Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL Soditer a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015 et des majorations correspondantes.
Par un jugement no 1702850 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, la SARL Soditer, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, à hauteur de 24 687 euros, et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 24 687 euros, qu'elle a acquittée sur les dépenses effectuées pour le compte de la SAS Bohême France, à hauteur de 186 770 euros HT, et qu'elle avait refacturées à cette société pour un montant de 205 000 euros HT, est déductible en application du 1° du I de l'article 271 du code général des impôts ;
- l'acquisition de biens et services et leur revente constitue une activité économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts de sorte que les biens et services acquis pour le compte de la SAS Bohême France et refacturés à cette société pour un prix supérieur à leur coût ont été utilisés pour les besoins d'une opération taxable ;
- l'administration ne pouvait remettre en cause son droit à déduction sans méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La SARL Soditer a produit un nouveau mémoire le 14 avril 2021, lequel, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Soditer, qui exerce à Chabeuil (Drôme) une activité de réparation d'ordinateurs et d'équipements périphériques et qui était dirigée par M. C... B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir constaté que la société avait réglé différentes dépenses, d'un montant total de 186 770 euros, pour le compte d'une société tierce, la SAS Bohême France, lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 24 687 euros, au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015, correspondant à la taxe que la société avait déduite à raison des dépenses en cause au motif que celles-ci n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ni dans le cadre d'une activité économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. La SARL Soditer relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes enfin de l'article 206 de la même annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de l'article 168 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique. Il y a lieu d'examiner, dans ce cas, si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti.
4. Il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité de la SARL Soditer, l'administration a constaté que la société avait comptabilisé, dans un compte 60710000 intitulé " frais à refacturer ", une somme, d'un montant total de 186 770 euros, qui, selon la société, avait été engagée pour le compte d'une société tierce, la SAS Bohême France. L'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 24 687 euros, que la société avait déduite, au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015, à raison de ces frais, en estimant que, dès lors qu'elle n'entretenait aucune relation juridique ni commerciale avec la SAS Bohême France, la refacturation de ces derniers, qui n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise, ne constituait pas une opération économique entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.
5. La SARL Soditer fait valoir que, le 31 décembre 2014, elle a refacturé à la SAS Bohême France, pour un montant HT de 205 000 euros, les frais et charges qu'elle avait avancés pour le compte de cette société, qu'elle a collecté à cette occasion une taxe de 41 000 euros et qu'en conséquence, elle doit être regardée comme ayant réalisé pour le compte de la SAS Bohême France une prestation rémunérée entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, la facture du 31 décembre 2014 établie par la SARL Soditer au nom de la SAS Bohême France ne porte comme seule mention que : " refacturation des frais et charges avancés pour le compte de la SAS Bohême ", ainsi qu'un montant global de 205 000 euros et ne comporte aucune précision et n'est assortie d'aucun justificatif, tel qu'un devis ou contrat, permettant de justifier et d'expliciter la nature et la teneur de la prestation que la SARL Soditer aurait effectuée pour le compte de cette société. La société requérante ne donne par ailleurs aucune indication sur les biens ou les prestations de services qu'elle prétend avoir acquis pour les revendre à la SAS Bohême France. Au demeurant, l'opération qu'elle présente comme un achat-revente ne correspond pas au libellé de la facture dont elle se prévaut, qui fait uniquement mention d'une refacturation de frais et charges. La circonstance que la facture du 31 décembre 2014 mentionne un montant de taxe collectée de 41 000 euros ne saurait, à elle seule, établir que la SARL Soditer aurait réalisé une opération économique imposable à la taxe sur la valeur ajoutée. Les dépenses en cause ne font pas davantage partie des frais généraux exposés par la société. Par suite, et à défaut de lien direct et immédiat entre un service rendu et une contre-valeur reçue, l'administration a pu, sans porter atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant cette facture.
6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Soditer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Soditer est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Soditer et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 juin 2021.
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N° 19LY02141
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