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10/06/2021 | FRANCE | N°19LY03426

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6eme chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 19LY03426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision par laquelle le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté lui a refusé l'octroi d'une subvention pour la réalisation de travaux sur un monument historique, d'enjoindre à l'Etat de lui accorder une subvention, sauf à parfaire, correspondant à 50 % du montant du coût des travaux à engager, soit la somme de 46 491,60 euros, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 1 000 euros pa

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision par laquelle le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté lui a refusé l'octroi d'une subvention pour la réalisation de travaux sur un monument historique, d'enjoindre à l'Etat de lui accorder une subvention, sauf à parfaire, correspondant à 50 % du montant du coût des travaux à engager, soit la somme de 46 491,60 euros, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à défaut, d'annuler toute décision refusant d'instruire sa demande de subvention et d'enjoindre à l'Etat, sous les mêmes conditions, de procéder à l'instruction de sa demande de subvention, de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune d'Autun la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802910 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2019 et des mémoires enregistrés le 17 novembre 2020 et le 4 décembre 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802910 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, sinon la décision expresse du 2 novembre 2018, par laquelle le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a refusé l'octroi d'une subvention pour la réalisation de travaux sur un monument historique ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder une subvention, sauf à parfaire, correspondant à 50 % du montant du coût des travaux à engager, soit la somme de 46 491,60 euros, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à défaut, d'annuler toute décision refusant d'instruire sa demande de subvention et d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'instruction de sa demande de subvention, sous les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens, la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne ressort d'aucun texte, non plus que d'aucun principe, que le droit à subvention serait exclu dès lors que les travaux exécutés sur un immeuble classé au titre des monuments historiques le sont à la suite de l'intervention d'une mise en demeure prononcée dans le cadre d'une procédure de péril ; le tribunal administratif de Dijon a ainsi commis une erreur de droit en ajoutant une condition aux dispositions applicables du code du patrimoine ;

- compte tenu du litige qui l'oppose à la commune d'Autun sur la question de la propriété du rempart, il ne pouvait renseigner la rubrique du formulaire Cerfa relative à la qualité du propriétaire du demandeur, ni fournir de plan de financement ;

- en application de l'article L. 621-12 du code du patrimoine, il est en droit d'obtenir une subvention à hauteur d'au moins 50 % du montant des travaux de réparation de l'ouvrage dont la conservation est menacée, soit la somme de 46 491,60 euros ;

- les dispositions de l'article 4 du décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999, applicable à l'espèce, ont été méconnues dès lors que, n'ayant pas été informé de pièces manquantes, le dossier de demande de subvention était réputé complet à compter du 19 avril 2018 ; dès lors, le préfet n'est pas fondé à prétendre que le dossier de demande ne serait pas recevable au motif qu'il n'était pas complet ;

- le dossier de demande de subvention était complet ;

- contrairement à ce que soutient l'administration, celle-ci était bien saisie d'une demande de subvention ;

- le refus contesté est entaché d'un détournement de procédure en ce que l'Etat refuse de le subventionner pour effectuer les travaux d'urgence afin de l'inciter à procéder, à ses frais, à la reconstruction totale du rempart ;

- les travaux en cause sont susceptibles de faire l'objet d'une subvention sur le fondement du b) de l'article R. 621-78 du code du patrimoine ;

- le refus qui lui a été opposé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2020, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les dispositions des articles L. 621-12 et L. 621-19 du code du patrimoine ne sont pas applicables à l'espèce ;

- dès lors que le bénéficiaire de la subvention n'était pas identifié et qu'il n'était donné aucune information sur les modalités de financement des travaux, c'est à bon droit que les services de l'Etat ont estimé qu'ils n'étaient pas saisis d'une demande de versement d'une subvention ; M. E... n'est dès lors pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 4 du décret du 16 décembre 1999 ;

- à titre subsidiaire, faute de demande de subvention valablement déposée, aucune décision implicite n'a pu naître du silence de l'administration ; la demande de première instance, qui méconnaissait les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, était ainsi irrecevable ;

- en toute hypothèse, l'annulation de la décision contestée serait seulement susceptible d'entraîner un réexamen de la demande de subvention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 ;

- le décret n° 2018-514 du 25 juin 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me A..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Le mur d'enceinte de la ville d'Autun, d'origine romaine et classé au titre des monuments historiques depuis 1937, s'est partiellement effondré le 6 décembre 2010. M. E..., propriétaire d'un immeuble implanté sur une parcelle bordée par ce rempart, a déposé, le 6 mars 2018, une demande d'autorisation de travaux sur un immeuble classé au titre des monuments historiques consistant à protéger et sécuriser la partie effondrée du mur, et a également sollicité l'attribution d'une subvention. Par une décision du 4 mai 2018, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a délivré l'autorisation de travaux sollicitée sous réserve d'une prescription. M. E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite, puis la décision expresse intervenue le 2 novembre 2018, par laquelle le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a refusé de lui accorder une subvention. Il relève appel du jugement du 28 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus d'octroi de cette subvention.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article 18 du décret du 25 juin 2018 relatif aux subventions de l'Etat pour des projets d'investissement : " Les articles 3 à 8 du décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour des projets d'investissement demeurent applicables aux demandes de subvention reçues avant le 1er octobre 2018 ". Aux termes de l'article 4 du décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour des projets d'investissement : " Dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du dossier, l'autorité compétente pour attribuer la subvention informe le demandeur du caractère complet du dossier ou réclame la production de pièces manquantes. Dans ce cas, le délai est suspendu. En l'absence de réponse de l'administration à l'expiration du délai de deux mois, le dossier est réputé complet ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " (...) Toute demande de subvention qui n'a pas donné lieu à décision attributive au sens de l'article 9 dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le dossier est complet est rejetée implicitement. Ce délai de six mois est suspendu lorsque l'attribution de la subvention est subordonnée à la consultation d'autorités extérieures à l'Etat. La liste de ces consultations est fixée par arrêté du ministre intéressé et du ministre chargé du budget. Si, après rejet, la demande de subvention est présentée de nouveau, elle constitue une nouvelle demande ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a sollicité, à l'aide du même formulaire Cerfa 15459*01, d'une part, l'autorisation d'effectuer des travaux sur le mur de rempart classé au titre des monuments historiques et, d'autre part, une subvention de l'Etat pour la réalisation de ce projet, matérialisée par l'apposition de sa signature au bas de la rubrique 9.4 de ce formulaire par laquelle l'intéressé atteste demander une telle subvention. Contrairement à ce que soutient le ministre de la culture, l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine de Saône-et-Loire, qui a attesté du dépôt de ce formulaire le 6 mars 2018, était saisie à cette date d'une demande de subvention de l'Etat au titre des travaux projetés. Il est constant que l'administration n'a pas réclamé la production de pièces manquantes dans le délai de deux mois qui lui était imparti. Ainsi, en application des dispositions de l'article 4 du décret du 16 décembre 1999 citées au point précédent, le dossier de demande de subvention était réputé complet au 6 mai 2018. Le 2 novembre 2018, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a expressément rejeté cette demande comme non recevable. A cette date, il ne s'était pas écoulé un délai de six mois à compter de la date à laquelle le dossier a été réputé complet susceptible, en application de l'article 5 du décret du 16 décembre 1999, de faire naître une décision implicite de rejet. Il suit de là que la demande d'annulation présentée devant le tribunal administratif devait être regardée comme dirigée contre la décision du 2 novembre 2018, contestée en cours de d'instance et régularisant la demande d'annulation prématurée.

4. Dans ces conditions, le ministre de la culture ne peut utilement soutenir que la demande de première instance était irrecevable au motif que, faute d'une demande de subvention valablement déposée, le silence de l'administration n'avait fait naître aucune décision implicite de rejet. Par suite, la demande de première instance, qui devait être regardée comme dirigée contre la décision du 2 novembre 2018, intervenue en cours d'instance, ne méconnaissait pas les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 2 novembre 2018 :

5. Pour refuser d'accorder la subvention sollicitée, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a estimé que la demande n'était pas recevable faute d'indication relative au bénéficiaire de cette subvention, dès lors que le formulaire adressé à l'administration par M. E... ne comportait pas l'identification du demandeur ni d'ailleurs le plan de financement du projet.

6. Toutefois, le requérant a complété les rubriques 9.1 et 9.4 du formulaire, et l'a signé en qualité de demandeur après avoir complété l'indication suivante : " Je soussigné M. E..., en ma qualité de propriétaire ou de représentant légal ou de personne habilitée, sollicite une subvention de l'Etat (...) pour la réalisation du projet ". M. E... a ainsi indiqué, sans ambiguïté, être le " demandeur " de la subvention qu'il sollicitait et, par suite, en cas d'octroi, son bénéficiaire. Compte tenu des indications fournies, l'administration ne pouvait pas refuser d'instruire cette demande au motif que le bénéficiaire de la subvention réclamée n'était pas désigné. Si les éléments renseignés par M. E..., s'agissant notamment du plan de financement du projet, étaient incomplets au regard des exigences de l'arrêté du 30 mai 2000 relatif aux pièces à produire à l'appui des demandes de subventions de l'Etat pour des projets d'investissement, il appartenait à l'administration, le cas échéant, de solliciter la production de pièces complémentaires dans les conditions posées à l'article 4 du décret du 16 décembre 1999 alors en vigueur. Par suite, le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a entaché sa décision d'illégalité en rejetant la demande de subvention, sans l'instruire, au motif qu'elle ne comportait pas l'indication de son demandeur ou ne comportait pas un plan de financement.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2018 rejetant sa demande de subvention comme non recevable.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Dès lors que les motifs d'irrecevabilité opposés à tort par l'autorité administrative n'ont pas permis d'examiner le bien-fondé de la demande de subvention, l'annulation de la décision en litige implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté de réexaminer la demande de subvention de l'Etat présentée par M. E..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, la présente instance n'ayant pas occasionné de dépens, les conclusions de M. E... tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.

10. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802910 du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Dijon et la décision du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté du 2 novembre 2018 portant refus de subvention sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté de réexaminer la demande de subvention de l'Etat présentée par M. E... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la ministre de la culture. Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président de la formation de jugement,

Mme B..., première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.

2

N° 19LY03426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19LY03426
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

41-01-02 Monuments et sites. Monuments historiques. Travaux sur les monuments historiques.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. Francois-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DUMAINE-MARTIN STEPHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-10;19ly03426 ?
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