Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
- de condamner la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser les sommes de 10 210,28 euros, en paiement d'arriérés de supplément familial de traitement et d'indemnité de résidence pour les périodes du 1er mai au 31 décembre 2015 et du 1er mars au 31 décembre 2016, et de 12 716,55 euros en réparation du préjudice financier résultant de la diminution de son traitement à compter du 1er janvier 2017 ;
- d'enjoindre au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes de le rémunérer à hauteur de son salaire de l'année 2016, hors primes et indemnités.
Par un jugement n° 1801384 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la région Auvergne-Rhône-Alpes à verser à M. A... l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement pour les périodes en cause, dans la limite de 10 210,28 euros, et, outre l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2019, et un mémoire, enregistré le 25 juin 2020, la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par Me Magnaval, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2019 en ce qu'il a condamné la région Auvergne-Rhône-Alpes à verser un rappel de supplément familial de traitement et d'indemnité de résidence à M. A... ;
2°) de rejeter la demande en première instance de M. A... ;
3°) de rejeter les conclusions incidentes de M. A... ;
4°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la rémunération de M. A... avait été déterminée et versée par une correcte application des dispositions combinées de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales et de l'article 110-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; la conciliation de ces dispositions conduit nécessairement, faisant primer le spécial sur le général, à limiter la rémunération globale, indivisible, des collaborateurs de groupe d'élus au montant plafonné de l'enveloppe budgétaire allouée à ce groupe sur un chapitre budgétaire spécial ; les accessoires à la rémunération ne peuvent être dissociés, au seul motif que l'intéressé a la qualité d'agent public, de la rémunération principale relevant de son emploi de collaborateur d'un groupe d'élus pour être imputés pour leur versement au budget général ;
- le collaborateur de groupe d'élus ne relève pas d'un emploi permanent de la collectivité et dépend ainsi exclusivement de ce groupe pour sa rémunération, qui ne constitue pas des frais de personnels ; l'imputation d'une partie de cette rémunération au budget général conduirait à une irrégularité comptable ;
- la région se trouvait en situation de compétence liée pour réajuster la rémunération de l'intéressé en fonction du seuil fixé par les dispositions du code général des collectivités territoriales ;
- M. A... a été informé de la modification des modalités de sa rémunération, égale dans son montant global, préalablement à la signature de l'avenant à son contrat et les a expressément acceptées par cette signature.
Par un mémoire, enregistré le 24 décembre 2019, M. B... A..., représenté par Me Flandin, conclut :
- au rejet de la requête de la région Auvergne-Rhône-Alpes ;
- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2019 en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser une somme de 8 690,55 euros en réparation de préjudices subis de janvier 2017 à février 2018 et de 4 026 euros en réparation de préjudices subis de mars à août 2018 ;
- à la condamnation de la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser lesdites sommes ;
- à ce que soit mise à la charge de la région Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 4 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ; c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a condamné la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser une indemnité en réparation de la faute consistant en l'abstention de lui avoir attribué l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement ;
- les premiers juges ont dénaturé sa demande en la regardant fondée sur l'application de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales alors qu'il faisait valoir un comportement déloyal de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans l'exécution de son contrat et la violation de l'article 39-4 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- la modification de l'indice de son traitement constitue une modification substantielle de son contrat, sans son accord, et par suite une faute de la région Auvergne-Rhône-Alpes ;
- cette faute a entraîné pour lui des préjudices pour les sommes respectives de 8 690,55 et 4 026 euros.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Brière, pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que celles de Me Flandin, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1 M. B... A... a été recruté par la région Auvergne-Rhône-Alpes à compter du 1er mai 2015 jusqu'au 31 décembre 2015, puis à compter du 1er mars 2016 jusqu'au 31 mars 2017, en qualité de collaborateur de groupe d'élus. A compter du 1er janvier 2017, sa rémunération a été modifiée pour, à montant égal, intégrer le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence. M. A... a demandé à la région Auvergne-Rhône-Alpes de rétablir à 591 son indice net majoré de rémunération à compter du 1er décembre 2016, de continuer à percevoir le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence sur cette base, et de lui verser le rappel de rémunération correspondant pour la période du 1er mai 2015 à novembre 2016, par un courrier du 4 décembre 2017 sur lequel la région Auvergne-Rhône-Alpes a gardé le silence. Par un jugement n° 1801384 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la région Auvergne-Rhône-Alpes à verser à M. A... l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement pour les périodes du 1er mai au 31 décembre 2015 et du 1er mars au 31 décembre 2016, dans la limite de 10 210,28 euros. La région Auvergne-Rhône-Alpes demande à la cour l'annulation de ce jugement en tant qu'il porte sa condamnation et le rejet de la demande en première instance de M. A..., qui, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions et la condamnation de la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser une somme totale de 12 716,55 euros en réparation de préjudices nés de l'exécution de ses contrats.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2 Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment répondu, par l'analyse comparative des textes en cause qu'il avait antérieurement cités, au point 3 de son jugement, à l'argument faisant valoir la régularité budgétaire et comptable soulevé par la région Auvergne-Rhône-Alpes à l'appui de son moyen en défense tiré de la contrariété des textes statutaires avec la limitation budgétaire imposée par l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales à l'application duquel elle était tenue. L'appréciation ainsi portée par le tribunal sur la pertinence de ce moyen relève du bien-fondé et non de la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions de la région Auvergne-Rhône-Alpes à fin d'annulation de sa condamnation :
3 Aux termes de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales : " (...) Le président du conseil régional peut, dans les conditions fixées par le conseil régional et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes. Le conseil régional ouvre au budget de la région, sur un chapitre spécialement créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses, sans qu'ils puissent excéder 30 % du montant total des indemnités versées chaque année aux membres du conseil régional (...) ". Aux termes de l'article 110-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les agents contractuels recrutés sur le fondement du code général des collectivités territoriales pour exercer les fonctions de collaborateur de groupe d'élus sont engagés par contrat à durée déterminée (...) renouvelable, dans la limite du terme du mandat électoral de l'assemblée délibérante (...) " et aux termes de l'article 136 de la même loi : " (...) Les agents contractuels (...) recrutés dans les conditions prévues par les articles (...) 110-1 sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles (...) 20, premier et deuxième alinéas (...) du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant statut général des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement (...) ".
4 Si l'article L. 4132-23 précité du code général des collectivités territoriales a ainsi vocation à garantir le pluralisme au sein de l'assemblée régionale par l'allocation de moyens destinés à la rémunération des collaborateurs des groupes politiques, ses dispositions, législatives, relatives à la gestion budgétaire de ces moyens se combinent nécessairement avec les dispositions statutaires introduites par le législateur dans la loi du 26 janvier 1984 régissant spécifiquement les collaborateurs de groupes d'élus. Cette catégorie particulière d'agents publics, si elle est par suite soumise aux dispositions dérogatoires précitées prévues par l'article 136 de la même loi en matière notamment de recrutement et de cadre contractuel de l'exercice des missions auxquelles ces agents sont affectés, reste néanmoins régie pour le surplus, en vertu des renvois explicites opérés par cet article, par les dispositions statutaires générales applicables aux fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Il suit de là que les dispositions de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales ne sauraient avoir pour effet de réduire, pour les collaborateurs de groupes d'élus, le droit, après service fait, posé par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 pour les fonctionnaires à une rémunération comprenant, d'une part, selon le niveau de qualification des collaborateurs, le traitement, d'autre part, selon la situation personnelle des intéressés, les accessoires de ce dernier que sont le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence. Il en découle que, nonobstant le caractère accessoire au traitement du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence, ces prestations, indissociables de la qualité d'agent public du bénéficiaire, ne sont pas soumises au plafonnement des moyens alloués aux groupes d'élus, dont relève le traitement principal du collaborateur, fixé par l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales.
5 C'est dès lors à bon droit qu'après avoir relevé que les autres conditions d'éligibilité de M. A... au supplément familial de traitement et à l'indemnité de résidence ne sont pas contestées, le tribunal administratif de Lyon, par le jugement attaqué, a renvoyé l'intéressé devant la région Auvergne-Rhône-Alpes pour que soient liquidés et lui soient versés, dans la limite de ses conclusions indemnitaires chiffrés sur ce point à 10 210,28 euros, les arriérés de ces prestations afférents à la période du 1er mai 2015 au 31 décembre 2015, puis à celle du 1er mars 2016 au 31 décembre 2016.
6 Il résulte de ce qui précède que la région Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser les sommes correspondant à ces prestations à M. A....
Sur les conclusions incidentes de M. A... :
7 Aux termes de l'article 110-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée : " (...) La qualité de collaborateur de groupe d'élus est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent d'une collectivité territoriale et ne donne aucun droit à titularisation dans un grade de la fonction publique territoriale. ". Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que, le 23 janvier 2017, M. A... a signé un contrat par lequel il acceptait de percevoir une rémunération principale diminuée à concurrence du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence qui devaient lui être alloués à compter du 1er janvier 2017, sans qu'aient été modifiées ses fonctions de collaborateur d'un groupe d'élus. Par suite, ce contrat n'a en tout état de cause pas eu pour effet de l'affecter sur un emploi permanent, inscrit au tableau des emplois de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
8 Aux termes de l'article 39-4 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 : " En cas de transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel sur un emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l'autorité peut proposer la modification d'un élément substantiel du contrat de travail tel que notamment la quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail. Elle peut proposer dans les mêmes conditions une modification des fonctions de l'agent, sous réserve que celle-ci soit compatible avec la qualification professionnelle de l'agent. (...) Cette lettre informe l'agent qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation et l'informe des conséquences de son silence. " Le champ d'application de ces dispositions est limité par leur lettre même au cas de recrutement de l'agent contractuel sur un emploi permanent.
9 Il suit de là que M. A... ne pouvait utilement faire valoir en première instance une méconnaissance de ces dispositions, qui révèlerait une attitude déloyale de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans l'évolution de sa rémunération contractuelle, à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation pour faute de la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser une somme totale de 12 716,55 euros en réparation de préjudices nés de l'exécution de ses contrats. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est en dénaturant sa demande que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à ce moyen inopérant, ont rejeté lesdites conclusions.
10 Enfin, M. A... ne conteste pas, à l'appui de ses conclusions incidentes en appel, que le préjudice dont il demande réparation ne résulte pas directement de l'application illégale et unilatérale par la région Auvergne-Rhône-Alpes du plafond de dépenses institué par l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales. M. A... n'est par suite pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande à fin de condamnation et d'injonction.
11 Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la région Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser à M. A... le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence pour les périodes en litige, d'autre part, M. A... n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions que ce dernier présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
12 Il n'y a enfin, dans les circonstances de l'espèce, pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme que réclame la région Auvergne-Rhône-Alpes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la région Auvergne-Rhône-Alpes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à la réformation du jugement du 15 mai 2019 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 août 2021.
N° 19LY02703 7