La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2021 | FRANCE | N°19LY01969

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2021, 19LY01969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 73 079,26 euros en réparation de ses préjudices et celle de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700595 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à M. C... la somme de 2 581,64 e

uros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 73 079,26 euros en réparation de ses préjudices et celle de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700595 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à M. C... la somme de 2 581,64 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le protocole d'indemnisation du 21 décembre 2016 ;

2°) de réformer le jugement n° 1700595 du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner l'ONIAM à lui verser diverses sommes d'un montant global de 73 079,26 euros ;

4°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le protocole d'indemnisation du 21 décembre 2015 doit être annulé pour méconnaissance du principe de réparation intégrale notamment indiqué par l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, absence de vérification de concessions réciproques entre les parties et vices du consentement ;

- il est donc en droit d'obtenir réparation des préjudices suivants :

* Perte de gains professionnels actuels pour 30 497,62 euros,

* Incidence professionnelle pour 30 000 euros,

* Dépenses de santé pour 649 euros,

* Frais de déplacement, photocopies et location de téléviseur pour 1 932,64 euros,

* Frais d'assistance pour 2 194,73 euros,

* Dommages et intérêts pour résistance abusive pour 10 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation du protocole transactionnel du 21 décembre 2015 sont nouvelles en appel ;

- l'article L. 1142-17 du code de la santé publique prévoit la déduction des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; il était donc en droit de ne pas indemniser les chefs de préjudice indemnisés par le contrat d'assurance détenu par le requérant, notamment la perte de gains professionnels futurs ou l'incidence professionnelle ; l'état de vulnérabilité allégué n'est pas établi ;

- il n'a pas fait preuve d'une résistance abusive mais a seulement tenu compte du contrat d'assurance de M. C... ;

- il ne remet pas en cause les autres préjudices retenus par le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 mars 2014, M. A... C..., né le 17 mai 1963, a été opéré au centre hospitalier Alpes Léman pour une gastrectomie. Au décours de l'intervention, il a été victime d'un bronchospasme sévère puis d'un collapsus avec arrêt cardiaque. Après la réalisation des gestes de réanimation, il a été transféré au centre hospitalier d'Annecy en service de réanimation puis de néphrologie. Il a pu regagner son domicile le 25 avril 2014 mais présente depuis des séquelles cognitives et mnésiques. Saisie le 12 mai 2014, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Rhône-Alpes a diligenté une expertise confiée au Dr Corège, anesthésiste-réanimateur, qui a remis son rapport le 6 novembre 2014 concluant à un accident médical non fautif tenant à un choc anaphylactique à la célocurine injectée lors du bronchospasme. Par avis du 9 décembre 2014, la commission a conclu que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale étaient remplies. Le 13 avril 2015, un premier protocole d'indemnisation a été passé entre M. C... et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) concernant le déficit fonctionnel temporaire pour un montant de 1 083,75 euros. Par avis du 28 mai 2015, la commission a décidé d'une nouvelle expertise pour une évaluation des préjudices de M. C... en redésignant le Dr Corège qui a remis son rapport le 6 août 2015. Le 21 décembre 2015, un deuxième protocole d'indemnisation a été signé par M. C... portant notamment sur un complément du déficit fonctionnel temporaire de 325,50 euros, le préjudice esthétique temporaire pour 800 euros et le préjudice sexuel pour 2 000 euros. M. C... a saisi le tribunal administratif de Grenoble de conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 73 079,26 euros. Par jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à M. C... la somme de 2 581,64 euros. Par requête enregistrée le 24 mai 2019, M. C... demande à la cour d'annuler un protocole d'indemnisation du 21 décembre 2015, de réformer le jugement attaqué et de condamner l'ONIAM à lui verser la somme globale de 73 079,26 euros.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du protocole d'indemnisation du 21 décembre 2015 :

2. Comme l'a opposé l'ONIAM, les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du protocole d'indemnisation qu'il a passé avec l'ONIAM le 21 décembre 2015 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. ". Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1 l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Cette offre indique l'évaluation retenue, le cas échéant à titre provisionnel, pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 précitée, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. (...) L'offre a un caractère provisionnel si l'office n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit être faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'office a été informé de cette consolidation. L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 2044 du code civil dans sa version applicable au litige : " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (...) ". En vertu de l'article 2052 du même code, un tel contrat a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

4. Au préalable, il n'est pas débattu que l'altération de certaines fonctions cognitives subies par M. C... a pour origine une réaction allergique imprévisible relevant d'un acte médical non fautif et que les conditions d'anormalité et de gravité exigées par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, emportant la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

5. En premier lieu, M. C... demande à être indemnisé de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle des séquelles subies pour des montants respectifs de 30 497,62 et 30 000 euros. Il résulte de l'instruction que M. C... a bénéficié d'une indemnisation de la part de la compagnie Pacifica au titre d'un contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie " souscrite le 15 octobre 2009, notamment pour la perte des gains professionnels actuels pour un montant plafonné à 15 000 euros et pour la perte des gains professionnels futurs entendus comme " le retentissement économique définitif, après consolidation, sur l'activité professionnelle future de la victime entrainant une perte de revenus ou son changement d'emploi ". Il est constant que M. C... a approuvé et signé le 21 décembre 2015 un protocole d'indemnisation transactionnel que lui a adressé l'ONIAM le 13 novembre précédent. En signant ce document, il a ainsi déclaré : " recevoir et accepter de l'ONIAM la somme telle que décomposée ci-après en règlement du dossier (...) : offres émises à titre définitif. La présente offre est indivisible. Son acceptation a un effet extinctif pour les seuls chefs de préjudice visés ci-dessous (...) je reconnais que l'ONIAM est quitte de toutes charges et obligations au titre des préjudices référencés ci-dessus ". Or si cette convention prévoyait l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, de préjudice esthétique temporaire et du préjudice sexuel, elle visait également d'autres chefs de préjudice comme les souffrances endurées, le préjudice d'agrément, le déficit fonctionnel permanent, la perte de gains professionnels actuels et futurs et l'incidence professionnelle en précisant que ces préjudices étaient pris en charge par le contrat d'assurance " garantie des accidents de la vie " souscrit par M. C... auprès de la compagnie Pacifica. Dans ces conditions, en signant ce protocole d'indemnisation, M. C... ne peut qu'être regardé comme ayant renoncé définitivement à toute indemnisation de la part de l'ONIAM s'agissant de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle.

6. En deuxième lieu, aucune des parties ne conteste l'octroi par le jugement attaqué de la somme de 649 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à la charge de M. C..., ni celle de 1 932,64 euros correspondant à des frais de déplacements, de photocopies ou encore de location de téléviseur pendant l'hospitalisation au centre hospitalier d'Annecy.

7. En troisième lieu, M. C... fait valoir qu'il a exposé des frais d'un montant de 2 194,73 correspondant à des honoraires versés à un avocat pour l'assister lors de la procédure devant la commission de conciliation et d'indemnisation. Au vu des justificatifs produits, il y a lieu d'allouer à M. C... cette somme.

8. En dernier lieu, si M. C... demande des dommages et intérêts pour résistance abusive de l'ONIAM, un tel comportement n'est pas établi.

9. Il découle de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander à ce que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de l'ONIAM soit porté à la somme de 4 776,37 euros. Dès lors, il y a lieu de réformer l'article 1er du jugement attaqué et de condamner l'ONIAM à verser à M. C... la somme de 4 776,37 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

10. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant de 2 581,64 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. C... par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 avril 2019, sous le n° 1700595, est porté à la somme de 4 776,37 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'ONIAM versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

N° 19LY01969 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01969
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PESCHEUX ANNE-SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-01;19ly01969 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award