Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... B... et Mme D... C... ont chacun demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 21 août 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2005458 et 2005459 du 2 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, M. B... et Mme C... représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 21 août 2020 du préfet de la Haute-Savoie ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder, sans délai, au réexamen de leur situation et de prolonger leur attestation de demandeurs d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que leur vie est menacée en Afghanistan et que la Grèce, qui leur a accordé le statut de réfugié, ne leur offre pas une protection effective ;
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
- ces décisions méconnaissent l'article 33 de la Convention de Genève en tant qu'elles emportent renvoi vers l'Afghanistan.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas présenté d'observations.
M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique, en présence des requérants ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C..., ressortissants afghans nés respectivement le 1er janvier 1977 et le 1er août 1990, qui ont obtenu le statut de réfugiés en Grèce le 22 janvier 2018, sont entrés en France le 21 mars 2019, selon leurs déclarations, en compagnie de leurs trois enfants mineurs et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié en France. Leurs demandes ont été rejetées comme irrecevables par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 juin 2020. Par deux arrêtés du 21 août 2020, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé comme pays de destination le pays dont ils possèdent la nationalité ou tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles. Par deux arrêtés du 5 octobre 2020, le préfet de la Haute-Savoie a retiré les décisions contenues dans ces arrêtés en tant qu'elles fixaient l'Afghanistan comme pays de destination et a décidé que les intéressés seraient éloignés à destination de tout pays, notamment la Grèce, dans lequel ils seraient légalement admissibles, à l'exception de l'Afghanistan. M. B... et Mme C... relèvent appel du jugement du 2 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 août 2020.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces des dossiers que M. B... et Mme C... sont entrés très récemment en France et qu'ils s'y maintiennent en situation irrégulière depuis le rejet de leur demande d'asile. Les requérants, qui sont titulaires d'un titre de séjour en Grèce où ils ont obtenu le statut de réfugiés, ne démontrent pas, par leurs seules affirmations relatives aux carences de l'Etat grec sur l'accueil des réfugiés, qu'ils ne pourraient mener une vie familiale normale dans ce pays. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet, en obligeant M. B... et Mme C... à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
4. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. B... et Mme C... sont susceptibles d'être reconduits.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
5. Aux termes de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. (...) ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, par des arrêtés du 5 octobre 2020, devenus définitifs, le préfet de la Haute-Savoie a retiré les décisions du 21 août 2020 en tant qu'elles désignaient l'Afghanistan comme pays de destination et a décidé que M. B... et Mme C... seraient éloignés à destination de tout pays, notamment la Grèce, dans lequel ils seraient légalement admissibles, à l'exception de l'Afghanistan. Les requérants ne peuvent ainsi utilement soutenir que les décisions fixant le pays de destination, en tant qu'elles rendent possible leur éloignement à destination de l'Afghanistan, méconnaissent l'article 33 de la Convention de Genève. En outre, M. B... et Mme C... ne démontrent pas qu'ils seraient personnellement exposés en Grèce à des risques de traitements inhumains ou dégradants, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la Convention de Genève ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 juin 2021.
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N° 20LY03564