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06/05/2021 | FRANCE | N°19LY02881

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 06 mai 2021, 19LY02881


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Semur-en-Auxois à lui verser la somme de 18 503,57 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement hospitalier, subsidiairement d'ordonner une expertise médicale et de mettre à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois, outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Semur-en-Auxois à lui verser la somme de 18 503,57 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge dans cet établissement hospitalier, subsidiairement d'ordonner une expertise médicale et de mettre à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois, outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Semur-en-Auxois à lui verser la somme de 15 093,25 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre des prestations servies à Mme F... ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion

Par un jugement n° 1702324 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Semur-en-Auxois à verser, d'une part, à Mme F... une somme de 2 207,40 euros, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or une somme de 15 093,25 euros au titre de ses débours, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019 et des mémoires enregistrés le 13 septembre 2019 et le 28 novembre 2019, le centre hospitalier de Semur-en-Auxois, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702324 du 21 mai 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme F... et par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a jugé que les conséquences de l'intubation pratiquée témoignent d'une certaine force dans l'introduction de la canule de la sonde d'intubation révélant un geste non-conforme aux règles de l'art ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que ni la circonstance qu'aucun incident n'ait été consigné dans le dossier médical de la patiente ni le rapport rédigé en mai 2017 par le médecin anesthésiste qui a pratiqué l'intubation, dont il résulte que l'intubation et l'extubation ont été réalisées sans difficulté, n'étaient de nature à remettre en cause les conclusions de l'expertise ;

- la lésion trachéale subie par Mme F..., qui fait partie des risques inhérents à l'intubation en particulier lorsque, comme en l'espèce, le patient présente des critères de risques, ne résulte pas d'une faute technique de l'opérateur ;

- le diagnostic de la plaie de la face postéro-latérale de la trachée avec pneumo-médiastin n'a pas été posé avec un retard fautif ; le délai de diagnostic, posé trois jours après l'anesthésie, n'a pas été ni particulièrement long ni préjudiciable à la patiente ;

- les souffrances endurées par Mme F... ont été suffisamment réparées par l'indemnité de 1 900 euros allouée par les premiers juges ;

- la somme allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel temporaire est satisfactoire ;

- la lésion trachéale a été guérie et n'a laissé aucune séquelle définitive ;

- Mme F... ne justifie pas des frais divers qu'elle aurait exposés.

Par des mémoires enregistrés le 11 octobre 2019 et le 13 mai 2020, Mme F..., représentée par Me A..., conclut :

1°) au rejet de la requête du centre hospitalier de Semur-en-Auxois ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 1702324 du 21 mai 2019 en ce que le tribunal administratif de Dijon n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires ;

3°) à ce que le centre hospitalier de Semur-en-Auxois soit condamné à lui verser la somme de 18 063,57 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis ;

4°) subsidiairement, à ce que soit ordonnée une expertise médicale, confiée à un chirurgien orthopédique ;

5°) à ce que le centre hospitalier de Semur-en-Auxois soit condamné à lui verser une provision à hauteur de la somme de 2 000 euros ;

6°) à ce qu'outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le geste d'intubation, à l'origine d'une déchirure profonde et importante de la trachée, révèle un défaut de précaution fautif et non un aléa thérapeutique ;

- en n'indiquant pas dans son dossier médical la difficulté rencontrée à l'introduction de la sonde d'intubation, le centre hospitalier de Semur-en-Auxois a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le diagnostic de perforation de la trachée a été posé tardivement ;

- cette complication a impliqué un retard de prise en charge pour la kinésithérapie active, ce qui a compromis les chances de succès de l'intervention chirurgicale de pose d'une prothèse du genou gauche ;

- elle a droit à :

* la somme de 5 400 euros au titre des souffrances endurées, physiques et morales, qu'il convient d'évaluer à 3,5 sur une échelle de 7 ;

* la somme de 1 835 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel ;

* la somme de 8 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, évalué à 8 %, du fait de la persistance d'une raideur du genou gauche liée à un arrêt de la rééducation à la suite de la découverte de la plaie trachéale, et à l'état de stress post-traumatique qu'elle a développé ;

* la somme de 3 268,57 euros au titre des frais de photocopie, des frais de déplacement, des frais postaux et des frais d'ostéopathie qu'elle a exposés ;

- subsidiairement, ses préjudices n'étant pas sérieusement contestables, elle a droit, dans l'hypothèse où une contre-expertise serait ordonnée, au versement d'une provision de 2 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or, représentée par Me C... E..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué en ce que le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Semur-en-Auxois à lui verser une somme de 15 093,25 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la plaie trachéale dont a été victime Mme F... résulte d'un geste d'intubation non conforme aux règles de l'art ; en outre, le diagnostic de cette plaie a été posé tardivement ; l'entière responsabilité du centre hospitalier de Semur-en-Auxois est engagée à raison de ces deux fautes ;

- ses débours, correspondant à des frais hospitaliers et des frais de transport, s'élèvent à la somme totale de 15 093,25 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été admise le 19 janvier 2016 au centre hospitalier de Semur-en-Auxois pour y subir une intervention chirurgicale en vue de la pose d'une prothèse totale du genou gauche. L'anesthésie générale qu'exigeait cette intervention a nécessité une intubation trachéale, au cours de laquelle Mme F... a subi une perforation de la trachée. Imputant les dommages en résultant à des fautes de l'établissement, elle a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Semur-en-Auxois. Par un jugement du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, partiellement fait droit à la demande de Mme F... de réparation de ses préjudices et condamné le centre hospitalier de Semur-en-Auxois à lui verser en conséquence une somme de 2 207,40 euros et, d'autre part, a condamné le centre hospitalier à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or une somme de 15 093,25 euros au titre de ses débours. Le centre hospitalier de Semur-en-Auxois relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme F... demande la réformation de ce jugement en ce qu'il a limité ses prétentions indemnitaires à la somme mentionnée ci-dessus.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Semur-en-Auxois :

En ce qui concerne les fautes alléguées :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. "

3. En premier lieu, l'intubation d'un patient en vue d'une anesthésie générale ne peut être regardée comme un geste courant à caractère bénin dont les conséquences dommageables, lorsqu'elles sont sans rapport avec l'état initial du patient, seraient présumées révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service. La responsabilité du service public hospitalier peut par suite n'être engagée que sur le terrain de la faute prouvée.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, que Mme F... a été victime, au cours de l'anesthésie nécessitée par l'intervention chirurgicale de pose d'une prothèse du genou gauche, d'une perforation de la trachée à l'occasion de l'intubation. Le centre hospitalier de Semur-en-Auxois fait valoir, en se fondant sur un rapport médical critique établi par un anesthésiste-réanimateur et produit pour la première fois en appel, que l'existence d'un geste fautif de l'opérateur n'est pas rapportée dès lors que la lésion trachéale fait partie des risques rares inhérents à l'intubation mais connus et que Mme F... présentait en outre des facteurs de risques liés à son sexe, son âge, et une surcharge pondérale l'exposant à une complication anesthésique. Toutefois, l'expert judiciaire a relevé que la perforation trachéale en cause était la conséquence d'un " geste technique défectueux " de l'anesthésiste, révélant une " maladresse inhabituelle ", un " défaut de précaution ", et un manquement aux règles de l'art dans l'introduction de la sonde d'intubation, au vu de la nature de la plaie trachéale occasionnée, sur une hauteur de 3 centimètres, constituant une " déchirure profonde et importante de la trachée " témoignant " d'une certaine force dans l'introduction de la canule de la sonde d'intubation alors que la patiente était endormie, sous anesthésie générale ". Ni le rapport médical critique produit par le centre hospitalier, réalisé de façon non contradictoire et qui se borne à relever qu'il " paraît difficile d'affirmer (...) que l'intubation n'a pas été faite dans les règles de l'art " sans se prononcer en particulier sur la force utilisée par l'opérateur dans l'introduction de la sonde pour provoquer une déchirure de la trachée telle que celle qui a été occasionnée, ni le rapport établi par l'opérateur en mai 2017, ne sont de nature à contredire les conclusions précitées de l'expert désigné par le tribunal administratif de Dijon. En outre, si le centre hospitalier fait valoir que Mme F... était exposée à un risque de perforation trachéale, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise ni du rapport établi par l'opérateur, que l'âge de la patiente, son sexe et son surpoids auraient compliqué le geste d'intubation. Au demeurant, il est constant que l'intéressée n'avait notamment pas d'anomalie oesophagienne ou trachéale susceptible d'expliquer les complications apparues. Dans les circonstances de l'espèce, au vu notamment de la force utilisée dans l'introduction de la sonde révélée par la nature de la plaie trachéale occasionnée, le geste d'intubation effectué par l'anesthésiste, même expérimenté, constitue une faute de nature à engager l'entière responsabilité du centre hospitalier de Semur-en-Auxois.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la perforation trachéale dont Mme F... a été victime s'est manifestée par la survenue d'un oedème de la face postéro-latérale de la trachée avec une gêne laryngée dès le lendemain de l'intervention, soit le 20 janvier 2016 au matin. Alors que cet oedème n'avait pas régressé le 21 janvier 2016, la présence d'un important emphysème sous-cutané avec gonflement du visage a été constatée le 22 janvier 2016 qui a conduit à ce que soit pratiqué en urgence un examen tomodensitométrique cervico-thoracique, lequel a permis de diagnostiquer une brèche trachéale à l'origine d'un important pneumo-médiastin et d'une lame de pneumothorax apical gauche. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise et du rapport médical critique produit par le centre hospitalier, que le diagnostic de perforation de la trachée a été posé trois jours après l'anesthésie générale de Mme F... alors que des signes cliniques étaient apparus moins de 24 heures après l'intervention et que, selon la littérature médicale, le délai moyen entre l'intubation et le diagnostic de la perforation se situe aux environs de 25 heures. Selon l'auteur du rapport critique, le diagnostic a, en l'espèce et au vu des signes cliniques, été posé avec un retard de 24 heures. Ainsi, le délai d'environ 48 heures après l'apparition des premiers signes d'une perforation trachéale mis pour procéder à un scanner permettant d'établir le diagnostic a été, dans les circonstances de l'espèce, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme F..., la circonstance que les difficultés d'introduction de la sonde d'intubation n'ont pas été rapportées dans son dossier médical n'est pas, par elle-même, de nature à révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier.

En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes et le dommage :

7. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

8. Mme F... fait valoir que la perforation trachéale dont elle a été victime et le délai pris à poser le diagnostic de cette complication anesthésique ont retardé sa rééducation du genou gauche d'une vingtaine de jours, compromettant ainsi les chances de succès de l'intervention de pose d'une prothèse du genou qu'elle avait subie. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise et du rapport médical critique, que Mme F... a été prise en charge le 22 janvier 2016 au centre hospitalier universitaire de Dijon où l'évolution de sa plaie trachéale a été rapidement favorable, ce qui lui a permis d'être transférée cinq jours plus tard, le 27 janvier 2016, au service orthopédique du centre hospitalier de Semur-en-Auxois afin d'entamer sa rééducation du genou. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intéressée, elle n'a subi, du fait des fautes imputables au centre hospitalier, qu'un retard limité à cinq jours dans le début de sa rééducation fonctionnelle. Il résulte en particulier du rapport d'expertise que ce retard de cinq jours dans la prise en charge orthopédique n'est pas à l'origine de la formation des adhérences musculaires dont souffre la requérante ni du résultat sur le plan orthopédique de cette intervention que Mme F... estime non satisfaisant, lesquelles sont, selon l'expert, susceptibles d'amélioration par une perte de poids et la kinésithérapie. Ainsi, le retard de cinq jours imputable aux fautes énoncées aux points 4 et 5 est dépourvu de lien de causalité avec l'évolution postopératoire de la pose d'une prothèse du genou. Dès lors, seuls les dommages dont Mme F... demande réparation et en lien exclusif avec les fautes liées à la survenue d'une perforation trachéale et au retard de diagnostic de celle-ci sont susceptibles d'ouvrir droit à indemnisation.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

9. Mme F... demande que la somme 227,40 euros que le tribunal administratif de Dijon lui a allouée au titre des frais divers qu'elle a exposés soit portée à 3 268,57 euros. Pour limiter l'indemnisation due à l'intéressée à 227,40 euros et correspondant aux frais de reprographie de son dossier médical facturés par le centre hospitalier de Semur-en-Auxois pour un montant de 22 euros et à des frais de déplacement à hauteur de 205,40 euros, le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que le surplus des frais de déplacement pour le même trajet n'était pas justifié, et, d'autre part, que les frais postaux, les frais de reprographie, les frais kilométriques liés à diverses consultations médicales et séances de kinésithérapie et ostéopathie ainsi que les dépenses restées à la charge de Mme F... pour des séances de kinésithérapie et d'ostéopathie, ne présentaient pas de lien de causalité direct avec les fautes relevées. Devant la cour, Mme F... se borne à reprendre la même argumentation qu'en première instance et à produire les mêmes justificatifs. Par adoption des motifs des premiers juges, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par l'intimée devant la cour et tendant au remboursement de ces frais.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

10. En premier lieu, les souffrances morales et psychologiques endurées par Mme F... en lien direct et certain avec la perforation trachéale dont elle a été victime et avec le retard de diagnostic de celle-ci ont été évaluées par l'expert à 2,5 sur une échelle de 7. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que le lien entre la perforation trachéale subie par l'intéressée, dont la guérison a été rapide après que le diagnostic a été posé, et un traumatisme psychologique n'est pas rapporté. En outre, pour les motifs énoncés au point 8, Mme F... n'est pas fondée à demander à être indemnisée des souffrances en lien avec sa prothèse du genou gauche. Dans ces circonstances, les premiers n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 1 900 euros.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, que Mme F... a subi un déficit fonctionnel temporaire total en lien avec les fautes commises durant la période du 22 au 26 janvier 2016 au cours de laquelle elle a été prise en charge au centre hospitalier universitaire de Dijon pour traiter sa perforation trachéale. Contrairement à ce que soutient Mme F..., il ne résulte pas de l'instruction que son hospitalisation entre le 27 janvier 2016 et le 9 février 2016, au service orthopédique du centre hospitalier de Semur-en-Auxois puis dans le service de soins de suite et de réadaptation du centre hospitalier de Haute Côte-d'Or, serait imputable à la perforation trachéale. Au demeurant, l'examen endoscopique réalisé le 9 février 2016 a conclu à une bonne cicatrisation de la trachée. Pour les motifs énoncés au point 8, Mme F... n'est pas fondée à demander à être indemnisée du déficit fonctionnel partiel en lien avec l'intervention de pose de la prothèse du genou gauche. Dès lors, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due au titre des fautes retenues à l'encontre du centre hospitalier de Semur-en-Auxois en allouant à l'intéressée une somme de 80 euros.

12. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de l'expertise, que Mme F... aurait subi un déficit fonctionnel permanent en lien direct et certain avec la complication anesthétique dont elle a été victime. A cet égard, ainsi qu'il a été dit aux points 8 et 10, la persistance d'une raideur au niveau du genou gauche et l'état de stress développé par l'intéressée ne sont pas directement liées aux fautes commises par le centre hospitalier.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par Mme F..., que le centre hospitalier de Semur-en-Auxois n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à Mme F... une somme de 2 207,40 euros au titre des préjudices subis lors de l'intervention du 19 janvier 2016 et à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or une somme de 15 093,25 euros, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et que Mme F... n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal s'est borné à lui allouer la somme susmentionnée.

Sur les frais d'expertise :

14. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 418 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon du 28 mars 2018, à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois, qui est, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, le versement de la somme réclamée par Mme F... et par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Semur-en-Auxois ainsi que les conclusions présentées par Mme F... sont rejetées.

Article 2 : Les frais d'expertise, d'un montant de 2 418 euros, sont maintenus à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois.

Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Semur-en-Auxois, à Mme B... F... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 19LY02881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02881
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;19ly02881 ?
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