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13/04/2021 | FRANCE | N°20LY01713

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 avril 2021, 20LY01713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif E... d'annuler la décision du 23 octobre 2018 par laquelle le préfet du Rhône a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 30 juillet 1979 ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1809186 du 28 mai 2020, le tribunal administratif E... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2020, M. A..., représenté par Me F..., demande à l

a cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2020 du tribunal administratif E... ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif E... d'annuler la décision du 23 octobre 2018 par laquelle le préfet du Rhône a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 30 juillet 1979 ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1809186 du 28 mai 2020, le tribunal administratif E... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2020, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2020 du tribunal administratif E... ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 octobre 2018 du préfet du Rhône ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de ce que la délégation de signature accordée à M. B... ne visait pas les arrêtés d'expulsion et qu'elle était trop large et imprécise ;

- le tribunal a également dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'il n'était pas dépourvu de toute attache en Algérie ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979, dès lors qu'en application du code des relations entre le public et l'administration, il appartenait au préfet d'abroger l'arrêté d'expulsion devenu illégal en raison d'un changement des circonstances de droit postérieur à son édiction ; qu'il convient de faire application de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ; qu'il était âgé de 19 ans et avait toujours vécu en France à la date de l'arrêté d'expulsion en 1979 ; que s'il a été renvoyé en Algérie en 1987, ce court séjour n'a pas eu pour effet d'interrompre sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ; que les infractions qui lui étaient reprochées de vol et tentative de vol ne constituaient pas des comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, n'étaient pas liées à des activités terroristes et ne constituaient pas des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ;

- la décision attaquée a été signée par le secrétaire général adjoint de la préfecture du Rhône ; or les décisions d'expulsion ou de refus d'abrogation d'expulsion sont prises par le préfet de département en application de l'article R. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la délégation de signature accordée à M. B... est large et imprécise ; la délégation de signature ne vise que l'entrée et le séjour des étrangers mais pas leur éloignement ; l'arrêté de délégation de signature n'est pas signé et n'émane pas du préfet du Rhône ;

- la motivation de l'arrêté ne précise pas en quoi M. A... représenterait une menace persistante à l'ordre public ;

- la décision méconnaît l'article L. 521-1 et l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône n'a pas fait état de circonstances actuelles permettant de considérer qu'à la date de la décision de refus d'abrogation, il constituait toujours une menace à l'ordre public ; le préfet ne fait pas état de la gravité de la menace ; le préfet du Rhône n'a pas procédé à une enquête administrative sérieuse pour apprécier la réalité de l'existence de cette menace grave à la date de sa décision ; la commission d'expulsion a estimé qu'il ne représentait plus une menace grave ; il n'a commis aucune infraction pendant 26 ans ; il a lui-même signalé son usurpation d'identité au procureur ; sa peine a été aménagée en 2011 ; si, en 2012, il a été mis en cause pour une affaire de vols de palettes qu'il croyait abandonnée, ces faits ont fait l'objet d'une mesure de classement sans suite au motif d'une composition pénale réussie ; les faits de vol de palettes en 2014 ont été sanctionnés par une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis ; il n'a commis aucun fait délictueux depuis quatre ans ; s'il est relevé qu'il s'est soustrait aux obligations de son assignation à résidence en sortant du département du Rhône en 2015, il a été contrôlé à Villefontaine, commune limitrophe du département ; ces faits ne sauraient s'analyser comme constituant une menace grave à l'ordre public ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a pas de famille en Algérie, que le préfet n'a pas pris en compte en son insertion professionnelle en France et la circonstance qu'il a passé la quasi-totalité de son existence en France ; il n'a vécu que quelques mois en Algérie entre son expulsion après sa détention et son retour sur le territoire français ; les membres de sa famille vivent régulièrement en France ; il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée ; les faits qui ont abouti à l'édiction d'un arrêté d'expulsion contre lui ont été commis alors qu'il était mineur ou tout jeune majeur et sont anciens de plus de quarante ans.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me F..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant algérien, est né le 29 juillet 1960 en France. Le 24 février 1977, il a été condamné par le tribunal pour enfant E... pour des faits de vol à la roulotte et complicité commis le 14 octobre 1976. Le 10 février et le 26 mars 1978, il a été mis en cause dans une affaire de vol. Le 19 décembre 1978, il a été condamné à cinq mois d'emprisonnement dont trois avec sursis pour des faits de menace avec une arme commis le 27 août 1978 et pour des faits de vol avec effraction dans une station- service. Par un arrêté du 30 juillet 1979, le ministre de l'intérieur a prononcé l'expulsion de M. A... et lui a enjoint de sortir du territoire français. Le 30 avril 1982, la cour d'assise de l'Ain l'a condamné à dix ans de réclusion criminelle pour complicité d'homicide volontaire commis le 16 janvier 1980. Le 9 septembre 1987, en fin de peine, M. A... a été expulsé vers l'Algérie. L'intéressé est revenu de manière irrégulière en France dès 1988. M. A... a formé plusieurs demandes d'abrogation de l'arrêté d'expulsion qui ont fait l'objet de décisions implicites de rejet. Par un arrêté du 24 novembre 2008, le préfet du Rhône a assigné M. A... dans le département du Rhône et l'a mis en possession d'autorisations provisoires de séjour régulièrement renouvelées. Le 25 mai 2012, il a bénéficié d'une composition pénale consistant dans le paiement d'une amende de 150 euros pour des faits de vol commis le 28 janvier 2012. Par un jugement du 25 avril 2015, le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance E... l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol au cours de la période du 1er au 22 décembre 2014. Par une décision du 20 novembre 2015, le préfet du Rhône a abrogé l'arrêté d'assignation après avoir constaté que l'intéressé ne respectait pas les prescriptions de l'arrêté d'assignation à résidence dans le département du Rhône. Par un arrêt du 18 janvier 2018, la cour administrative d'appel E... a annulé le jugement du tribunal administratif E... du 10 mai 2017 en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation des décisions implicites refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979, a annulé la décision implicite du préfet du Rhône refusant d'abroger, à la suite de la demande de M. A..., l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979 en l'absence de consultation de la commission d'expulsion prévue par les dispositions de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a rejeté le surplus des conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'abrogation du 20 novembre 2015 de l'arrêté d'assignation à résidence. Le 29 janvier 2018, M. A... a demandé à la préfecture du Rhône de procéder au réexamen de sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion. Le 1er octobre 2018, la commission d'expulsion a émis un avis favorable à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion. Par une décision du 23 octobre 2018, le préfet du Rhône a rejeté la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979. Par un arrêté du même jour, le préfet du Rhône a assigné à résidence M. A... dans le département du Rhône. M. A... relève appel du jugement du 28 mai 2020 par lequel le tribunal administratif E... a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 octobre 2018 du préfet du Rhône.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la délégation de signature accordée à M. B..., générale et imprécise, ne lui permettait pas de signer les décisions critiquées. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et est, pour ce motif, irrégulier.

3. En revanche, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier en jugeant que M. A... n'était pas dépourvu de toute attache en Algérie a trait au bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif E....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions :

5. Si les dispositions de l'article R. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que " l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-1 (...) est le préfet de département (...) ", ces dispositions ne lui interdisent pas de déléguer la signature des arrêtés et décisions relatifs aux mesures d'expulsion.

6. Par un arrêté du 18 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône du même jour, le préfet du Rhône a accordé une délégation de signature à M. B..., secrétaire général adjoint de la préfecture du Rhône, à l'effet de prendre toute décision nécessitée par l'exercice de la permanence et notamment dans le domaine de la législation et la réglementation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ". Contrairement à ce que fait valoir le requérant, cette délégation ni imprécise ni générale permettait à M. B... de signer la décision du 23 octobre 2018 portant refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion et l'arrêté d'assignation à résidence. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions critiquées manque en fait.

En ce qui concerne la légalité du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979 :

7. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet a énoncé les dispositions sur lesquelles il s'est fondé pour prendre cette mesure et a précisé que M. C... A..., célibataire et sans enfant, représente une menace persistante pour l'ordre public. Par suite, la décision attaquée est suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ".

9. Si les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce qu'une mesure d'expulsion puisse être prise à l'encontre d'un étranger se trouvant dans l'un des cas qu'elles définissent, elles n'ont en revanche par pour objet d'ouvrir droit à l'abrogation d'une mesure d'expulsion prise antérieurement à l'encontre de l'étranger. Elles ne peuvent dès lors être utilement invoquées à l'encontre de la décision du 23 octobre 2018.

10. Aux termes de l'article L. 521-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " Aux termes de l'article L. 524-1 du même code, " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter. " Aux termes de l'article L. 5242 de ce code, " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 5241, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. ".

11. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

12. Il résulte de ce qui a été au point 1 que M. A... a été condamné, le 30 avril 1982, par la cour d'assise de l'Ain à dix ans de réclusion criminelle pour complicité d'homicide volontaire commis le 16 janvier 1980. S'il a été expulsé à l'issue de sa peine à destination de l'Algérie le 9 septembre 1987, M. A... est revenu de manière irrégulière en France dès 1988. Par un jugement du 25 janvier 2008, M. A... a été condamné à six mois d'emprisonnement dont trois avec sursis, pour des faits d'entrée ou de séjour irrégulier en France et détention frauduleuse de faux document constatant un droit, une identité ou une qualité et à un mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui. Le 25 mai 2012, il a bénéficié d'une composition pénale consistant dans le paiement d'une amende de 150 euros après avoir reconnu des faits de vol commis le 28 janvier 2012. Par un jugement du 25 avril 2015, il a été condamné par le tribunal correctionnel E... à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol au cours de la période du 1er décembre au 22 décembre 2014. En 2015, le préfet du Rhône a constaté que M. A... ne respectait pas les prescriptions de l'arrêté d'assignation à résidence dans le département du Rhône dont il faisait l'objet et l'a abrogé. Par suite, et après avoir effectué une enquête administrative dont le caractère sommaire n'est pas établi, le préfet du Rhône a pu estimer à bon droit, compte tenu de la nature, de la gravité et pour certains du caractère répété des agissements commis par M. A... qui, en dernier lieu, a été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis par un jugement du 25 avril 2015 et alors que l'intéressé n'a pas respecté les prescriptions de l'arrêté d'assignation à résidence, que la présence de M. A... en France constituait encore, à la date de la décision contestée, une menace persistante pour l'ordre public de nature à justifier le maintien des effets de la mesure d'expulsion qui avait été prise à son encontre et ce nonobstant les circonstances que la commission d'expulsion du Rhône a émis, le 1er octobre 2018, un avis favorable à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

14. M. A... fait également valoir qu'il est né en France, que tous les membres de sa famille y vivent régulièrement et qu'il a fourni des efforts d'insertion professionnelle qui n'ont pas été pris en compte. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant et qu'il dispose encore d'attaches familiales en Algérie, l'intéressé ayant indiqué au service de police du commissariat subdivisionnaire E... le 22 mai 2018 qu'il " n'avait pratiquement pas de famille en Algérie et je ne les connais pas ou peu ". Par ailleurs, à la date de la décision en litige, sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Ainsi, et nonobstant la circonstance qu'il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chauffeur-livreur, le préfet du Rhône n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a ainsi par méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet du Rhône n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant en refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 23 octobre 2018 portant assignation à résidence dans le département du Rhône :

15. Les moyens invoqués à l'encontre du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté l'assignant à résidence dans le département du Rhône.

16. Le préfet du Rhône a versé au dossier les éléments de l'enquête administrative en première instance.

17. Aux termes de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 561-1. Les dispositions de l'article L. 624-4 sont applicables " et aux termes de l'article L. 561-1 du même code, " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence (...). La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception : (...) b) Dans les cas prévus aux articles L. 523-3 à L. 523-5 et au 6° du présent article, la durée maximale de six mois ne s'applique pas. "

18. L'arrêté contesté vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile notamment les dispositions des articles L. 521-1 à L. 523-5 et l'article L. 561-1. Par ailleurs, il fait mention de l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979 et de sa demande d'abrogation, de l'arrêt de la cour administrative d'appel E... du 18 janvier 2018, de l'avis favorable de la commission prévue à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de la situation de M. A... et de l'enquête administrative. Par suite, l'arrêté d'assignation à résidence est suffisamment motivé en fait et en droit.

19. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 23 octobre 2018 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 30 juillet 1979 et de l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans le département du Rhône. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 mai 2020 du tribunal administratif E... est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif E... et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

2

N° 20LY01713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01713
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-13;20ly01713 ?
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