôts des entreprises de Feurs. Il ne résulte pas de l'instruction que cet agent n'aurait pas été placé sous l'autorité du comptable des impôts, responsable de ce service. Mme D... pouvait, en qualité de contrôleur des impôts, régulièrement signer et rendre exécutoire, sous son seul nom, les avis de mise en recouvrement en vertu des dispositions précitées de l'article L. 257 A du livre des procédures fiscales alors en vigueur.
13. En septième lieu, M. B... n'ayant été déclaré débiteur solidaire, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes dues par la SARL Hexgo Construction, dont il était le gérant de droit, que par l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 22 mars 2017, il ne résulte d'aucune disposition que l'administration aurait été tenue, à la date à laquelle elle a notifié à la société les avis de mise en recouvrement des 23 avril 2010 et 10 mai 2010, de les adresser également à M. B... ni de lui adresser, en sa qualité de gérant de la société alors placée en liquidation judiciaire, les actes de procédure adressés à la société ni aucun acte de recouvrement.
14. En outre, le débiteur solidaire dispose des mêmes droits que le débiteur principal pour contester les impositions de ce dernier, tant que subsiste la solidarité. En l'espèce, la mise en demeure adressée sur le fondement d'une décision du juge judiciaire condamnant le requérant à la solidarité avec un autre contribuable constitue un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation au sens des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. En l'espèce, la mise en demeure du 29 mai 2017 adressée par l'administration à M. B... peut être regardée comme un événement, au sens de ces dispositions, qui lui ouvrait un droit propre de réclamation pour contester, devant l'administration fiscale, l'assiette et le calcul des impositions mises à la charge de la SARL Hexgo Construction dans le délai prévu à cet article. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir, en invoquant le devoir de loyauté et le principe du respect des droits de la défense, qu'il n'aurait pas été en mesure de contester le principe et l'assiette des impositions en litige.
15. En huitième lieu, en vertu de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, " lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement. " Selon les dispositions de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution : " Seuls constituent des titres exécutoires : / 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire (...) ".
16. M. B... soutient que le comptable chargé de poursuivre le recouvrement des impositions dont le paiement est en litige devait lui notifier un avis de mise en recouvrement, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales. Toutefois, les dispositions de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution sont susceptibles de s'appliquer à un jugement rendu en application de l'article 1745 du code général des impôts décidant que l'auteur d'un délit de fraude fiscale sera solidairement tenu avec le redevable légal de l'imposition au paiement de l'impôt fraudé. En prenant une telle décision, le juge judiciaire se borne à autoriser l'administration fiscale à réclamer le paiement d'une dette fiscale à un débiteur autre que le redevable légal d'une imposition déjà mise en recouvrement. Les dispositions de l'article R. 256-2 du livre précité ne sont pas applicables si l'administration fiscale dispose déjà d'un titre exécutoire en application d'un texte législatif. Par suite, dès lors que la Cour d'appel de Lyon avait déclaré M. B... débiteur solidaire des impositions mises à la charge de la SARL Hexgo Construction, le titre exécutoire, constitué par cette décision juridictionnelle, excluait la mise en œuvre de la procédure issue de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales.
17. En dernier lieu, M. B... soutient que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon ne constituerait pas un titre exécutoire régulier, méconnaîtrait l'article L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution et qu'à titre subsidiaire, il ne contient aucune référence à des majorations ou pénalités ce qui ferait obstacle à ce qu'il soit déclaré débiteur solidaire des pénalités mises à la charge de la SARL Hexgo Construction.
18. Ainsi qu'il a été rappelé, M. B... ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale. Au demeurant, l'arrêt du 22 mars 2017 de la cour d'appel de Lyon le condamnant au paiement solidaire des sommes dues au Trésor public par la SARL Hexgo Construction, dont il était le gérant, au titre des impôts fraudés et des pénalités correspondantes, précise que la taxe sur la valeur ajoutée éludée s'élève à 121 723 euros au titre des périodes de décembre 2008 à avril 2009 et de juillet à octobre 2009. Par suite, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-6 du code précité doit, en tout état de cause, être écartée.
19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente en appel aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme Le Frapper, première conseillère,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 octobre 2021.
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N° 19LY00980