Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les décisions en date du 15 mars 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " avec droit de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer pendant ce délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, avec une astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1903962 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2020, Mme A... D..., représentée par Me B... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 15 mars 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " avec droit de travail dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant ce délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, avec une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- que le tribunal a méconnu les droits de la défense, en s'abstenant de lui adresser une convocation, pour qu'elle se présente à l'audience et fasse valoir ses droits ;
- le jugement en litige a omis de censurer la méconnaissance par le préfet de l'Ain de son droit à une vie privée et familiale normale ;
- s'agissant des moyens dirigés contre toutes les décisions, à l'exception de la désignation du pays de renvoi : elles sont entachées d'incompétence en l'absence de justification d'une délégation de signature régulière et sont insuffisamment motivées ;
- le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'accord franco-marocain en ce que le préfet a commis un excès de pouvoir, une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation, ainsi qu'en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale car entachée d'une erreur d'appréciation ainsi que d'erreurs de droit ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception des décisions précédentes ;
- la décision portant sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., ressortissante marocaine née le 13 mars 1959, est entrée en France le 30 septembre 2009 sous couvert d'un visa de long séjour. Elle s'est vu délivrer par la suite un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français pour la période de 29 septembre 2010 au 28 septembre 2011, avant de bénéficier de récépissés de demandes de renouvellement valables jusqu'au 1er septembre 2014, puis d'une carte de séjour temporaire valable du 17 mars 2015 au 16 mars 2016, délivrée suite à l'annulation d'un refus de titre de séjour par le tribunal administratif. Toutefois, le mariage de l'intéressée a été annulé par un jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 3 février 2014, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon. Le préfet de l'Ain a pris à l'encontre de Mme A... D... un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, par arrêté du 24 juin 2016, confirmé par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Lyon par des décisions du 24 janvier 2017 et du 5 juillet 2018. Mme A... D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 janvier 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...)". Il ressort des pièces du dossier que l'avocat de l'appelante a bien été convoqué à l'audience. Par suite, cette dernière ne peut utilement se prévaloir de ce que le tribunal administratif aurait méconnu les droits de la défense, en s'abstenant de lui adresser une convocation pour qu'elle se présente à l'audience et fasse valoir ses droits.
3. La circonstance que le jugement querellé aurait omis de censurer la méconnaissance par le préfet de l'Ain du droit de Mme A... D... de mener une vie privée et familiale normale n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé de ce jugement et demeure sans incidence sur sa régularité.
4. L'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement du 21 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon est entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Mme A... D... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation des décisions contestées. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
6. De même Mme A... D... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne prévoit également que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ". Il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... est arrivée en France en 2009, à l'âge de cinquante ans, et qu'elle s'y est maintenue au bénéfice de titres de séjour délivrés en raison de son mariage avec un ressortissant français, lequel a été annulé par la juridiction compétente, avant de faire l'objet d'une mesure d'éloignement édictée en juin 2016. Contrairement à ce qu'elle fait valoir, et sans qu'elle puisse utilement invoquer le principe non bis in idem inapplicable en matière de titre de séjour, l'administration a pu légalement lui opposer cette circonstance pour apprécier ses conditions de séjour sur le territoire français, ainsi que son intégration. Si elle se prévaut de la présence de sa mère et de membres de sa fratrie, ainsi que de liens amicaux dont, au demeurant elle ne justifie pas, de son intégration professionnelle et de sa maîtrise de la langue française, elle a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine. En outre, l'intéressée est célibataire et sans enfant à la date de l'arrêté litigieux. A cet égard, elle ne peut utilement se prévaloir du pacte civil de solidarité conclu avec un ressortissant français le 30 avril 2019, soit postérieurement aux décisions contestées du 15 mars 2019, étant précisé qu'aucun élément de nature à établir l'existence d'une vie commune préexistante n'est produit dans la présente instance. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Ain n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la fixation du délai de départ volontaire à trente jours :
8. Il ressort des termes mêmes des décisions en litige que la situation de l'intéressée a été prise en compte et que le préfet ne s'est pas cru tenu de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français. L'appelante ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont applicables qu'aux expulsions, alors que l'obligation de quitter le territoire dont elle fait l'objet constitue une mesure d'éloignement distincte, à laquelle ces dispositions ne sont pas applicables.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme A... D... n'est pas fondée à se prévaloir, à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation, de la décision fixant le pays de destination, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. /(...) /Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Si Mme A... D... fait valoir qu'elle vit depuis neuf ans en France et qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre et qu'elle n'a ni conjoint, ni enfant sur le territoire national, à la date de la mesure contestée. Par suite, le préfet n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en prenant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et en fixant à un an la durée de cette mesure.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.
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N° 20LY01762