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17/06/2021 | FRANCE | N°20LY02495

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20LY02495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 25 juin 2020 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003907 du 6 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 août...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 25 juin 2020 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003907 du 6 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 août 2020, M. C..., représenté par Me Combes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 août 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 25 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 3 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour pour une période de deux ans :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- sa durée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2021, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2020.

Par une ordonnance du 8 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B... D..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian né le 2 mars 1996, relève appel du jugement du 6 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 juin 2020 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

3. M. C... a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 11 juin 2018, après avoir séjourné pendant trois ans en Italie. A la date de la décision litigieuse, il ne résidait que depuis deux ans sur le territoire français, le temps de l'examen de sa demande d'asile, depuis rejetée. S'il est constant que sa compagne y vit également, ainsi que leur enfant né quelques jours avant la décision en litige, celle-ci ne dispose que d'un droit au séjour provisoire, en qualité de demandeur d'asile. Il ne démontre en outre nullement l'antériorité de leur relation. A l'exception d'une connaissance, il ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale en France, alors qu'il ne justifie pas en être dépourvu dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Dans ces circonstances, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Savoie a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées, ni qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 3 du présent arrêt, ainsi que du très jeune âge de son enfant et de la précarité du droit au séjour de la mère de celui-ci, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. M. C... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, laquelle n'a pas pour objet de fixer la destination de son éloignement.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée deux ans :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

9. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En second lieu, comme indiqué au point 3 du présent arrêt, M. C... ne résidait que depuis deux ans sur le territoire français, à la date de la décision en litige, où il ne dispose d'aucune attache privée ou familiale, à l'exception de sa compagne, laquelle, outre qu'il n'établit pas l'ancienneté de leur relation, ne dispose que d'un droit précaire au séjour en France, et de leur enfant, alors âgé de moins d'un mois. A l'inverse, il ne justifie pas en être dépourvu dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Enfin, il est constant qu'il s'est soustrait à l'arrêté pris à son encontre par le préfet de la Savoie le 6 février 2019 en vue de sa remise aux autorités italiennes. Dans ces circonstances, et alors même que sa présence sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de la Savoie a méconnu les dispositions précitées.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

12. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, où siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme B... D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

2

N° 20LY02495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20LY02495
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : COMBES DELPHINE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;20ly02495 ?
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