La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2021 | FRANCE | N°20LY02351

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 06 mai 2021, 20LY02351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 19 août 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme E... F....

Par un jugement n° 1903414 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ju

gement n° 1903414 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 19 août 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme E... F....

Par un jugement n° 1903414 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903414 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du préfet de Saône-et-Loire du 19 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui accorder le bénéfice du regroupement familial sollicité, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait en n'estimant pas que son union avec Mme C... durant quelques semaines en 2009 résultait d'un mariage forcé ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'irrégularité du jugement attaqué en ce que le tribunal a omis de soulever d'office un moyen d'ordre public et, d'autre part, d'une méconnaissance des champs d'application respectifs du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, la décision attaquée étant fondée à tort sur l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien et titulaire d'une carte de résident, a formé le 4 avril 2019 une demande de regroupement familial au profit de son épouse, Mme F.... Le 19 août 2019, le préfet de Saône-et-Loire lui a opposé un refus, au motif que, s'étant trouvé en situation de polygamie en 2007 puis en 2009, il ne respectait pas les conditions posées au 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tenant à ce que le demandeur doit se conformer aux principes essentiels qui régissent la vie familiale en France. M. D... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 19 août 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants :1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance; 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. Peut être exclu de regroupement familial : 1 - un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) Lorsqu'un ressortissant algérien dont la situation matrimoniale n'est pas conforme à la législation française réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé, par les autorités françaises, à un autre conjoint. (...) ".

3. D'autre part, aux termes alors en vigueur de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ".

4. Les stipulations de l'accord franco-algérien régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles relatives à la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France.

5. La portée des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien est équivalente à celle des dispositions des articles L. 411-1 à L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'autorisation de regroupement familial et notamment à celles de l'article L. 411-5 de ce code qui énumèrent les motifs de refus d'une demande d'autorisation de regroupement familial susceptibles d'être opposés aux étrangers en général. Dès lors, la disposition du 3° de cet article, selon laquelle le bénéfice du regroupement familial peut être refusé au demandeur ne se conformant pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, n'est pas applicable aux ressortissants algériens. Au demeurant, l'accord franco-algérien ne comporte pas de stipulations semblables susceptibles de fonder un refus d'autorisation de regroupement familial pour un tel motif.

6. Le tribunal administratif de Dijon n'a pas soulevé d'office le moyen d'ordre public, qui ressortait des pièces du dossier, tiré de ce que le préfet de Saône-et-Loire ne pouvait, sans méconnaître le champ d'application de la loi, rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. D... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions alors en vigueur du 3° bis de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, ainsi qu'il a été dit au point précédent. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Dijon.

Sur la légalité de la décision du 19 août 2019 :

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de la décision contestée, que le préfet de Saône-et-Loire a estimé que, si M. D... remplissait les conditions de ressources et de logement posées à l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour faire venir en France son épouse au titre du regroupement familial, il ne satisfaisait pas en revanche à la condition alors posée au 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il s'était trouvé en situation de polygamie en 2007 puis en 2009. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 6, le préfet de Saône-et-Loire ne pouvait légalement rejeter pour ce motif la demande d'autorisation de regroupement familial présentée par M. D..., ressortissant algérien.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, que le préfet de Saône-et-Loire, qui n'a d'ailleurs pas sollicité de substitution de motif, a entaché d'illégalité sa décision du 19 août 2019 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. D.... Cette décision doit, par suite, être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif qui la fonde, l'exécution de l'annulation prononcée implique seulement qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à un nouvel examen de la situation de de M. D... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. M. D... n'a ni obtenu, ni même sollicité l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, ses conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903414 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Dijon ainsi que la décision du préfet de Saône-et-Loire du 19 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M. D... au bénéfice de son épouse, Mme F..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mâcon.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 20LY02351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02351
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-03 Famille. Regroupement familial (voir : Etrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ABBOUB

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;20ly02351 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award