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01/06/2021 | FRANCE | N°19LY02712

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2021, 19LY02712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Carrefour Hypermarchés a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Nièvre du 5 juin 2018 lui infligeant une amende de 21 000 euros et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros.

Par un jugement n° 1801997 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juille

t 2019, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Carrefour Hypermarchés a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Nièvre du 5 juin 2018 lui infligeant une amende de 21 000 euros et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros.

Par un jugement n° 1801997 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2019, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801997 du 7 mai 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision de sanction du 5 juin 2018 de la Direction départementale de la protection des populations de la Nièvre ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de sanction méconnait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour méconnaissance du principe d'impartialité ;

- les articles 4 et 5 de l'arrêté du 3 décembre 1987 ayant servi de base légale à la décision querellée sont contraires à la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 ;

- les manquements reprochés au titre des articles 4 et 5 de l'arrêté précité ne sont pas établis ;

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ;

- la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur

- la directive 98/6/CE du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits offerts aux consommateurs ;

- le code de la consommation ;

- 1'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocate de la société Carrefour Hypermarchés.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 mars 2018, des agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Nièvre ont fait un contrôle inopiné du magasin sous enseigne Carrefour situé sur la commune de Marzy. Un procès-verbal dressé le 30 avril 2018 fait état de plusieurs manquements à la réglementation en matière d'affichage de prix. Par décision du 5 juin 2018, la direction de la protection des populations de la Nièvre a infligé à la société Carrefour Hypermarchés une amende de 21 000 euros. Par jugement du 7 mai 2019, dont la société susmentionnée relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de cette sanction.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".

3. La décision attaquée n'émanant ni d'une juridiction, ni d'un tribunal au sens des stipulations précitées de l'article 6 de la convention sus visée, la société Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à se prévaloir de ces stipulations pour soutenir que la direction départementale de la protection des populations de la Nièvre aurait méconnu le principe d'impartialité. Ce principe n'impose pas qu'il soit procédé, au sein de la direction départementale de la protection des populations, à une séparation des fonctions de poursuite et de sanction. Dès lors, la circonstance que l'inspectrice de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ayant signé le procès-verbal du 30 avril 2018 définissant les griefs reprochés soit placée sous l'autorité hiérarchique du directeur départemental de la protection des populations ayant signé la décision du 5 juin 2018 prononçant la sanction, ne permet pas de caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur : " En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d'autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s'appliquent à ces aspects spécifiques. ", le point 10 de son préambule précisant que : " (...) la présente directive ne s'applique, en conséquence, que lorsqu'il n'existe pas de dispositions communautaires spécifiques régissant des aspects particuliers des pratiques commerciales déloyales, telles que des prescriptions en matière d'information ou des règles régissant la présentation des informations au consommateur ". Par suite, compte tenu de l'existence d'une directive n° 98/6/CE du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits offerts aux consommateurs, la société Carrefour Hypermarchés ne peut utilement invoquer une incompatibilité des dispositions des articles 4 et 5 de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix par rapport à la directive précitée du 11 mai 2005.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 112-1 du code de la consommation : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté ci-dessus visé du 3 décembre 1987 : " Le prix de tout produit destiné à la vente au détail et exposé à la vue du public, de quelque façon que ce soit, notamment en vitrine, en étalage ou à l'intérieur du lieu de vente, doit faire l'objet d'un marquage par écriteau ou d'un étiquetage. ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le prix doit être indiqué sur le produit lui-même ou à proximité de celui-ci de façon qu'il n'existe aucune incertitude quant au produit auquel il se rapporte. Il doit être parfaitement lisible soit de l'extérieur, soit de l'intérieur de l'établissement, selon le lieu où sont exposés les produits. ". Aux termes de l'article L. 131-5 du code précité : " Tout manquement aux dispositions de l'article L. 112-1 définissant les modalités d'information sur le prix et les conditions de vente ainsi qu'aux dispositions des arrêtés pris pour son application est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. ". La décision litigieuse a prononcé une sanction d'un montant de 21 000 euros à raison de 200 euros pour chacun des 105 manquements constatés tenant à un défaut d'affichage du prix sur le produit lui-même ou à proximité de celui-ci de façon qu'il n'existe aucune incertitude quant au produit auquel il se rapporte.

6. D'une part, si la société Carrefour Hypermarchés ne conteste pas sérieusement la réalité des 105 manquements reprochés, elle fait néanmoins valoir que ses clients disposent depuis 2014 de la possibilité de consulter le prix des produits au moyen de dix-sept bornes électroniques à lecture optique de code-barres installées à l'extrémité de chaque rayon. Toutefois, un tel dispositif n'étant pas toujours à proximité du produit concerné en rayonnage et obligeant le consommateur à se déplacer avec le produit pour l'utiliser, ne peut être regardé comme constituant une modalité d'information sur les prix répondant aux exigences de l'arrêté du 3 décembre 1987. A ce titre, la société requérante ne peut utilement se prévaloir d'une circulaire du 19 juillet 1988 qui est dépourvue de caractère réglementaire. La société Carrefour Hypermarchés ne peut davantage faire valoir qu'il serait extrêmement difficile de s'assurer d'une absence de déplacement des étiquettes des produits apposés au sein des rayons pour contester la légalité de la décision attaquée.

7. D'autre part, compte tenu du montant maximum de l'amende pouvant être infligé pour chaque infraction constatée fixé par l'article L. 131-5 du code de la consommation et au regard du taux de manquements retenus (105 manquements sur 1 080 produits contrôlés), de la circonstance relevée dans le procès-verbal du 30 avril 2018, et non contestée par la requérante, que ces manquements ont notamment concerné les têtes de gondole du rayon bazar, les espaces promotion du rayon cosmétique et les rayons animalerie et puériculture, la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir du montant des sanctions prononcées à l'égard d'autres sociétés de son groupe, pour des manquements au demeurant plus anciens, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles soient placées dans une situation comparable, n'est pas fondée à soutenir que l'amende administrative qui lui a été infligée serait disproportionnée.

8. Il découle de tout ce qui précède que la société Carrefour hypermarchés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société Carrefour Hypermarchés la somme que celle-ci demande au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Carrefour Hypermarchés est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrefour Hypermarchés et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

N° 19LY02712 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02712
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Réglementation de la protection et de l'information des consommateurs.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : RMBF

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;19ly02712 ?
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