Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1606094 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et le 22 août 2019, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- les deux propositions de rectification du 20 décembre 2013 portant sur l'année 2010 et du 20 mars 2014 portant sur les années 2011 et 2012 sont insuffisamment motivées et l'administration n'a pas annexé à ces actes les propositions de rectification adressées à la société SAS BG ;
- elle a pu légalement refuser les plis contenant les réponses aux observations du contribuable du 25 avril 2014 et du 18 août 2014 qui ne pouvait être adressée qu'à son conseil en vertu du mandat valant élection de domicile donné à celui-ci dont l'administration a été informé par lettre recommandée du 7 avril 2014 ; n'ayant jamais reçu la réponse aux observations du contribuable, la procédure est irrégulière ;
- les bases de calcul des contributions sociales ont été indument majorées de 25 % ;
- elle ne peut être présumée avoir appréhendé les revenus distribués par la société dès lors qu'il résulte d'un jugement correctionnel du 2 juin 2015 que M. D..., directeur de la société, était le véritable maitre de l'affaire ;
- la majoration de 80 % appliquée n'est pas justifiée faute de preuve de manoeuvre frauduleuses de sa part, le directeur ayant été reconnu gérant de fait ; les majorations de 40 % pour manquement délibéré ne sont pas davantage fondées.
Par des mémoires enregistrés les 29 juillet 2019 et 26 avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- la majoration de l'assiette des contributions sociales n'est pas fondée et donnera lieu à un dégrèvement ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS BG conseil, dont Mme A... est la présidente et l'associée unique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012 à l'issue de laquelle l'administration a, d'une part, réintégré dans son résultat de l'exercice clos en 2010 des apports en compte courant correspondant à des encaissements clients non comptabilisés en recettes, un passif injustifié correspondant au solde créditeur du compte courant d'associé de Mme A..., des charges fictives justifiées par de fausses factures ainsi que des charges injustifiées et, d'autre part, reconstitué ses résultats imposables des exercice clos en 2011 et 2012 en l'absence de présentation de sa comptabilité lors du contrôle. Mme A... a été, en conséquence, assujettie, au titre des années 2010, 2011 et 2012, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu de ces sommes que l'administration a regardées comme des revenus distribués imposables entre ses mains sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge de l'intéressée au titre de ces trois années ont été assortis de la majoration de 10 % du I de l'article 1758 du code général des impôts. Les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établis au titre de l'année 2010 ont, en outre, été assortis, selon les redressements, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et de la majoration de 80 % applicable en cas de manoeuvres frauduleuses. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 29 juillet 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé le dégrèvement des compléments de contributions sociales mis à la charge de Mme A... à hauteur de 2 270 euros en droits et 1 736 euros en pénalités pour l'année 2010, de 4 803 euros en droit et 403 euros en pénalités pour l'année 2011 et de 11 712 euros en droits et 442 euros en pénalités pour l'année 2012, lesquels correspondent à l'abandon de la majoration de l'assiette de ces impositions de 25 %. Par suite, les conclusions de la requête de Mme A... dirigées contre ces impositions sont devenues sans objet à hauteur des sommes précitées, d'un montant total de 4 006 euros pour l'année 2010, 5 206 euros pour l'année 2011 et 12 134 euros pour l'année 2012.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de la notification des réponses aux observations du contribuable :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
4. Il y a lieu, pour l'application de ces dispositions, de considérer que, sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire. Par suite, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de cette procédure, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure. En particulier, le mandataire doit en principe être destinataire des plis par lesquels le service notifie au contribuable, dans les conditions visées à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les redressements qu'il entend affecter aux bases de l'imposition du contribuable et les réponses qu'il formule aux observations présentées, le cas échéant, par l'intéressé sur ces redressements. Toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable est réputée régulière et fait courir les délais de réponse à ces actes s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés. En revanche, lorsque ce pli est retourné par le service des postes à l'administration fiscale, faute d'avoir été retiré dans le délai imparti, il appartient à celle-ci de procéder à une nouvelle notification des mêmes actes au mandataire.
5. En l'espèce, Mme A... s'est vu notifier deux propositions de rectification, l'une en date du 20 décembre 2013, portant sur les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et les majorations correspondantes mis à sa charge au titre de l'année 2010, l'autre, en date du 20 mars 2014, portant sur les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et les majorations correspondantes mis à sa charge au titre des années 2011 et 2012. Mme A... soutient que l'administration n'a pas répondu à ses observations présentées à la suite de la notification de ces propositions de rectification, respectivement par courriers des 17 février 2014 et 7 avril 2014. L'administration fait valoir qu'elle a communiqué, respectivement par courriers des 25 avril 2014 et 18 août 2014, ses réponses aux observations de la contribuable faisant suite à chaque proposition de rectification, et produit deux accusés de réception, dont l'un, daté du 28 avril 2014, comporte la mention " avisé le 29 avril " et " pli avisé et non réclamé ", et l'autre daté du 19 août 2014, comporte la mention " avisé le 20 août 2014 " et " pli refusé par le destinataire ". Mme A... soutient toutefois qu'elle avait informé l'administration par courrier du 7 avril 2014 de ce qu'elle avait élu domicile chez son conseil et que le service ne pouvait donc valablement lui adresser les réponses à ses observations à son domicile.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la notification de la proposition de rectification du 20 mars 2014 concernant les revenus des années 2011 et 2012, Mme A... a présenté des observations par l'intermédiaire de son conseil, par un courrier en date du 7 avril 2014. La référence de ce courrier était la suivante : " lettre n° 2120 adressée le 20 mars 2014 à Mme C... A... (...) visant ses revenus des années 2011 et 2012 ". Le conseil de Mme A... y indiquait qu'il avait été désigné pour défendre et représenter Mme A... auprès de l'administration fiscale et pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre. Il présentait ensuite des observations pour Mme A... sur les redressements notifiés au titre des revenus des années 2011 et 2012. Compte tenu de cette mention expresse, Mme A... doit être regardée comme ayant élu domicile chez son mandataire pour les années 2011 et 2012.
7. Il est constant que le pli contenant la réponse aux observations du contribuable concernant les années 2011 et 2012, adressé par l'administration fiscale à Mme A... le 18 août 2014, n'a pas été effectivement retiré par Mme A... ou par l'un de ses préposés et a été retourné par le service des postes à l'administration fiscale. Il appartenait ainsi à celle-ci de procéder à une nouvelle notification du même acte au mandataire de Mme A..., quel que soit le motif pour lequel le pli avait été retourné. En particulier, la circonstance que Mme A... a refusé de réceptionner le pli en cause est sans incidence, dès lors que l'administration devait, en principe, l'adresser à son conseil. Il suit de là que l'administration ne peut être regardée comme ayant satisfait à l'exigence de réponse aux observations du contribuable, prévue à l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales. Il suit de là que la procédure d'imposition est irrégulière s'agissant des années 2011 et 2012.
8. En revanche, s'agissant des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2010, dont il n'était fait aucune mention dans le courrier déjà mentionné du 7 avril 2014, ce qui fait obstacle à ce que le mandat porté à la connaissance de l'administration puisse être regardé comme concernant également cette année, il est constant que le pli contenant la réponse aux observations du contribuable a été adressé à Mme A... à son adresse personnelle par l'administration fiscale le 25 avril 2014 et a été retourné et par le service des postes à l'administration fiscale avec les mentions " avisé le 29 avril " et " pli avisé et non réclamé ". Il suit de là que l'administration doit être regardée comme ayant régulièrement notifié à Mme A... la réponse aux observations du contribuable et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales faute de réception de ce document, doit être écarté s'agissant des conclusions dirigées contre les compléments d'imposition mis à sa charge au titre de l'année 2010.
S'agissant de l'autre moyen :
9. A l'appui de ses conclusions dirigées contre le complément d'impôt sur le revenu et le surplus du complément de contributions sociales auxquels Mme A... a été assujettie au titre des années 2010, celle-ci soulève le même moyen que celui déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le bien-fondé du complément d'impôt sur le revenu et du surplus du complément de contributions sociales mis à la charge de Mme A... au titre de l'année 2010 :
10. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.
11. Si le tribunal de grande instance de Grenoble a relevé dans son jugement correctionnel du 2 juin 2015, dont Mme A... se prévaut pour la première fois en appel, que M. D..., son époux, avait reconnu être le gérant de fait de la SAS BG Conseil, Mme A... était la gérante de droit de cette société, ainsi que sa présidente et actionnaire unique. Ainsi elle doit être regardée comme ayant été le maître de l'affaire pour l'application des dispositions précitées. La circonstance que certains détournements de fonds au détriment de la SAS BG Conseil auraient été employés au paiement de dépenses personnelles de M. D..., est sans incidence sur cette qualité et sur la preuve ainsi rapportée par l'administration fiscale de ce que les revenus occultes regardés comme distribués ont été appréhendés par Mme A....
En ce qui concerne le bien-fondé des majorations au titre de l'année 2010 :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...). ".
13. En premier lieu, l'administration, après avoir constaté qu'afin de procéder au paiement de dépenses à caractère personnel, Mme A... avait eu recours à des fausses factures et à l'émission de chèques par la société BG Conseil, inscrits en comptabilité comme correspondant au règlement de divers fournisseurs, dissimulant l'encaissement de ces sommes par Mme A... ou pour son compte ou celui de M. D..., ce qui avait conduit à une majoration de la taxe sur la valeur ajoutée déductible de la SAS BG Conseil et à une minoration de son résultat imposable, et, dans le même temps, à l'absence de déclaration de revenus imposables de mêmes montants entre les mains de Mme A..., a appliqué aux droits correspondants la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées.
14. Si, ainsi qu'il a été dit, le tribunal de grande instance de Grenoble a relevé dans son jugement correctionnel du 2 juin 2015, que M. D... avait reconnu être le gérant de fait de la SAS BG Conseil, Mme A... était la gérante de droit de cette société, ainsi que sa présidente et actionnaire unique. Par ailleurs, aux termes de ce même jugement, Mme A... a été reconnue coupable du chef d'abus des biens d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles pour la période du 1er octobre 2009 au 30 mai 2013. Ainsi le moyen tiré de ce que l'administration n'établirait pas l'existence de manoeuvres frauduleuses s'agissant des fausses factures et chèques mentionnés dans la proposition de rectification doit être écarté.
15. En second lieu, l'administration a appliqué la majoration pour manquement délibéré à une minoration de recettes atteignant près de 10 % du chiffre d'affaires. En relevant que la vérification de comptabilité de la SAS BG Conseil a révélé l'existence d'encaissements clients non comptabilisés en recettes mais en apports à la société de la part de Mme A..., via son compte-courant détenu au sein de ladite société, et que ces sommes, inscrites au crédit de son compte courant d'associé, avaient servi à combler le solde débiteur du compte et à le présenter comme créditeur à la clôture de l'exercice, l'administration établit suffisamment le caractère délibéré de l'omission déclarative. La circonstance que le tribunal de grande instance de Grenoble a relevé dans son jugement correctionnel du 2 juin 2015, que M. D... avait reconnu être le gérant de fait de la SAS BG Conseil n'est pas de nature, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, à infirmer cette analyse.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que, sous réserve des dégrèvements de contributions sociales et des pénalités correspondantes prononcés en cours d'instance, Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établis au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes.
Sur les frais de l'instance :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des au titre des frais exposés par Mme A... dans l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : A concurrence de respectivement 4 006 euros pour l'année 2010, 5 206 euros pour l'année 2011 et 12 134 euros pour l'année 2012, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... relatives aux compléments de contributions sociales auxquels elle a été assujettie et aux pénalités correspondantes.
Article 2 : Mme A... est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu et du surplus des compléments de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.
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N° 19LY00588
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