Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
I°) Par une requête n° 1700805, Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté en date du 16 novembre 2016 par lequel le préfet de l'Ardèche a déclaré d'utilité publique les travaux de captage de la Soubeyranne, fixé des mesures de protection de cette source et autorisé la production et la distribution d'eau pour la consommation humaine.
II°) Par une requête n° 1705023, M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté en date du 16 novembre 2016 par lequel le préfet de l'Ardèche a déclaré d'utilité publique les travaux de captage de la Soubeyranne, fixé des mesures de protection de cette source et autorisé la production et la distribution d'eau pour la consommation humaine, ensemble la décision de rejet implicitement née sur son recours gracieux du 31 mai 2017.
Par un jugement nos 1700805-1705023 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a joint et rejeté ces demandes.
Procédures devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 mars 2019 et un mémoire enregistré le 21 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Bard (SELARL Bard), avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 16 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête et sa demande de première instance sont recevables ;
- le tribunal administratif s'est fondé sur une pièce qui n'a pas été soumise au contradictoire pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige ;
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- l'auteur de l'arrêté en litige n'était pas compétent pour le signer, à défaut de justifier d'une délégation à cette fin ;
- le dossier d'enquête publique présentait des insuffisances, quant à l'évaluation sommaire des dépenses et au rapport hydrogéologique, compte tenu de l'erreur commise quant à la localisation de la source, et en s'abstenant de mentionner l'entrée en vigueur du nouveau SDAGE ;
- l'arrêté en litige, tout comme l'ensemble de la procédure qui l'a précédé, sont entachés d'une erreur de fait, quant à la localisation de la source ;
- l'arrêté en litige s'abstient de localiser cette source, en méconnaissance de l'article R. 1321-8 du code de la santé publique ;
- il méconnaît son droit de propriété, protégé par l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et les articles 552 et 545 du code civil ;
- l'arrêté en litige, et les servitudes qu'il instaure, ne sont pas justifiés, par comparaison du coût du projet à ses avantages ;
- l'arrêté en litige procède d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il expose que :
- la recevabilité de la demande de première instance n'est pas démontrée ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 février 2021.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... G..., première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté en date du 16 novembre 2016, le préfet de l'Ardèche a déclaré d'utilité publique les travaux de captage de la Soubeyranne, a fixé des mesures de protection de cette source et a autorisé la production et la distribution d'eau pour la consommation humaine. Mme B..., propriétaire de parcelles situées dans les périmètres de protection du captage, demande l'annulation du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. En concluant également, dans les développements de sa requête, à l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2016, elle doit être regardée comme ayant en outre entendu réitérer cette demande et conclure au fond.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des écritures produites en première instance par Mme B... que celle-ci s'était expressément prévalu du moyen tiré du détournement de pouvoir dont procèderait l'arrêté en litige. Bien qu'ayant visé ce moyen, le tribunal administratif de Lyon a, pour écarter un autre moyen, estimé que " l'existence d'un détournement de pouvoir n'est [pas] invoquée " et n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant.
3. Il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen contestant la régularité du jugement attaqué, que celui-ci est irrégulier et doit être annulé.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté attaqué :
5. L'arrêté attaqué a été signé par M. Claudon, secrétaire général de la préfecture de l'Ardèche, qui avait reçu délégation du préfet de l'Ardèche à cette fin par arrêté du 16 juin 2016 régulièrement publié le jour même au recueil des actes de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit être écarté.
En ce qui concerne le dossier soumis à enquête publique :
6. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 1321-3 du même code : " Les indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 215-13 du code de l'environnement : " La dérivation des eaux d'un cours d'eau non domanial, d'une source ou d'eaux souterraines, entreprise dans un but d'intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d'utilité publique les travaux. ".
7. En l'absence de dispositions spécifiques définissant la procédure qui leur est applicable, les actes portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines pris sur le fondement de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique rappelé ci-dessus sont régis par les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en vigueur à la date de leur adoption.
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité ". L'article R. 112-4 du même code prévoit que : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : (...) 5° L'appréciation sommaire des dépenses ".
9. L'obligation ainsi faite à l'autorité publique qui poursuit la déclaration d'utilité publique de travaux ou d'ouvrages a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique. A cet égard, lorsqu'une source est située dans le tréfonds d'une parcelle se trouvant dans le périmètre de protection immédiat déterminé par l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement de son eau et est exploitable par le propriétaire de la parcelle ou à son profit à la date d'ouverture de l'enquête publique, son caractère exploitable est susceptible de conférer à cette parcelle une plus-value, compte tenu le cas échéant des dépenses nécessaires à la mise en exploitation, qui doit être prise en compte dans le coût de son acquisition et, par suite, dans l'appréciation sommaire des dépenses figurant dans le dossier d'enquête publique.
10. Toutefois, la seule circonstance que certaines dépenses auraient été omises n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure si, compte tenu de leur nature, leur montant apparaît limité au regard du coût global de l'opération et ne peut être effectivement apprécié qu'au vu d'études complémentaires postérieures, rendant ainsi incertaine leur estimation au moment de l'enquête. Par ailleurs, les inexactitudes, omissions ou insuffisances du dossier d'enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
11. En premier lieu, si, par un jugement du 6 juin 2013 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Privas a reconnu la propriété de Mme B... et a condamné la commune d'Albon-d'Ardèche à lui verser une somme de 3 000 euros en raison de la privation d'accès à la parcelle D 61, ce jugement n'a pas pour objet de déterminer la délimitation exacte de cette parcelle et, s'il a fait état de la présence de la source sur la parcelle de Mme B..., il n'en a tiré aucune conséquence en n'accordant pas d'indemnisation à ce titre. En tout état de cause, revêtu de la seule autorité relative de la chose jugée, il n'est pas opposable au ministre, qui n'était pas partie dans cette instance. Mme B... ne produit aucun état parcellaire tendant à contredire ceux produits par le ministre ou figurant dans le dossier de demande, notamment dans le rapport hydrogéologique, lequel indique que " le captage se situe sur la parcelle n°62 de la section D1 du plan cadastral de la commune d'Albon d'Ardèche ". Cette localisation du captage à l'extérieur de la parcelle D 61 appartenant à Mme B... a depuis été confirmée par la proposition de bornage établie par un géomètre expert le 27 juillet 2020. Par suite, Mme B... ne démontre pas qu'ainsi qu'elle le prétend, le dossier soumis à enquête publique serait entaché d'une erreur de fait quant à la localisation du captage et à la propriété de son terrain d'assiette.
12. En deuxième lieu, le dossier de demande soumis à enquête publique comportait une estimation sommaire du coût des travaux à réaliser, s'élevant à près de 20 000 euros et intégrant des " dépenses diverses " d'un montant de 3 000 euros couvrant notamment l'acquisition du foncier. Mme B..., qui ne prétend pas que d'autres acquisitions foncières qu'une partie minime de sa parcelle D 61 seraient requises, ne produit aucune pièce permettant d'apprécier la valorisation de sa parcelle. Par ailleurs, à supposer même que la source soit située dans le tréfonds d'une parcelle lui appartenant, ce qu'elle ne démontre pas, elle ne produit, en tout état de cause, pas davantage de pièce permettant d'apprécier sa valeur, alors que le tribunal de grande instance a estimé qu'elle n'établissait aucun préjudice tenant à la privation de l'usage de cette source. Enfin, si l'estimation du coût du projet n'intègre pas d'indemnisation des servitudes qui seront instaurées, Mme B... ne démontre pas que de telles dépenses étaient alors prévisibles, notamment au bénéfice de son fils, dont l'activité d'élevage peut se poursuivre et dont la réalité du projet d'extension de ses installations agricoles n'est pas établie. Ainsi, Mme B... ne démontre nullement que le coût du projet aurait été sous-évalué et dans une proportion telle que l'évaluation ainsi faite aurait été de nature à nuire à la complète information de la population ou à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
13. En troisième lieu, si le dossier soumis à enquête publique, notamment le rapport hydrogéologique qu'il comporte, se réfère à différentes reprises à un précédent rapport établi par M. C... en 1999, dont il cite des extraits précis et dépourvus d'ambigüité, aucune disposition applicable n'exigeait que ce rapport soit intégralement soumis à l'enquête publique.
14. En quatrième lieu, si, dans sa notice explicative, le dossier de demande n'analyse la conformité du projet qu'à l'égard du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2010-2015, sans tenir compte de celui entré en vigueur au mois de décembre 2015 pour la période 2016-2021, Mme B..., qui ne se prévaut d'aucune disposition rendant cette analyse obligatoire, ne démontre pas, en s'abstenant de préciser les évolutions résultant de ce nouveau schéma, que cette circonstance aurait eu pour effet de nuire à la complète information de la population ou d'exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
15. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés des insuffisances du dossier soumis à enquête publique doivent être écartés.
En ce qui concerne les mentions de l'arrêté :
16. Aux termes de l'article R. 1321-8 du code de la santé publique : " I.-La décision statuant sur la demande d'autorisation d'utilisation d'eau en vue de la consommation humaine est prise par arrêté préfectoral. Cet arrêté est motivé. L'arrêté préfectoral d'autorisation indique notamment (...) les localisations des captages (...) ".
17. En prévoyant que l'arrêté préfectoral indique la localisation du captage, ces dispositions n'exigent nullement que cette indication consiste nécessairement en la référence cadastrale de la parcelle où se situe le captage. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'outre le nom de la source concernée et le nom de la commune sur le territoire de laquelle elle se situe, celui-ci mentionne son indice BSS et ses coordonnées en Lambert II, qui permettent de la localiser précisément. Le moyen tiré du défaut de mention de la localisation du captage manque ainsi en fait.
En ce qui concerne l'erreur de fait :
18. Comme indiqué au point 11, Mme B... ne démontre pas la réalité de l'erreur de fait dont elle se prévaut quant à la référence cadastrale de la parcelle où est localisé le captage, laquelle n'est, au demeurant, nullement mentionnée dans l'arrêté attaqué. Le moyen tiré d'une telle erreur de fait doit donc, en tout état de cause, être écarté.
En ce qui concerne l'utilité publique du projet et la proportionnalité des servitudes :
19. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'utilité qu'elle présente. Par ailleurs, l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, précédemment rappelé au point 6, prévoit qu'en vue d'assurer la protection de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols ci-dessus mentionnés.
20. D'une part, la déclaration d'utilité publique en litige participe à la protection de la qualité des eaux destinées à l'alimentation des collectivités humaines, laquelle constitue un objectif d'intérêt général. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, notamment de mentions de la notice explicative du dossier de demande et du rapport hydrogéologique dont l'exactitude n'est pas contestée, que la source de la Soubeyranne était utilisée depuis 1992 pour pourvoir aux besoins des habitants de la commune d'Albon-d'Ardèche et qu'elle est la seule à desservir la partie sud de la commune, en particulier les hameaux de Grand Féouzet et de Petit Féouzet. Enfin, bien que située dans un environnement naturel protégé, cette source était considérée comme vulnérable, au vu, plus particulièrement, du suivi de la qualité des eaux mis en place par l'agence régionale de santé et de la proximité d'une route départementale.
21. D'autre part, le projet présente un coût limité, sans que Mme B... ne démontre que celui-ci aurait été sous-évalué, et n'induit que peu d'acquisitions de propriétés privées. Les servitudes mises en places sont conformes aux préconisations du rapport hydrogéologique. S'agissant plus particulièrement des activités agricoles, si, comme le fait valoir Mme B..., celles-ci n'ont été identifiées comme étant à l'origine que d'un risque " faible " de pollution, il est constant que seules les menaces alors existantes ont ainsi été répertoriées dans la notice explicative, mais que ces activités n'en demeurent pas moins une menace potentielle, s'agissant plus particulièrement du stockage de produits et d'effluents et des épandages d'effluents organiques. Mme B... ne démontre ni que ces prescriptions auraient pour effet de mettre en péril l'exploitation de son fils, le pâturage qu'il pratiquait jusqu'alors sur les parcelles relevant du périmètre de protection rapprochée demeurant autorisé de manière extensive, ni, à défaut d'en préciser les détails, que ces prescriptions feraient effectivement obstacle au projet d'extension de celui-ci, dont la réalité n'est au demeurant pas établie.
22. Ainsi, les inconvénients de l'opération en cause, notamment les servitudes qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard aux intérêts qu'elle présente. Par suite, et alors même que les hameaux que ce captage approvisionne ne comptent qu'un nombre réduit d'habitants, ayant tendance à baisser au profit d'une population seulement saisonnière, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette opération serait dépourvue d'utilité publique.
En ce qui concerne le détournement de pouvoir :
23. Comme indiqué ci-dessus, l'opération en cause revêt un caractère d'utilité publique. Par ailleurs, Mme B... ne démontre pas que ce captage se situerait sur une parcelle dont elle est propriétaire, ainsi qu'il résulte du point 11 du présent arrêt. Dans ces conditions, nonobstant le contentieux qui l'oppose depuis longtemps à la commune d'Albon-d'Ardèche quant à la propriété de la parcelle D 61 et à la délimitation de celle-ci, elle ne démontre davantage pas que l'arrêté attaqué procède, comme elle prétend, d'un détournement de pouvoir.
En ce qui concerne l'atteinte au droit de propriété :
24. Aux termes de l'article 545 du code civil : " Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ".
25. En contrôlant l'existence du caractère d'utilité publique d'une opération, le juge de l'excès de pouvoir contrôle nécessairement la correcte application des dispositions législatives du code de la santé publique et du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, rappelées aux points 6 et 8 du présent arrêt. Par suite, il ne lui appartient pas d'apprécier la conformité d'une déclaration d'utilité publique prise en application de ces dispositions législatives, à l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, à défaut d'avoir été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point. Il ne lui appartient pas davantage d'apprécier la conformité de cette déclaration d'utilité publique à d'autres dispositions législatives, notamment celles du code civil, de même valeur que celles sur le fondement desquelles elle a été adoptée. Le moyen tiré de l'atteinte portée au droit de propriété tel que protégé par l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et les articles 552 et 545 du code civil doit donc être écarté.
26. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 16 novembre 2016.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., à la communauté de communes Val Eyrieux, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme E... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.
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N° 19LY00901