Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Hôtel Le Lana SE a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que des majorations correspondantes, à hauteur d'un montant total de 11 954 euros.
Par un jugement no 1702604 du 19 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 juin 2019, la SAS Hôtel Le Lana SE, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme non chiffrée au titre des dépens.
Elle soutient que :
- les sommes qu'elle conserve sur les débours qu'elle verse à des sociétés tierces pour le compte de ses clients constituent le remboursement des frais bancaires qu'elle a engagés et non la rémunération de prestations de service rendues à ses clients ni à ces sociétés ;
- le service qu'elle rend à ses clients en réservant pour leur compte différentes prestations s'inscrit dans son activité d'établissement hôtelier de qualité et est en lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ;
- les sommes ainsi exposées, qui constituent des débours, ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en application du 2. du II de l'article 267 du code général des impôts ;
- à titre subsidiaire, elle peut prétendre à l'application de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 293 B du code général des impôts ;
- elle sollicite l'application du paragraphe 100 de l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-BAS-10-20-40-20 selon lequel : " Conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt du 29/03/01 aff 404/99), toutes les majorations de prix réclamées au titre du service à la clientèle des entreprises commerciales (exemples : hôtels, restaurants, cafés, brasseries, bars, salons de thé, salons de coiffure, cliniques, établissements thermaux, entreprises de transport ou de déménagement, maisons de repos ou de retraite, casinos, entreprises livrant à domicile des produits de toute nature) qu'elles soient centralisées par l'employeur ou perçues directement auprès de la clientèle par les employés au titre du " service " doivent être comprises dans la base d'imposition à la TVA de l'entreprise prestataire. " ;
- les intérêts de retard doivent être déchargés par voie de conséquence de la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés.
Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n'est recevable qu'à hauteur du quantum de la décharge sollicitée dans la réclamation préalable, soit 7 776 euros, et est irrecevable pour le surplus, soit 4 178 euros ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Hôtel Le Lana SE, qui exploite un hôtel à Courchevel (Savoie), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir constaté qu'elle offrait à ses clients un service de conciergerie consistant notamment dans la réservation de cours de ski et l'achat de forfaits de remontées mécaniques, dont elle encaissait le prix avant d'en reverser le montant aux prestataires de ces services sous la déduction d'un montant forfaitaire de 3 %, a soumis cette commission à la taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle rémunérait une prestation de gestion des règlements effectués pour le compte de ces prestataires. La SAS Hôtel Le Lana SE relève appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que des majorations correspondantes.
Sur l'existence d'une prestation de service entrant dans le champ d'application de la taxe :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ".
3. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.
4. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté que la SAS Hôtel Le Lana SE proposait à ses clients un service de conciergerie, dans le cadre duquel elle se chargeait de mettre ces derniers en relation avec les entreprises offrant des cours de ski et des forfaits de remontées mécaniques, notamment. Dans ce cadre, la SAS Hôtel Le Lana SE contactait, à la demande de ses clients, les prestataires des services dont ces derniers souhaitaient bénéficier durant leur séjour, assurait l'encaissement du prix de la prestation auprès de ses clients en même temps que le coût de ses propres prestations d'hôtellerie et reversait aux prestataires le montant des prestations acquises par ses clients, après déduction d'une retenue de 3 %, laquelle était comptabilisée dans les comptes " 6276603 COM CB " et " 6276604 COM AMEX ", ne donnait lieu à l'établissement d'aucune facture et n'avait pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
5. Il résulte de l'instruction que, comme la SAS Hôtel Le Lana SE le relève elle-même dans ses écritures d'appel, le service qu'elle rend à ses clients en réservant pour leur compte auprès de différents prestataires des activités s'intégrant dans leur séjour s'inscrit dans le cadre du service de conciergerie qu'elle met à leur disposition en tant qu'hôtel de catégorie cinq étoiles. Le service de conciergerie est un moyen, pour ses clients, de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale d'hôtellerie et représente ainsi le complément nécessaire de cette dernière. Dans ces conditions, les prestations de service qu'elle fournit dans le cadre de ce service de conciergerie, qui ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale d'hôtellerie, doivent être regardées comme des prestations accessoires de la prestation principale, et non comme une prestation de gestion de règlements pour le compte des prestataires, distincte et indépendante de la prestation d'hôtellerie. Par suite, et alors même qu'elle n'est pas facturée aux clients mais perçue auprès des prestataires, la commission forfaitaire retenue par la société requérante dans le cadre de ce service fourni à ses clients doit elle-même être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au même titre que la prestation d'hôtellerie.
6. Si la SAS Hôtel Le Lana SE se prévaut du paragraphe 100 de l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-TVA-BASE-10-20-40-20 selon lequel : " Conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt du 29/03/01 aff 404/99), toutes les majorations de prix réclamées au titre du service à la clientèle des entreprises commerciales (exemples : hôtels, restaurants, cafés, brasseries, bars, salons de thé, salons de coiffure, cliniques, établissements thermaux, entreprises de transport ou de déménagement, maisons de repos ou de retraite, casinos, entreprises livrant à domicile des produits de toute nature) qu'elles soient centralisées par l'employeur ou perçues directement auprès de la clientèle par les employés au titre du " service " doivent être comprises dans la base d'imposition à la TVA de l'entreprise prestataire. ", ce paragraphe ne donne de la loi aucune interprétation différente de celle qui résulte du point 5.
Sur la demande d'exemption des débours :
7. Aux termes de l'article 267 du code général des impôts : " II. - Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : (...) 2° Les sommes remboursées aux intermédiaires, autres que les agences de voyage et organisateurs de circuits touristiques, qui effectuent des dépenses au nom et pour le compte de leurs commettants dans la mesure où ces intermédiaires rendent compte à leurs commettants, portent ces dépenses dans leur comptabilité dans des comptes de passage, et justifient auprès de l'administration des impôts de la nature ou du montant exact de ces débours. ".
8. Il résulte de l'instruction que la SAS Hôtel Le Lana SE, qui n'a pas inscrit les commissions perçues dans des comptes de passage, n'a reçu de ses clients aucun mandat, ne leur a pas rendu compte des dépenses qu'elle a effectuées et qui ne peut être regardée comme un intermédiaire au sens du 2° du II de l'article 267 du code général des impôts ne peut, par suite, prétendre à l'exclusion de sa base d'imposition des commissions prélevées lors du reversement des sommes recouvrées auprès de ses clients.
Sur le bénéfice de la franchise :
9. D'une part, aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa version en vigueur : " I.- Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé :1° Un chiffre d'affaires supérieur à : a) 81 500 € l'année civile précédente ; b) Ou 89 600 € l'année civile précédente, lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a pas excédé le montant mentionné au a ;2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 600 € l'année civile précédente ; b) Ou 34 600 € l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. ". Aux termes du I de l'article 293 D du même code : " I. - Les chiffres d'affaires mentionnés aux I et IV de l'article 293 B sont constitués par le montant hors taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens et des prestations de services effectuées au cours de la période de référence, à l'exception des opérations exonérées et des cessions de biens d'investissement corporels ou incorporels mais y compris les opérations immobilières, bancaires, financières et des assurances qui n'ont pas le caractère d'opérations accessoires et les opérations visées au I et aux 1° à 7°, 12° et 14° du II de l'article 262 et à l'article 263. ".
10. D'autre part, aux termes du 1. de l'article 266 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ".
11. Il est constant que le chiffre d'affaires annuel, d'un montant supérieur à 8 millions d'euros, réalisé par la SAS Hôtel Le Lana SE à raison de son activité d'hôtellerie excède les seuils prévus par les dispositions du I de l'article 293 B du code général des impôts. Par suite, et alors même que le chiffre d'affaires réalisé au titre de sa seule activité accessoire de conciergerie n'excède pas ce seuil, la société requérante ne peut bénéficier de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue par ces dispositions.
Sur les intérêts de retard :
12. Il résulte de ce qui précède que la SAS Hôtel Le Lana SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes qu'elle a perçues en rémunération des prestations de réservation d'activités offertes à ses clients. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir, par voie de conséquence, qu'aucun intérêt de retard ne pouvait être mis à sa charge au titre de la période en litige.
13. Il résulte de ce qui précède la SAS Hôtel Le Lana SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Hôtel Le Lana SE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hôtel Le Lana SE et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.
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N° 19LY02303
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