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26/10/2021 | FRANCE | N°20LY01867

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 26 octobre 2021, 20LY01867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Poly Inject a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté interruptif de travaux du 20 septembre 2018 édicté par le maire de Buis-les-Baronnies.

Par un jugement n° 1807374 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de la société Poly Inject.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020, la société Poly Inject, représentée par Me Doux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen

t du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 20 septembre 2018 ; ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Poly Inject a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté interruptif de travaux du 20 septembre 2018 édicté par le maire de Buis-les-Baronnies.

Par un jugement n° 1807374 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de la société Poly Inject.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020, la société Poly Inject, représentée par Me Doux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 20 septembre 2018 ;

3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de la commune de Buis-les-Baronnies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris sans qu'elle ait été mise à même de faire valoir ses observations ; le procèes-verbal d'infraction ne lui a pas été transmis ;

- le procès-verbal du 16 août 2018 est irrégulier, en ce qu'il est antidaté et ne constate pas réellement d'infraction ;

- l'arrêté n'est pas motivé ;

- elle n'a réalisé que des travaux d'aménagement intérieur, qui n'étaient pas soumis à autorisation d'urbanisme, dès lors qu'elle avait remis en l'état la façade avant l'arrêté en litige ;

- un simple changement de sous-destination du bâtiment n'étant pas soumis à autorisation d'urbanisme, l'arrêté ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions des articles L. 480-2 et suivants du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté est tardif car intervenu après l'achèvement des travaux.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2020, la commune de Buis-les-Baronnies, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats (Me Lacroix), conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Poly Inject en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la tardiveté de l'arrêté est irrecevable dès lors qu'il ne se rattache à aucune cause juridique dont procéderaient les moyens soulevés en première instance ;

- aucun des moyens n'est fondé ;

- il y aurait lieu, le cas échéant, de procéder à une substitution de motifs et de fonder l'arrêté sur le motif tiré de l'absence de déclaration préalable de travaux, en méconnaissance de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée le 24 août 2020 à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit de mémoire.

Par courrier du 15 septembre 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement de première instance ayant omis de mettre en cause l'Etat, alors que la décision du 20 septembre 2018 a été prise par le maire de Buis-les-Baronnies au nom de l'Etat et qu'il appartenait au tribunal de communiquer la requête à l'autorité compétente au sein de l'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Doux pour la société Poly Inject ainsi que celles de Me Plénet pour la commune de Buis-les-Baronnies ;

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Buis-les-Baronnies a ordonné le 20 septembre 2018 à la société Poly Inject, fabricant de piscines, d'interrompre les travaux entrepris sur un bâtiment situé dans la zone industrielle de la commune. La société Poly Inject relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux (...) ". Lorsqu'il exerce le pouvoir d'interruption des travaux qui lui est attribué par l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, le maire agit en qualité d'autorité de l'Etat.

3. Le maire de Buis-Les-Baronnies ayant pris la décision au nom de l'Etat, la commune n'était pas une partie à l'instance et ne pouvait présenter que de simples observations. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif n'a pas communiqué les écritures de la société Poly Inject à l'Etat, qui était défendeur dans l'instance. Par suite, le jugement attaqué, qui a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière, doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Poly Inject devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 septembre 2018 :

5. Aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; ". Aux termes de l'article R. 421-17 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destinations des constructions existantes suivantes : a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ; b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 151-27 ; pour l'application du présent alinéa (...) le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destination d'une même destination prévue à l'article R. 151-28 ; (...) ".

6. Pour prendre l'arrêté en litige, le maire de Buis-les-Baronnies a estimé que la société Poly Inject effectuait des travaux ayant pour effet de changer la destination du bâtiment qu'elle occupait et d'en modifier les façades, sans disposer, conformément aux dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, d'un permis de construire.

7. La société Poly Inject exploite le bâtiment en litige situé dans la zone industrielle de Buis-les-Baronnies pour la réalisation de piscines en polyester sous vide. Elle a entamé des travaux visant à faire passer par l'extérieur un conduit d'évacuation d'air saturé mais il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, et suite au constat opéré par l'agent assermenté, elle avait refermé l'ouverture réalisée à l'arrière du bâtiment litigieux et avait retiré le support métallique qui s'y trouvait également. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, la porte de service en façade principale aurait été réalisée à l'occasion des travaux dont le maire a ordonné l'interruption. Dès lors, l'arrêté en litige ne pouvait être fondé sur la réalisation de travaux ayant pour effet de modifier la façade ou l'aspect extérieur du bâtiment. A supposer par ailleurs que les travaux d'aménagement intérieurs alors en cours aient eu pour objet de transformer un bâtiment à usage d'entrepôt en un bâtiment utilisé à des fins de production industrielle, un tel changement de sous-destination n'était en lui-même soumis à aucune autorisation d'urbanisme. Par suite, les travaux en cause ne relevant pas de ceux qui étaient soumis à autorisation à la date de l'arrêté attaqué, le maire de Buis-les-Baronnies ne pouvait en demander l'interruption sur le fondement des articles L. 480-2 et suivants du code de l'urbanisme.

8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 20 septembre 2018 n'apparaît en l'état de l'instruction susceptible d'en fonder l'annulation.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Poly Inject est fondée à soutenir que l'arrêté du 20 septembre 2018 est illégal et à en demander l'annulation.

Sur les frais liés au litige :

10. Alors même qu'elle a été invitée à présenter des observations, la commune de Buis-les-Baronnies n'est, ainsi qu'il a été dit au point 3, pas partie à la présente instance au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Buis-les-Baronnies la somme que demande la société Poly Inject au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, ou que la commune sollicite le versement d'une somme à ce titre. Il y a lieu, par suite, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'arrêté interruptif de travaux du 20 septembre 2018 du maire de Buis-les-Baronnies est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Poly Inject et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée à la commune de Buis-les-Baronnies.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021.

5

N° 20LY01867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01867
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux. - Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DOUX CLAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-26;20ly01867 ?
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