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14/10/2021 | FRANCE | N°20LY00764

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 14 octobre 2021, 20LY00764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 201 641,65 euros qu'il a versée à M. D... A... en réparation des préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale qu'il a contractée, assortie des intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés, ainsi que la somme de 4 500 euros

qu'il lui a versée au titre de ses frais d'instance devant le tribunal de gran...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 201 641,65 euros qu'il a versée à M. D... A... en réparation des préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale qu'il a contractée, assortie des intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés, ainsi que la somme de 4 500 euros qu'il lui a versée au titre de ses frais d'instance devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand et celle de 4 520,82 euros dont il s'est acquitté au titre des dépens et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 332 473,22 euros au titre de ses débours ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, assorties des intérêts, eux-mêmes capitalisés, et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701886 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 21 février 2020, sous le numéro 20LY00764, et un mémoire enregistré le 6 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701886 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser, à titre principal, la somme de 332 473,22 euros, à titre subsidiaire, la somme de 66 494,64 euros, en remboursement des débours qu'elle a exposés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2018, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, augmentée des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) subsidiairement, d'ordonner un complément d'expertise confié à un médecin infectiologue ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il existe des fautes multiples ayant entraîné une perte de chance d'éviter les infections nosocomiales présentées par M. A... et leurs conséquences, notamment l'amputation, dont il a été victime ;

- une concertation multidisciplinaire aurait permis une meilleure prise en charge de l'infection ;

- la première infection fautive n'est pas sans lien avec la perte de chance d'éviter l'amputation, liée à la seconde infection ;

- l'ensemble des débours dont elle demande le remboursement est en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ;

- le second sepsis, qualifié d'infection nosocomiale et ayant entraîné l'amputation, est entièrement imputable aux fautes commises par le centre hospitalier universitaire de Clermont-errand ;

- subsidiairement, un taux de perte de chance de 20 %, tel que retenu par les experts, devra être appliqué à l'ensemble des condamnations sollicitées au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, il conviendrait d'ordonner avant dire droit un complément d'expertise confié à un expert infectiologue.

Par des mémoires enregistrés le 9 juin 2020 et le 14 mai 2021, l'ONIAM, représenté par Me Saumon, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à l'annulation du jugement n° 1701886 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) à titre principal, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 41 394,79 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier de l'année suivant la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais d'expertise amiable et judiciaire ainsi que la somme de 1 520,82 euros, au titre des dépens, assorties des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) à titre subsidiaire, à ce qu'un complément d'expertise soit ordonné avant dire droit ;

5°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'absence d'une préparation cutanée adaptée, conforme aux recommandations est constitutif d'une faute de la part du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand qui a favorisé la survenue tant de la première que de la seconde infection ;

- le comportement fautif adopté par les équipes du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand consistant à ne pas avoir sollicité l'avis d'un infectiologue ni mis en place une prise en charge multidisciplinaire est à l'origine d'erreurs commises dans le choix, l'usage et la posologie des antibiothérapies qui ont été administrées à M. A... et qui ont conduit à une perte de chance pour le patient d'éviter l'amputation de sa jambe ;

- la mauvaise gestion de l'antibiothérapie est à l'origine d'émergence de résistances, de la chronicisation de l'infection osseuse et de la pseudarthrose qui a eu pour conséquence une fragilisation osseuse et cutanée ayant nécessité une reprise chirurgicale, à l'issue de laquelle s'est déclarée l'infection nosocomiale à pseudomonas, responsable de l'amputation ; les manquements dans la prise en charge de l'infection à staphylocoque doré méti-résistant ont entrainé une perte de chance, évaluée à 20 %, d'éviter l'amputation ;

- il est fondé à demander, sur le fondement de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le rembourse à hauteur de la somme de 41 394,79 euros, soit 20 % des sommes qu'il a versées à M. A... en application du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 15 octobre 2013 ;

- il a droit à la somme de 1 520,82 euros au titre des dépens et à la somme de 4 000 euros au titre des frais d'expertise amiable et judiciaire ;

- il a droit, au titre des sommes qu'il a versées à M. A... en application du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 15 octobre 2013, à une fraction correspondant à 20 % de :

* la somme de 968,76 euros au titre des frais de déménagement de M. A... rendu nécessaire pour lui permettre de vivre dans un appartement pourvu d'un ascenseur ;

* la somme de 2 689,72 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels de M. A... ;

* la somme de 500 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire ;

* la somme de 2 240 euros au titre des frais de médecin-conseil exposés par M. A... pour la réunion d'expertise médicale du 4 janvier 2011 ;

* la somme de 7,64 euros au titre des frais de taxi exposés par M. A... pour se rendre à la clinique de la Chataigneraie en vue de bénéficier d'une reprise du moignon de sa jambe amputée ;

* la somme de 1 786,53 euros au titre de l'achat d'une prothèse de bain ;

* la somme de 3 650 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par M. A... ;

* la somme de 19 389 euros au titre des souffrances endurées ;

* la somme de 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

* la somme de 96 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* la somme de 35 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

* la somme de 7 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

* la somme de 30 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Il soutient que :

- la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie est irrecevable en tant qu'elle porte sur le remboursement de ses débours exposés du 20 décembre 2004 au 11 avril 2006, qui sont sans lien avec l'objet du recours de l'ONIAM, lequel porte uniquement sur les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par M. A... à la suite de l'intervention du 12 avril 2006 et qui a justifié son amputation ;

- la caisse n'établit pas que les fautes invoquées ont été à l'origine d'une aggravation de l'état de santé de M. A... et ont conduit à son amputation ;

- l'impact qu'ont eu les manquements relevés par les experts sur l'évolution de l'état du patient n'est pas établi ;

- aucune faute relative aux conditions de dépilation du patient ne peut être retenue ;

- si les experts critiquent le traitement de l'infection, en particulier le traitement par Fucidine, administré au patient du 12 au 15 avril 2006, en monothérapie et l'absence de concertation pluridisciplinaire, ils n'indiquent pas en quoi ces dysfonctionnements ont contribué à l'aggravation de l'état de santé du patient et à son amputation ;

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre la prise en charge du sepsis survenu dans les suites de l'intervention du 12 avril 2006 et l'amputation du patient ;

- en admettant même que la qualité de la prise en charge de M. A... ait contribué à son amputation, ces manquements n'ont été qu'à l'origine d'une perte de chance limitée d'échapper à celle-ci ;

- la caisse n'apporte aucun élément établissant quels frais supplémentaires, en-dehors des soins de chirurgie et de prothèse, ont été exposés en raison de manquements dans la prise en charge de l'infection ;

- les éléments produits par la caisse ne permettent pas de distinguer les soins imputables aux complications infectieuses de ceux imputables à l'intervention elle-même ;

- les frais futurs ne pourraient qu'être remboursés, sur justificatifs, dans la limite de la perte de chance retenue.

Par une ordonnance du 17 mai 2021, l'instruction a été close au 2 juin 2021.

Un mémoire, enregistré le 10 août 2021 présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

II. Par une requête enregistrée le 28 février 2020, sous le numéro 20LY00880, et un mémoire enregistré le 14 mai 2021, l'ONIAM, représenté par Me Saumon, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1701886 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 41 394,79 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier de l'année suivant la réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais d'expertise amiable et judiciaire ainsi que la somme de 1 520,82 euros, au titre des dépens, assorties des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit un complément d'expertise ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, les mêmes moyens que ceux analysés sous le n° 20LY00764.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête de l'ONIAM.

Il soutient que :

- si les experts critiquent le traitement de l'infection, en particulier le traitement par Fucidine, administré au patient du 12 au 15 avril 2006 en monothérapie, et l'absence de concertation pluridisciplinaire, ils n'indiquent pas en quoi ces dysfonctionnements ont contribué à l'aggravation de l'état de santé du patient et à son amputation ;

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre la prise en charge du sepsis survenu dans les suites de l'intervention du 12 avril 2006 et l'amputation du patient ;

- la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Rhône-Alpes n'a pas considéré que les dysfonctionnements dans la prise en charge de M. A... à la suite de l'intervention du 12 avril 2006 ont pu être à l'origine du dommage ;

- en admettant même que la qualité de la prise en charge de M. A... ait contribué à son amputation, ces manquements n'ont été qu'à l'origine d'une perte de chance limitée d'échapper à celle-ci ;

- la dépense alléguée concernant les frais de déménagement n'est pas établie ;

- la perte de gains professionnels alléguée n'est pas certaine ;

- il ne saurait prendre en charge les frais de médecin conseil exposés lors de l'expertise du 4 janvier 2011 à laquelle il n'était pas présent ;

- il n'est pas établi que les frais de prothèse de bain dont l'ONIAM demande le remboursement n'auraient pas été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou par une mutuelle ;

- les indemnités réclamées au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice esthétique permanent sont excessives ;

- la demande présentée au titre du préjudice sexuel, qui n'a pas été retenu par les experts, sera rejetée ou ramenée à de plus justes proportions.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, conclut :

1°) à l'annulation du jugement n° 1701886 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser, à titre principal, la somme de 332 473,22 euros, à titre subsidiaire, la somme de 66 494,64 euros, en remboursement des débours qu'elle a exposés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2018, eux-mêmes capitalisés ;

3°) à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, augmentée des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) subsidiairement, à ce qu'un complément d'expertise confié à un médecin infectiologue soit ordonné ;

5°) à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux analysés sous le n° 20LY00764.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles l'article L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Raismes, représentant le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un accident de la circulation, M. A... a été admis le 15 octobre 2004 au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand pour une fracture comminutive ouverte du tibia droit et une fracture comminutive fermée de la malléole externe droite, associées à des contusions cutanées majeures. Une infection par staphylocoque doré méti-sensible, diagnostiquée le 31 janvier 2005, a été traitée par antibiotiques jusqu'en avril 2005. Cette infection a récidivé au cours du mois de juillet 2005, nécessitant la poursuite de l'antibiothérapie jusqu'à la fin du mois d'octobre 2005. Des prélèvements effectués le 8 mars 2006 à l'occasion d'une intervention d'ablation du matériel d'ostéosynthèse se sont révélés stériles et ont permis de déduire que cette infection était guérie. Demeurant atteint d'une pseudarthrose, M. A... a subi le 12 avril 2006 une arthrodèse de la cheville droite dans les suites de laquelle il a présenté des signes d'infection. Des prélèvements ont mis en évidence une infection à pseudomonas aeruginosa et ont également révélé la présence d'un staphylocoque à coagulase négative multi-résistant. Compte tenu de la gravité de son état, M. A... a subi une amputation partielle de la jambe droite le 14 juin 2006. M. A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'Auvergne d'une demande d'indemnisation. Par un avis du 11 septembre 2007, rendu après une expertise médicale confiée au docteur B..., médecin spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologique, et au docteur C..., infectiologue, cette commission a estimé que les infections contractées par M. A... ne présentaient pas de caractère nosocomial et que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand était responsable à hauteur de 20 % des préjudices subis résultant de fautes dans la prise en charge du patient et qu'il appartenait, en conséquence, à l'assureur de cet établissement de santé de faire une offre d'indemnisation dans cette limite.

2. Parallèlement, M. A... a assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin d'obtenir réparation des préjudices qu'il a subis en lien avec les infections qu'il a contractées. Ce tribunal a ordonné la réalisation d'une expertise judiciaire, confiée au même collège d'experts. Ceux-ci ont remis leur rapport le 8 mars 2011. Après avoir écarté une exception d'incompétence opposée par l'ONIAM, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 15 octobre 2013, dont il est constant qu'il est devenu définitif, retenu le caractère nosocomial de l'infection contractée au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à la suite de l'intervention du 12 avril 2006, et, en conséquence, a condamné l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, à verser à M. A... une somme de 201 641,65 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de cette infection, a mis à la charge de l'ONIAM les dépens ainsi que la somme de 4 500 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus de la demande.

3. Sur le fondement de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, l'ONIAM a alors saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 201 641,65 euros qu'il a versée à la victime en exécution du jugement civil du 15 octobre 2013 ainsi que les sommes de 4 500 euros et de 4 520,82 euros correspondant aux frais d'instance et aux dépens qu'il a exposés devant la juridiction judiciaire. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à la cause, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 332 473,22 euros au titre de ses débours. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, l'ONIAM et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme font appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.

Sur la charge de la réparation :

4. En vertu des dispositions du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du même code, les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, ainsi que les décès provoqués par des infections nosocomiales, sont réparés au titre de la solidarité nationale. Aux termes du I de l'article L. 1142-21 : " Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure. Lorsqu'il résulte de la décision du juge que l'office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l'article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le service ou l'organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la responsabilité d'un établissement de santé au titre d'une infection nosocomiale ayant entraîné des conséquences répondant aux conditions de l'article L. 1142-1-1 ne peut être recherchée, par la victime elle-même ou ses subrogés ou par l'ONIAM dans le cadre d'une action récursoire, qu'à raison d'une faute établie à l'origine du dommage.

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage.

6. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, les sommes que le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a, par le jugement du 15 octobre 2013, condamné l'ONIAM à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, tendent à réparer les préjudices qu'il a subis consécutivement à l'épisode infectieux contracté dans les suites de l'intervention du 12 avril 2006. Dès lors, l'ONIAM ne peut se prévaloir, à l'appui de son action récursoire intentée en vertu du I de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, que de fautes qui auraient été commises par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à l'origine du dommage consécutif à cette infection. Il résulte en outre de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que l'infection par staphylocoque doré contractée par M. A... à la suite de son accident de la circulation est distincte de l'infection à d'autres germes diagnostiquée à la suite de l'intervention du 12 avril 2016 et que cette première infection était guérie à cette date, malgré la persistance d'une pseudarthrose. Dès lors, l'ONIAM et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ne peuvent utilement se prévaloir de fautes que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand aurait commises dans les actes de soins réalisés en lien avec l'infection par staphylocoque doré.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment des indications données par M. A... lors des opérations d'expertise, que, la veille de l'intervention du 12 avril 2006 au cours de laquelle il a contracté une infection à staphylocoque à coagulase négative multi-résistant et à pseudomonas aeruginosa, le patient a lui-même procédé à une dépilation du site opératoire au moyen d'une tondeuse et non, comme l'ont relevé à tort les experts et comme le reprend l'ONIAM dans ses écritures, à l'aide d'un rasoir mécanique. Les recommandations médicales, en vigueur à la date des faits et issues de la conférence de consensus du 5 mars 2004 relative à la gestion préopératoire du risque infectieux, préconisaient de ne pas réaliser systématiquement de dépilation préopératoire et, pour le cas où elle l'aurait été, de recourir à l'usage d'une tondeuse, ce qu'a fait M. A.... Ainsi, à supposer même que cette dépilation préopératoire ait été effectuée par le patient à la demande de l'équipe médicale et non de sa propre initiative, ce qui ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des rapports d'expertise, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand n'a pas commis de manquement caractérisé aux obligations posées en matière de lutte contre les infections nosocomiales en invitant M. A... à procéder à une dépilation par tonte préalablement à l'intervention du 12 avril 2006.

8. En troisième lieu, l'ONIAM fait valoir que l'absence de sollicitation de l'avis d'un infectiologue, alors que la survenue d'une infection ostéo-articulaire requiert une prise en charge multidisciplinaire, a été à l'origine de la mise en place d'une antibiothérapie inadaptée, tant en ce qui concerne le choix et la posologie de la molécule destinée à lutter contre la première infection que l'usage non conforme aux règles de l'art de l'antibiotique à base d'acide fusidique prescrit du 12 au 15 avril 2006 à la suite de la seconde infection.

9. Comme il a été dit au point 6, l'ONIAM ne peut, à l'appui de son action récursoire à l'encontre du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, se prévaloir de fautes qui auraient été commises dans la prise en charge de la première infection, dont le juge civil n'a pas condamné l'Office à réparer les conséquences dommageables pour la victime.

10. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que M. A... s'est vu administrer, du 12 au 15 avril 2006, un antibiotique en monothérapie, à base d'acide fusidique (Fucidine), destiné à lutter contre l'infection contractée lors de l'intervention du 12 avril 2006, alors que les règles de l'art imposent de ne jamais prescrire ce médicament en monothérapie, laquelle est susceptible de favoriser rapidement l'émergence de souches bactériennes résistantes. Si seul le germe Pseudomonas aeruginosa, ne présentant pas de résistance particulière, avait été identifié le 13 avril 2006 puis le 17 avril suivant, une biopsie du tibia droit, effectuée le 15 mai 2006, a révélé la présence d'un staphylocoque epidermis multi-résistant, seulement sensible à la vancomycine, à la teicoplanine (Targocid) et à la linézolide (Zyvoxid). Il résulte de l'instruction, notamment de la littérature scientifique citée dans le rapport médical critique produit par l'ONIAM en appel, que l'amputation d'un patient sans antécédent médical, tel que M. A..., âgé de 29 ans à la date de l'accident de circulation, à la suite d'une ostéite prise en charge conformément aux règles de l'art, constitue un événement rare, dont le taux de survenue est de l'ordre de 4 %. S'il n'est pas certain, en l'espèce, que le dommage ne serait pas advenu en l'absence de prescription en monothérapie de Fucidine, il n'est pas davantage établi avec certitude, alors même que ce traitement n'a été administré que sur une période de quatre jours et qu'une nouvelle antibiothérapie, associant trois molécules, a été mise en place à compter du 20 avril 2006, que M. A... aurait contracté, sans ce traitement favorisant l'émergence rapide de souches résistantes, un staphylocoque présentant de telles souches résistantes, à l'origine pour partie de l'amputation. A cet égard, les experts relèvent que ce staphylocoque epidermis multi-résistant n'a pas été pris en compte en mai 2006 dans le spectre de l'antibiothérapie alors mise en place. Dans ces conditions, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a, en administrant une antibiothérapie non conforme aux règles de l'art, commis une faute établie qui a fait perdre à M. A... une chance d'éviter l'amputation de sa jambe droite dont il y a lieu, eu égard à l'ensemble des circonstances rappelées ci-dessus, d'évaluer l'ampleur à 20 % et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la réparation de cette fraction du dommage corporel.

Sur l'évaluation des préjudices :

11. La nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique en raison d'une faute dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre d'indemnité ou d'intérêts.

12. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que la consolidation de l'état de M. A... en lien avec son amputation doit être fixée à la date du 2 février 2007.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé restées à la charge de M. A... :

13. Si M. A... s'est acquitté, le 3 octobre 2011, d'une somme de 1786,53 euros correspondant à l'acquisition d'une prothèse, d'un moulage et d'une pièce articulée de cheville, il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a concomitamment pris en charge des frais d'appareillage à hauteur de 984,16 euros. En outre, il n'est pas établi, comme le relève le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, que le reliquat n'aurait pas été pris en charge par un organisme de mutuelle ou de prévoyance. Par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à solliciter le remboursement de frais restés à la charge de M. A... au titre de l'acquisition de ce matériel.

Quant à la perte de gains professionnels actuels :

14. L'ONIAM fait valoir que M. A... a, du fait de la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, été privé d'une prime d'intéressement du 12 avril 2006 au 30 novembre 2006, d'un montant de 2 689,72 euros. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que M. A..., à la suite de l'intervention d'arthrodèse de la cheville droite pratiquée le 12 avril 2006 et rendue nécessaire par son état de santé, aurait pu reprendre, avant le mois de novembre 2006 son activité professionnelle antérieure d'animateur de réseau de vente au sein de l'entreprise Dafy Moto et nécessitant des déplacements fréquents sur l'ensemble du territoire. Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.

Quant à l'assistance temporaire par une tierce personne :

15. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les complications imputables à l'amputation de la jambe droite de M. A... ont nécessité qu'il soit assisté d'une tierce personne durant un mois avant de disposer d'une prothèse temporaire de jambe au cours du mois d'août 2006. Ce besoin peut être évalué, en l'espèce, à deux heures par jour. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Dès lors que l'aide par une tierce personne consiste en une aide-ménagère, laquelle peut être fournie par un personnel non spécialisé, il y a lieu de calculer la somme due à partir d'un taux horaire de 11,70 euros, légèrement supérieur au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré des cotisations sociales en 2006, tenant compte ainsi des majorations de rémunération pour travail du dimanche. Dans ces conditions, le besoin d'aide par une tierce personne pour la période en cause doit être évalué à la somme arrondie de 793 euros. Compte tenu du coefficient de perte de chance énoncé au point 10, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à l'ONIAM à ce titre, une somme de 158,60 euros.

Quant aux frais divers :

16. En premier lieu, il est constant qu'à la suite de son amputation, M. A... a été contraint de déménager pour vivre dans un immeuble doté un ascenseur. A cet égard, il est versé au débat un devis du 22 septembre 2006 émanant d'une entreprise de déménagement et dont les mentions indiquent qu'il vaut contrat lors de sa signature par le client. Ce document, signé par M. A..., fait état de frais de déménagement entre le précédent domicile de l'intéressé, situé à Clermont-Ferrand, et son nouveau domicile, situé sur le territoire de la commune de Beaumont, à hauteur de 968,76 euros. Ces frais, mis à la charge de l'ONIAM par le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 15 octobre 2013, ont été exposés par M. A... en lien direct avec son amputation. La circonstance qu'une attestation notariale du 5 mars 2012 indique, qu'à cette date, M. A... était locataire d'un appartement situé à Chamalières dans un immeuble pourvu d'un ascenseur, ne permet pas d'inférer qu'il n'aurait pas exposé en 2006 les frais de déménagement indiqués ci-dessus à la suite de son amputation. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une fraction de 20 % de ces frais, soit la somme de 193,75 euros.

17. En deuxième lieu, M. A... a eu recours à l'assistance d'un médecin conseil à l'occasion de l'expertise ordonnée par un jugement avant dire droit du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 28 juin 2010, et s'est acquitté à ce titre de la somme 2 440 euros, mise à la charge de l'ONIAM. Ce rapport d'expertise, qui précise les conclusions de celle ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'Auvergne, est utile à la solution du litige, alors même que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand n'a pas été attrait aux opérations de cette expertise. En vertu du principe de réparation intégrale du préjudice et dès lors que les frais ainsi engagés résultent entièrement du dommage subi, l'ONIAM a droit au remboursement de l'intégralité de la somme de 2 440 euros qui a été mise à sa charge.

18. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a exposé des frais de taxi à hauteur de 7,64 euros pour se rendre à la clinique de la Chataigneraie le 22 novembre 2010 en vue de subir une reprise du moignon de la jambe amputée. Compte tenu du taux de perte de chance, l'ONIAM est fondé à solliciter à ce titre une somme de 1,53 euro.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

19. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, que M. A... a subi, en lien direct avec l'infection par un staphylocoque multi-résistant dont il a été victime à la suite de l'intervention du 12 avril 2006, un déficit fonctionnel temporaire total lors de périodes d'hospitalisation du 6 au 7 juin 2006, du 13 au 23 juin 2006, du 4 au 13 juillet 2006, soit durant 23 jours, puis partiel, à hauteur de 40 %, du 17 mai 2006 au 5 juin 2006, du 8 au 12 juin 2006, du 24 juin 2006 au 3 juillet 2006 et du 14 juillet 2006 au 5 février 2007, date de consolidation, soit durant 242 jours. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire ainsi subi par M. A... en l'évaluant à la somme de 1 560 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, l'indemnité due par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à l'ONIAM à ce titre s'élève à la somme de 312 euros.

Quant aux souffrances endurées :

20. Il résulte de l'instruction que les experts ont, à l'occasion de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, évalué les souffrances endurées par M. A... à 5 sur une échelle de 7. Ces mêmes experts n'exposent pas les motifs qui les ont conduits à s'écarter de cette appréciation lors de l'évaluation qu'ils ont faite de ce même poste de préjudice à l'occasion de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. Ainsi, au vu de souffrances physiques et morales qui doivent être estimées à 5 sur 7, et compte tenu du taux de perte de chance de 20 %, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à l'ONIAM une somme de 2 600 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

21. M. A... a subi un préjudice esthétique temporaire, évalué par les experts à 3 sur une échelle de 7. Compte tenu du taux de perte de chance, l'ONIAM a droit à ce titre au versement d'une somme de 720 euros.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

22. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. A... demeure atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 40 %, acquis à l'âge de 31 ans dû à l'amputation de sa jambe droite. Eu égard à son âge et au retentissement de ces séquelles dans ses conditions d'existence, il y a lieu d'évaluer ce préjudice à la somme de 96 000 euros. Après application du taux de perte de chance, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à ce titre doit être fixée à la somme de 19 200 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

23. M. A... a subi un préjudice esthétique permanent, évalué par les experts à 3 sur une échelle de 7, qu'il y a lieu d'indemniser, compte tenu du taux de perte de chance, à hauteur de 720 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

24. Il résulte de l'instruction que M. A..., lequel ne peut plus pratiquer le rugby, la course à pied et la moto, a subi un préjudice d'agrément, qui peut être évalué, en l'espèce, à la somme de 10 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à l'ONIAM à ce titre une somme de 2 000 euros.

Quant au préjudice sexuel :

25. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel de M. A... en l'évaluant à la somme de 5 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, l'ONIAM est fondé à demander le remboursement d'une somme de 1 000 euros à ce titre.

En ce qui concerne la prise en charge des frais liés aux dépens de l'instance judiciaire :

26. Il résulte de l'instruction que l'ONIAM a été condamné par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand à supporter la charge des dépens de l'instance judiciaire, en ce qu'ils incluent les frais d'expertise judiciaire, s'élevant à la somme de 4 000 euros, dont l'ONIAM justifie du paiement. Ces frais sont au nombre des préjudices résultant directement du dommage subi par M. A... et dont l'ONIAM est fondé à demander le remboursement par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à hauteur de l'ampleur de la chance perdue. En revanche, les autres dépens de l'instance judiciaire, relatifs à des frais d'assignations, à hauteur de 1 520,82 euros, ne sont pas directement liés au dommage subi par la victime. Il y a lieu, dès lors, de mettre à la charge de ce dernier 20 % des seuls frais de l'expertise judiciaire, soit 800 euros.

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme :

En ce qui concerne les dépenses de santé avant consolidation :

27. En premier lieu, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a produit un décompte détaillant les débours qu'elle a engagés duquel il résulte que seuls les frais hospitaliers exposés à compter du 6 juin 2006 sont imputables à la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Ces frais s'élèvent à la somme de 31 463,79 euros. La caisse peut ainsi prétendre au remboursement de la somme de 6 292,76 euros après application du taux de perte de chance de 20 %.

28. En second lieu, le décompte produit par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ne permet pas, à lui seul, d'identifier des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport qu'elle aurait exposés en lien direct avec la faute commise par l'établissement de santé avant la date de consolidation, alors au demeurant que l'attestation établie par le médecin conseil de la caisse relève que les bases de remboursement ne sont pas disponibles avant la date du 1er février 2008. Malgré une mesure d'instruction en ce sens, la caisse n'a pas précisé les autres dépenses de santé directement imputables à la faute commise par centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand qu'elle aurait exposées avant la date de consolidation. Par suite, sa demande doit être rejetée.

En ce qui concerne les dépenses de santé entre la date de consolidation et la date de l'arrêt :

29. Il résulte de l'attestation d'imputabilité établie le 6 juillet 2021 par le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme que cette dernière justifie avoir exposé, en lien avec la faute commise, des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, de soins infirmiers, d'examens biologiques, d'imagerie médicale, d'appareillage, de kinésithérapie, de consultations médicales, et de transport à hauteur de 79 699,77 euros. Compte tenu du taux de perte de chance défini au point 10, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a droit à la somme de 15 939,95 euros.

En ce qui concerne les dépenses de santé postérieures à la date de l'arrêt :

30. Le renouvellement périodique et l'entretien des prothèses de M. A... entraînera des dépenses d'appareillage à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie. Eu égard aux dispositions de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. En outre, il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation d'imputabilité actualisée au 6 juillet 2021, que le coût à la charge de l'assurance maladie pour deux prothèses tibiales, renouvelées tous les trois ans, un manchon en silicone supplémentaire ainsi que des bonnets et gaines couvre-moignon s'élève à la somme annuelle de 4 432,37 euros. Compte tenu de l'âge de quarante-six ans de M. A... à la date du présent arrêt, et eu égard au prix de l'euro de la rente viagère à quarante-six ans de 34,481 qui correspond au barème de capitalisation actualisé en 2020 reposant sur la table de survie masculine de 2014-2016 publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, il y a lieu d'évaluer le coût futur des dépenses d'appareillage après la date du présent arrêt à la somme de 152 832,55 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à rembourser 20 % de ces frais, compte tenu du taux de perte de chance, sur présentation de justificatifs et au fur et à mesure de leur exposition à compter du présent arrêt, dans la limite de la somme de 30 566,51 euros.

En ce qui concerne les indemnités versées au titre de la perte de gains professionnels actuels :

31. D'une part, si la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demande à être remboursée des indemnités journalières qu'elle a versées à M. A... à hauteur de 14 107,02 euros entre le 28 novembre 2005 et le 3 décembre 2006, il résulte de ce qui a été dit au point 14 qu'il n'est pas établi que M. A..., compte tenu de l'arthrodèse qu'il a subie le 12 avril 2006, aurait pu reprendre une activité professionnelle avant le 4 décembre 2006, date à laquelle il a été reclassé dans un emploi administratif. Par suite, les indemnités journalières versées à l'intéressé entre le 28 novembre 2005 et le 3 décembre 2006 sont sans lien avec la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ayant concouru à l'émergence d'un staphylocoque multi-résistant.

32. D'autre part, si la caisse primaire d'assurance maladie fait état, dans le décompte de débours du 6 juillet 2021, d'indemnités journalières versées à M. A... du 23 novembre 2010 au 5 mars 2011 puis du 18 décembre 2017 au 2 janvier 2018, elle n'a pas demandé, dans ses écritures, à être remboursée des frais qu'elle a exposés à ce titre.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

33. Il y a lieu, en application des dispositions combinées des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 1 098 euros qui sera versée à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

34. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise, d'une part, que l'ONIAM et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes et, d'autre part, qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à l'ONIAM une somme de 30 145,88 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 22 232,71 euros et à rembourser 20 % des frais futurs d'appareillage, sur présentation de justificatifs et au fur et à mesure de leur exposition à compter du présent arrêt, dans la limite de la somme de 30 566,51 euros.

Sur les intérêts :

35. D'une part, l'ONIAM, dont la réclamation préalable a été adressée au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 1er août 2017, demande les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2018. Dès lors, il y a lieu d'assortir la somme de 26 905,88 euros des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2018. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par l'ONIAM le 11 octobre 2017. A cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, seulement à compter du 1er janvier 2019 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

36. D'autre part, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 22 232,71 euros qui lui est due à compter du 6 mars 2018, date d'enregistrement de son mémoire au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand demandant pour la première fois le versement des intérêts. Elle a, en outre, demandé la capitalisation des intérêts dans ce même mémoire. Il y a lieu, par suite, de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts à compter du 6 mars 2019, date à laquelle a été due au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ultérieure. En revanche, la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à solliciter le versement d'intérêts sur la somme due au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais liés au litige :

37. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 1 500 euros à verser à l'ONIAM et une somme de 800 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1701886 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à verser à l'ONIAM une somme de 30 145,88 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 1er janvier 2018. Les intérêts échus le 1er janvier 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 22 232,71 euros au titre des débours qu'elle a exposés. Cette somme portera intérêts à compter du 6 mars 2018. Les intérêts échus le 6 mars 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand remboursera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au fur et à mesure de ses débours et dans la limite de la somme totale de 30 566,51 euros, 20 % des sommes relatives aux frais futurs d'appareillage de M. A....

Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 6 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera à l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

3

N° 20LY00764,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00764
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-02 Responsabilité de la puissance publique. - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. - Action récursoire.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : NOLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-10-14;20ly00764 ?
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